[Billet d'humour] Les plaisirs démodés
Ça porte même un nom : le "back to back". Le client vous a demandé 5 ans de garantie ? Pas de problème, on va demander la même chose aux fournisseurs... 10% de pénalités : idem ! Un paiement échelonné : idem ! Une absence d'indexation sur les matières premières : idem !
Je m'abonneO ami fournisseur : "Viens, découvrons toi et moi les plaisirs démodés. Ton coeur contre mon coeur malgré les rythmes fous. Je veux sentir mon corps par ton corps épousé. Dansons joue contre joue !", comme chantait Aznavour. Eh oui, car il paraît que l'amour, c'est quand on regarde tous les deux dans la même direction, acheteurs et fournisseurs tendrement enlacés.
Mais pourquoi est-ce que je vous parle de ça ? Les afficionados des achats auront tout de suite vu où je voulais en venir: eh oui, on parle bien des achats dans le BTP ! Car l'amour des fournisseurs se conjugue aussi avec les maisons de maçons, qui en douterait ?
Revenons aux choses sérieuses, et expliquons-nous : or donc, si vous êtes acheteur projet dans le BTP, c'est que vous êtes en charge de réaliser les achats d'une "affaire", comme on dit. Un client a décidé par exemple de refaire l'installation électrique d'un gros immeuble : il va falloir acheter des câbles, des transformateurs, des TGBT (tableau général basse tension, à ne surtout pas confondre avec LGBT !), de la sous-traitance, et encore tout un tas de bazar... Et votre client va vous payer à l'avancement des travaux, avec plein de pénalités si vous prenez du retard ou si vous faites des travaux non conformes.
On voit bien que, si le montant d'achats et de sous-traitance est élevé, et la marge faible, la moindre pénalité demandée par le client va compromettre l'équilibre financier de l'opération. C'est là où intervient l'idée géniale : faire porter tout ou partie des pénalités sur les fournisseurs d'équipements et de sous-traitance, un peu comme un bâton merdeux. Ça porte même un nom: le "back to back". Le client vous a demandé 5 ans de garantie ? Pas de problème, on va demander la même chose aux fournisseurs... 10% de pénalités : idem ! Un paiement échelonné: idem ! Une absence d'indexation sur les matières premières : idem !
Bon, jusque-là, on comprend bien le principe: diluer le risque pour éviter de perdre sa chemise dans l'opération. Pour les fins financiers, le BTP a une intensité capitalistique faible, ce qui fait que même avec une petite marge (mais bien préservée), le ROCE reste élevé (sans parler du FCF).
Oui, mais qu'est-ce qui se passe si on n'est pas en "back to back", et que les fournisseurs vous ont juste dit "zut" ? Ou si on a accepté de la part du client des clauses intenables? Le mystère reste entier, mais mon petit doigt me dit que c'est une raison pour laquelle les services juridiques dans le BTP sont rarement sous-dimensionnés et savent entonner en coeur : "ô ami fournisseur, découvrons toi et moi les plaisirs démodés : dansons joue contre joue"...
Par Firmin de Montalembert.... un directeur achats Groupe anonyme, qui dissimule généralement son espièglerie sous un masque de grand sérieux
Lire d'autres chroniques de Firmin (mais ce ne sont que des exemples, il y en a plein d'autres sur le site !):
Matières premières : le retour de Pif le Chien
Lire aussi : « Tendances et Priorité des Achats » : l'édition phare AgileBuyer en partenariat avec le CNA 2025 est lancée
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