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Quand la réglementation bouleverse les contrats

Publié par Eve Mennesson le - mis à jour à
Quand la réglementation bouleverse les contrats

Réforme du droit des contrats, RGPD, loi Sapin II, devoir de vigilance ... Et à l'avenir, le Brexit ? De nombreuses réglementations entrées récemment en vigueur ont des impacts directs sur les contrats. Ce qui oblige les entreprises à les faire évoluer, mais aussi à revoir leurs processus.

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Le droit des contrats n'avait pas connu d'évolution majeure depuis l'adoption du code civil ... en 1804 ! Il était donc temps de mettre en place un droit des contrats adapté aux manières actuelles de contractualiser. C'était tout l'objectif de la réforme du droit des contrats, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, qui a fait le pari de simplifier les contrats et de les rendre plus efficaces, en favorisant les règlements à l'amiable, par exemple, pour éviter les contentieux, mais aussi en donnant aux copies sur support électronique une valeur juridique équivalente à celle des originaux. Surtout, les parties les plus faibles des contrats sont davantage protégées.

C'est aussi un souci de protection qui a vu l'entrée en vigueur de la loi Sapin 2 le 1er juin 2017 : cette nouvelle réglementation vise à lutter contre la corruption, mais aussi à protéger les lanceurs d'alertes. C'est encore dans le but de protéger, nos données cette fois-ci, que le RGPD (réglementation générale pour la protection des données) est entré en application le 25 mai 2018.

Autant de nouvelles réglementations qui affichent des objectifs louables, mais qui ont également un impact important sur les entreprises. Et notamment sur la manière de négocier, de rédiger et de suivre les contrats.

"Toutes les réglementations qui concernent les relations business ont un impact sur les contrats, car ­ceux-ci sont un outil de travail au service du business", souligne Adeline Fedrizzi, associée et responsable de la business unit Contract Management de Green Conseil. Les ­personnes en charge des contrats au sein des entreprises doivent, par conséquent, digérer toutes ces nouvelles réglementations, les appliquer, les faire ­comprendre en interne ... afin d'être en conformité avec la loi.

Une incidence non négligeable, qui peut aussi fournir l'occasion de faire évoluer l'organisation de la société pour la rendre plus collaborative.

Lire la suite en page 2 : Ne pas se limiter à ré-écrire les contrats la première fois - Favoriser la collaboration - Machine Learning

Ne pas se limiter à réécrire les contrats

La première étape, lorsqu'une réglementation touche les contrats, est bien évidemment de faire évoluer ces derniers afin de les rendre conformes. "Il est urgent de mettre à jour les contrats types, mais aussi les conditions générales de vente et les conditions générales d'achat", insiste Grégory Leveau, président de l' École ­européenne de contract management (e²cm). Ne pas oublier non plus les templates sur lesquels se basent les acheteurs et commerciaux lors de leurs négociations. "La réforme du droit des contrats est souvent mal traduite dans la modification des contrats, car elle touche beaucoup de clauses. Dans la plupart des entreprises, cela n'est pas fait, ou bien mal fait ou de manière insuffisante. Alors que nous sommes déjà deux ans après l'implémentation de la réforme", observe Grégory Leveau.

Cette première étape, incontournable, doit donc être réalisée par les personnes qui ont en charge les contrats dans l'entreprise. Et ce au plus vite et sur l'ensemble des contrats, ceux en cours comme ceux déjà signés (en mettant au point des avenants). Adeline Fedrizzi (Green Conseil) rappelle de ne pas omettre de faire évoluer, de la même façon, les appels d'offres.

Mais, comme le fait remarquer Adeline Fedrizzi, "il ne faut pas se limiter à réécrire les contrats". Elle invite à mener une étude d'impact globale en réunissant toute la chaîne, depuis l'émergence d'un besoin jusqu'à la réalisation et le suivi du projet, pour déterminer qui est réellement affecté par les évolutions réglementaires des contrats.

Identifier l'ensemble des personnes concernées permet de leur proposer une formation afin qu'elles comprennent bien l'esprit des lois et quelles sont les nouveautés à prendre en compte. "Une réforme de l'ampleur de la celle du droit des contrats nécessite une transmission d'information en interne. Or, cela a été très mal fait dans les entreprises. Les directions juridiques ont eu du mal à transmettre cette connaissance, peut-être parce qu'elles-mêmes ont eu du mal à l'acquérir", constate Grégory Leveau (e²cm). Pour faciliter cette transmission, il conseille de se saisir des premiers cas de jurisprudence afin de les incorporer dans les sessions de formation. Adeline Fedrizzi approuve : "Faire parler des cas d'école dans son secteur aide à faire comprendre plus rapidement. Surtout si les entreprises ont été soumises à des amendes importantes ou à l'arrêt de projets", pointe-t-elle.

Engie anticipe les réglementations

Dès la parution du projet d'ordonnance du 1er février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations - soit 8 mois avant l'entrée en vigueur de la réglementation -, Engie, membre fondateur et membre du conseil d'administration de l'AFCM, a pris des mesures pour s'adapter. Au programme : formations des équipes du service juridique, discussions avec les conseils extérieurs pour s'assurer de la bonne lecture de l'ordonnance ...

"Avec l'entrée en vigueur de la réforme, nous nous sommes rapprochés, en tant que contract managers, de la direction juridique afin de comprendre l'impact de la réforme sur les négociations, la rédaction des contrats et leur exécution", ajoute Peggy Houdart, contract manager senior au sein d'Engie. Par exemple, il a fallu faire prendre conscience aux équipes de négociations du risque lié à l'abus d'état de dépendance, qui se renforce avec cette réforme. Et la mise en place de cette réforme n'est pas encore totalement terminée tant elle révolutionne la façon de penser et d'utiliser les contrats. Engie travaille en ce moment à la mise en place d'un système documentaire adapté, compilant les preuves de la négociation et de la vie du contrat tout au long de la durée de la prescription. "Il s'agit de prouver au juge que les contrats ont été négociés, rédigés et exécutés comme prévu par l'ordonnance. Cela nécessite une collaboration entre la direction du système d'information, la direction des achats, la direction juridique, etc.", détaille Peggy Houdart.

Surtout, cette réforme incite encore plus à positionner les contract managers et les juristes le plus en amont possible afin de s'assurer, dès le début des négociations, que tout est bien conforme. Parallèlement, le RGPD est aussi en train de modifier la façon de contractualiser chez Engie. À commencer par les fournisseurs les plus sensibles en termes de données personnelles. "Nous avons défini des clauses spécifiques au RGPD, qui intègrent les nouveaux contrats et qui se substituent peu à peu aux clauses existantes dans les anciens contrats. C'est un travail d'équipe, entre le directeur juridique, le directeur des achats et les fournisseurs. Et surtout un travail de longue haleine, étape par étape, des fournisseurs les plus sensibles aux moins sensibles", précise Valérie Gibert, directrice du Project Management Office d'Engie. Le Data Privacy Officer chapeaute ce projet, mais des représentants de la data privacy ont été formés dans chaque pays pour apporter des réponses de premier niveau.


Lire la suite en page 3: Favoriser la collaboration

Ne pas se limiter à réécrire les contrats

La première étape, lorsqu'une réglementation touche les contrats, est bien évidemment de faire évoluer ces derniers afin de les rendre conformes. "ll est urgent de mettre à jour les contrats types, mais aussi les conditions générales de vente et les conditions générales d'achat", insiste Grégory Leveau, président de l' École ­européenne de contract management (e²cm).

Ne pas oublier non plus les templates sur lesquels se basent les acheteurs et commerciaux lors de leurs négociations. "La réforme du droit des contrats est souvent mal traduite dans la modification des contrats, car elle touche beaucoup de clauses. Dans la plupart des entreprises, cela n'est pas fait, ou bien mal fait ou de manière insuffisante. Alors que nous sommes déjà deux ans après l'implémentation de la réforme", observe Grégory Leveau.

Cette première étape, incontournable, doit donc être réalisée par les personnes qui ont en charge les contrats dans l'entreprise. Et ce au plus vite et sur l'ensemble des contrats, ceux en cours comme ceux déjà signés (en mettant au point des avenants). Adeline Fedrizzi (Green Conseil) rappelle de ne pas omettre de faire évoluer, de la même façon, les appels d'offres.

Mais, comme le fait remarquer Adeline Fedrizzi, "il ne faut pas se limiter à réécrire les contrats". Elle invite à mener une étude d'impact globale en réunissant toute la chaîne, depuis l'émergence d'un besoin jusqu'à la réalisation et le suivi du projet, pour déterminer qui est réellement affecté par les évolutions réglementaires des contrats.

Identifier l'ensemble des personnes concernées permet de leur proposer une formation afin qu'elles comprennent bien l'esprit des lois et quelles sont les nouveautés à prendre en compte. "Une réforme de l'ampleur de la celle du droit des contrats nécessite une transmission d'information en interne. Or, cela a été très mal fait dans les entreprises. Les directions juridiques ont eu du mal à transmettre cette connaissance, peut-être parce qu'elles-mêmes ont eu du mal à l'acquérir", constate Grégory Leveau (e²cm).

Pour faciliter cette transmission, il conseille de se saisir des premiers cas de jurisprudence afin de les incorporer dans les sessions de formation. Adeline Fedrizzi approuve : "Faire parler des cas d'école dans son secteur aide à faire comprendre plus rapidement. Surtout si les entreprises ont été soumises à des amendes importantes ou à l'arrêt de projets", pointe-t-elle.

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Favoriser la collaboration - Machine Learning

Favoriser la collaboration

Ces formations permettent également d'ouvrir une discussion avec les différentes parties prenantes afin d'instaurer de nouveaux processus dans tout le process de contract management. "Il n'y a pas véritablement de nouvelles procédures à mettre en place, mais de nouvelles étapes doivent apparaître dans le processus", indique Maître Franklin Brousse, avocat spécialisé dans les achats innovants chez Avocat+. Et de préciser : "La loi Sapin 2 oblige à connaître ses fournisseurs. Il s'agit alors de se renseigner sur eux, de les rencontrer régulièrement ... Le RGPD contraint, quant à lui, à négocier un accord sur la protection des données avec ses fournisseurs et à vérifier leur niveau de conformité à la loi".

La réforme du droit des contrats oblige, elle, à davantage de transparence et de traçabilité. Il est nécessaire, notamment, de prouver que les deux parties ont bien reçu toutes les informations nécessaires à chaque étape de la contractualisation. "Pour démontrer cela, il faut réunir des preuves. Ce qui oblige à une collaboration croissante entre les différentes parties prenantes autour des contrats", note Grégory Leveau (e²cm).

Le RGPD exige aussi de tenir des registres pour prouver que la réglementation a bien été suivie."Pour réussir ces obligations, une communication renforcée entre les juristes, la direction financière et les opérationnels est indispensable. Il s'agit, donc, de casser les silos pour traiter ces sujets transversaux, pluridisciplinaires", estime Grégory Leveau. Il invite à adopter la fonction de contract manager, qui permet d'avoir une vision holistique des contrats et non pas uniquement partielle. Cette fonction n'est pas forcément portée par une personne à plein temps, mais peut compléter les missions d'un employé de la direction juridique, par exemple.

Guidée ou non par un contract manager, cette collaboration contribue non seulement à répondre avec plus d'exactitude aux exigences des réformes déjà entrées en vigueur, mais aussi à anticiper les bouleversements qu'engendreraient de nouveaux règlements. "Se réunir régulièrement avec les juristes permet de faire le point sur les ordonnances votées et de mener une réflexion sur leur impact au niveau business. En effet, en matière de réglementation, les entreprises qui tirent leur épingle du jeu sont celles qui préparent l'arrivée de l'échéance en amont, et font évoluer leur organisation en fonction des opportunités et des risques que la réforme future peut apporter", remarque Adeline Fredizzi (Green Conseil). Elle cite l'exemple des opérateurs mobiles qui ont communiqué sur la portabilité du numéro pour en faire un avantage concurrentiel avant que la loi Hamon, qui la rendait obligatoire, entre en vigueur.

Pour se tenir au courant des évolutions qui touchent les contrats, les entreprises ont la possibilité de s'adresser à des conseils extérieurs (avocats). En outre, il peut être intéressant d'adhérer à des associations telles que l'Association française du contract management (AFCM).

Lire la suite en page 4 : Machine Learning

Machine-learning

Au-delà de la nécessaire collaboration entre les différents services, des outils sont, eux aussi, susceptibles d'épauler les entreprises dans l'application des nouvelles réglementations. Provigiss, par exemple, apporte une aide aux entreprises pour remplir leur devoir de vigilance. Il existe également RGPD Check, une plateforme lancée par Maître Franklin Brousse, via sa legaltech Legal By Process, pour contrôler le niveau de conformité de ses sous-traitants au RGPD.

Franck Lévy, associé Wavestone, juge même que s'équiper d'un outil doit constituer la première étape de la mise en conformité des contrats. "L'impact ­certainement le plus important de ces nouvelles réglementations concerne ­l'obligation de centraliser, de sécuriser et de mettre en ­qualité les données contractuelles", analyse-t-il. Il convie, par conséquent, les entreprises à se doter d'un outil afin de sécuriser ces données dans une base. "Il faut ensuite structurer correctement les métadonnées de la base pour pouvoir bénéficier de recherches multi­critères", complète-t-il.

Maître Franklin Brousse invite d'ailleurs à dématérialiser la gestion de la conformité, celle-ci s'avérant très chronophage. "En outre, la dématérialisation de ces process permet de se tenir à jour en termes de réglementations. D'autant plus que celles-ci peuvent s'accumuler selon les secteurs", ajoute-t-il. En effet, comme le rappelle Franck Lévy : "Les technologies comme le machine learning permettent de lire les contrats, de détecter ceux non conformes et même d'appliquer automatiquement les mises à jour".

De quoi se mettre en conformité sans déployer des moyens pharamineux. Car, comme le confirme Adeline Fredizzi : "La prise en compte des réglementations nécessite d'avoir le temps, les ressources humaines et les moyens financiers nécessaires". Pas toujours facile, donc, d'aller plus loin et d'installer une organisation collaborative dans son entreprise. Même si cela est plus que souhaitable.

 
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