BTP : comment reprendre le contrôle sur la conformité fournisseurs ?
Complexité des chantiers, sous-traitance en cascade et contrôles documentaires manuels, la conformité dans le BTP reste fragile. Stéphanie Nock, cofondatrice d'Othentis, pointe les limites des pratiques actuelles et appelle à une automatisation plus rigoureuse, depuis l'authentification des documents jusqu'à la vérification des personnels sur site.

Quels sont les spécificités sectorielles sur la conformité des fournisseurs?
Stéphanie Nock : Plusieurs spécificités propres au secteur du BTP rendent la conformité plus difficile à contrôler. D'abord, les chantiers rassemblent souvent plusieurs entreprises, toutes éloignées de leur siège, ce qui complique la visibilité. Cette configuration favorise la présence potentielle d'intervenants non déclarés, sans que personne ne les identifie facilement.
Ensuite, la sous-traitance y est fréquente, que ce soit pour pallier un manque d'effectifs ou une absence de compétences spécifiques. Cela fragilise le suivi, car le maître d'ouvrage n'est pas toujours présent sur site et n'a pas forcément une vision exhaustive de tous les intervenants. Ces deux facteurs combinés expliquent pourquoi le BTP reste le secteur le plus ciblé en matière de lutte contre le travail dissimulé.
Quels points de vigilance aujourd'hui ?
S. N. : Environ 90 % des maîtres d'ouvrage effectuent le contrôle documentaire de façon manuelle. Certes, les documents arrivent souvent par email, mais leur traitement repose sur une lecture humaine sommaire, sans authentification, avant d'être classés.
Ces documents ont une durée de validité courte, trois mois pour un Kbis, six mois pour une attestation de vigilance. Le suivi est donc incessant, répétitif et chronophage. Or, dans la pratique, cette obligation légale n'est pas prévue dans le temps de travail des maîtres d'ouvrage ou des chefs d'entreprise, ce qui la relègue à une formalité administrative, rarement approfondie.
La digitalisation actuelle ne concerne que l'archivage. Or, ce qui compte, c'est la capacité à authentifier automatiquement les documents dès leur réception, à gérer les relances systématiquement, sans post-it ou rappels oubliés, et à assurer une traçabilité globale sur la chaîne de sous-traitance. Les tâches actuelles sont chronophages et aboutissent souvent à une fiabilité insuffisante. Ce qui est fait, l'est parfois mal, et au final, cela décrédibilise l'effort de conformité alors même qu'il s'agit d'une obligation légale.
Quelle est la proposition de valeur d'Othentis ?
S. N. Othentis est complémentaire des ERP. Ces outils savent gérer des échéances documentaires. Ils peuvent enregistrer une date de validité et envoyer un rappel. Mais ils ne vérifient pas l'authenticité du document ni l'existence légale de l'entreprise. Par exemple, une attestation URSSAF comporte une formule spécifique qui en atteste la validité. Or, le simple fait d'indiquer une date dans un ERP ne garantit pas que le document soit authentique ni qu'il corresponde à la bonne entreprise.
C'est là qu'intervient la valeur ajoutée d'Othentis. L'authentification automatique auprès des bases officielles. Aujourd'hui, la solution est autonome, avec une saisie manuelle du SIRET (seul champ requis). Une version API sera bientôt disponible, ce qui permettra son intégration fluide dans les autres outils métiers.
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Les directions achats, surtout dans le BTP, peuvent-elles faire plus que juste collecter et vérifier des documents pour créer une vraie stratégie de conformité durable ?
S. N. C'est envisageable. On peut pré-configurer la collecte non seulement des documents obligatoires comme les attestations d'assurance ou fiscales, mais aussi d'autres pièces moins formelles telles que des plaquettes commerciales ou des certificats professionnels, selon le contexte. Tous les documents ne nécessitent pas la même intensité de vérification, certains peuvent être collectés sans contrôle approfondi. De plus, il est possible d'intégrer des vérifications complémentaires comme la solvabilité financière via d'autres API. Enfin, une autre dimension importante concerne la conformité des personnes physiques sur les chantiers, vérifiable grâce à la carte BTP qui identifie chaque collaborateur. Ce contrôle permet de gérer l'accès aux sites et d'assurer que seules les personnes autorisées, rattachées à une entreprise déclarée, interviennent. Cette continuité dans la conformité, depuis l'entreprise jusqu'au personnel, peut renforcer la stratégie globale des directions achats.
Un cas fréquent est celui d'une entreprise titulaire d'un marché qui fait intervenir un sous-traitant non déclaré au maître d'ouvrage. Sur le chantier, ce sous-traitant portera le gilet de l'entreprise principale, et ses salariés travailleront " en transparence " sans formalités administratives. Lorsqu'on contrôle la carte BTP, il apparaît que ces collaborateurs ne sont pas rattachés à l'entreprise titulaire et ne sont pas enregistrés officiellement sur le chantier. La machine détecte cette discordance entre le numéro de SIRET et la carte BTP, ce qui permet de signaler au maître d'ouvrage cette sous-traitance non déclarée. Ce type de contrôle automatisé renforce considérablement la capacité à détecter les fraudes et à assurer la conformité réelle.
Comment pensez-vous que les exigences réglementaires vont évoluer et êtes-vous prête à vous y adapter ?
S. N. : La réglementation évolue en réaction à la hausse de la fraude, qui elle-même s'accroît en raison notamment de l'augmentation du coût du travail. Or, les moyens humains de contrôle ne suivent pas cette croissance, ce qui crée un écart important entre la fraude détectée et celle réellement présente. La tendance est à la digitalisation systématique des contrôles pour endiguer ce phénomène. Othentis s'inscrit parfaitement dans cette dynamique, en favorisant la transparence et l'équité entre fournisseurs. En effet, cette transparence est essentielle pour garantir des appels d'offres justes, où tous les prestataires sont soumis aux mêmes règles fiscales et sociales.
Il s'agit aussi de préserver la sécurité sur les chantiers, en évitant des situations où certains travaillent dans l'illégalité, au détriment de la collectivité. En France, la digitalisation de ces processus devient incontournable, à la fois pour des raisons budgétaires et de mise en conformité accrue.
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