« La négociation n'a pas changé depuis que le métier d'acheteur existe », grossit volontairement Mykyta Voytenko. Un sens de la formule qui prend de l'écho après quinze années passées dans les achats dans des maisons telles que GDF- Suez, Norauto, Sanofi ou encore Nestlé. Un parcours qui l'a convaincu de la nécessité de repenser les modes de négociation dans l'entreprise. Sa réponse se concrétise par la création il y a 18 mois de Crown, pépite spécialisée dans les e-auctions et les programmes de négociation, qui vise à replacer les acheteurs dans un rôle de chef d'orchestre du marché. « Aujourd'hui, on attend des acheteurs qu'ils construisent des relations durables avec leurs fournisseurs. Mais c'est souvent incompatible avec une posture de négociateur dur », met en parallèle Mykyta Voytenko. Et c'est là tout le concept de Crown qui vise à externaliser la pression de la négociation vers un marché digitalisé et structuré
Des modes de négociation usés et inadaptés pour les fournisseurs-partenaires
« Les acheteurs répètent chaque année les mêmes séquences de négociation, souvent sans remise en cause méthodologique. Les achats savent pourtant empiriquement que renégocier de la même façon échoue au bout de quelques cycles », regrette le fondateur de Crown.
Il en va de même pour tout type de négociation. « Même les enchères inversées, longtemps perçues comme des leviers d'optimisation, s'avèrent contre-productives lorsqu'elles sont systématisées. Les fournisseurs finissent par s'y adapter, contournent les règles. L'effet levier s'amenuise et cela neutralise la pression concurrentielle », explique l'expert achats. Il convient donc de varier les plaisirs. Mais comment ?
(Re)mettre le marché en mouvement grâce à un tiers de confiance
Mykyta Voytenko défend une approche dans laquelle l'acheteur ne négocie plus en direct mais organise la négociation. En clair, il s'agit d'« une vraie négociation de marché, où les fournisseurs fixent eux-mêmes leur positionnement concurrentiel dans un cadre éthique et transparent », renchérit l'entrepreneur qui ne manque pas de pointer les pratiques abusives à l'oeuvre qui ont concouru à rendre les enchères impopulaires dans certains secteurs.
Au coeur des griefs, des pratiques dont l'éthique est absente comme celle de créer un faux profil fournisseur par un acheteur qui va créer de l'emballement dans l'enchère. Ce faisant, Crown ambitionne d'être avant tout un tiers de confiance, maillon incontournable dans la relation fournisseurs long terme.
Concrètement, l'acheteur définit les règles, structure l'appel d'offres, sélectionne les modalités les plus pertinentes parmi 18 méthodes référencées par Crown. Entre autres, "l'enchère scellée avec pre-bids", "la japonaise no award" ou encore "l'anglaise + la hollandaise"...Pour les curieux, l'ouvrage de Jacob Gorm Larsen, A Practical Guide to E-auctions for Procurement vous est tout indiqué.
En définitive, c'est tout un playbook de la négo élaboré à partir de 18 méthodes éprouvées et d'une base scientifique unique qui permet d'adapter les formats à chaque stratégie. Dit autrement, ce référentiel méthodologique permet d'adapter les formats de négociation à chaque catégorie d'achat, chaque typologie de fournisseur et chaque stratégie d'entreprise.
De l'art d'onboarder prescripteurs, acheteurs et fournisseurs
L'onboarding est tout aussi stratégique côté achats que côté fournisseurs pour mettre en place cette nouvelle méthodologie. « Crown prend en charge l'ensemble du processus : cartographie des catégories, définition de la stratégie, construction des enchères, formation individuelle des fournisseurs et support en direct. Les acheteurs n'ont ni le temps ni l'intérêt de devenir experts outils. Ce n'est pas là leur valeur ajoutée », partage Mykyta Voytenko.
Cette externalisation de la conduite des enchères permet de dégager du temps opérationnel tout en maximisant les résultats. Selon Crown, une enchère bien menée permet de générer environ 6 % de savings incrémentaux et de réduire de 70 % le temps consacré à la négociation. Les clients les plus avancés visent jusqu'à 80 % de leurs achats traités via ce type de dispositif, un objectif atteignable en quatre à cinq ans.
L'accompagnement vise aussi les métiers. Dans de nombreux cas, notamment en IT ou prestations intellectuelles, les opérationnels restent décisionnaires. Crown intervient alors pour « onborder » les clients internes, leur montrer les mécanismes à l'oeuvre et créer un langage commun avec les acheteurs. « Le métier comprend mieux dès lors que l'acheteur n'est pas celui qui négocie, mais celui qui structure l'achat, sécurise, innove, met en concurrence », synthétise le CEO de Crown.
Identifier les bons leviers achats
Cette approche à la croisée du conseil, de la technologie SaaS et du BPO (Business Process Outsourcing) nécessite toutefois d'embarquer dès le départ les achats et de faire bouger leur mindset au niveau stratégique.
D'autant que la méthode repose sur une évaluation fine des catégories. « Une enchère ne s'applique pas à tout. Elle fonctionne sur les segments importants, à risque maîtrisé. » Crown s'appuie pour cela sur une lecture croisée de la criticité business et du risque fournisseur. L'enjeu consiste à isoler les zones d'efficacité maximale, sans forcer l'usage de la méthode là où elle se révèle peu pertinente.
Un travail au-delà des murs de la direction achats
L'accompagnement vise aussi les métiers. Dans de nombreux cas, notamment en IT ou prestations intellectuelles, les opérationnels restent décisionnaires. Crown intervient alors pour « onborder » les clients internes, leur montrer les mécanismes à l'oeuvre et créer un langage commun avec les acheteurs. « Le métier comprend mieux que l'acheteur n'est pas celui qui négocie, mais celui qui structure l'achat, sécurise, innove, met en concurrence. »