Location courte durée : l'expérience client au coeur des plateformes de réservation BtoB ?
Frédéri Villa Vega, cofondateur de Carbookr, décrypte les tensions qui traversent aujourd'hui le marché de la location courte durée, entre instabilité géopolitique, transition énergétique et attentes des entreprises. Un éclairage qui met en exergue, d'une part, la nécessaire transformation numérique d'un secteur encore freiné par des systèmes vieillissants, et d'autre part, l'émergence d'un nouveau standard technologique, pensé pour conjuguer performance opérationnelle, pilotage environnemental et expérience utilisateur fluide. Focus.

Quel est votre regard sur le marché de la location de voiture aujourd'hui ?
Le marché de la location courte durée fait face à une double contrainte. D'abord, le contexte géopolitique mondial. Les guerres, l'instabilité économique, les tensions politiques ont mis la pression sur les voyages, notamment d'affaires. En entreprise, les budgets "travel" font souvent partie des premiers arbitrages en période d'incertitude. On constate d'ailleurs que cette pression touche désormais aussi le marché loisir, ce qui n'était pas le cas les années précédentes.
Ensuite, la transition vers l'électrique pèse lourdement sur le modèle économique des loueurs. Ils doivent acheter des véhicules électriques plus chers, environ 30 % de plus que les thermiques, alors qu'à la revente, leur valeur reste équivalente ou inférieure. Le résultat c'est un déséquilibre économique pour les acteurs du secteur, avec des véhicules qui stagnent en occasion faute de demande suffisante.
Comment Carbookr se positionne-t-il face aux grands acteurs du marché ?
Carbookr n'est pas un loueur, ni un simple broker B2B. C'est un éditeur de logiciels qui propose une plateforme technologique visant à fluidifier l'ensemble du processus de location de voitures pour les entreprises. Concrètement, nous agissons comme un hub technologique entre les loueurs et les clients, en apportant des outils de réservation performants, du reporting enrichi et un contrôle précis de la facturation.
Nous collaborons avec une trentaine de loueurs partenaires, mais la particularité, c'est que nous n'avons quasiment pas de concurrents sur le continent européen. Deux acteurs similaires existent au Royaume-Uni, mais aucun en Europe continentale, ni aux États-Unis à notre connaissance. Notre positionnement est celui d'un "Car Booking Tool", à l'image des outils bien connus de réservation hôtelière comme HCorpo par exemple mais appliqué à la mobilité.
Quelles sont les attentes du marché ?
Deux axes ressortent très clairement. En premier temps, c'est l'expérience utilisateur, qui est essentielle pour les voyageurs. Ces derniers comparent souvent nos outils à ceux qu'ils utilisent en B2C du type Rentalcars.com. Si l'UX est fluide, rapide, et intuitive, l'adhésion est immédiate. Ensuite, il s'agit du reporting, qui reste le levier principal de fidélisation pour les acheteurs et travel managers. Les entreprises attendent aujourd'hui un suivi très fin en termes de consommation kilométrique, coût moyen, type de véhicule utilisé ou émissions de CO2. Nous avons également développé un module de calcul des émissions carbone, car il était impossible d'obtenir une donnée harmonisée auprès des loueurs. Nous avons donc créé notre propre outil de calcul, indépendant, pour garantir des données fiables et comparables à nos clients.
Quels sont les défis techniques que vous rencontrez pour intégrer les innovations data dans votre platforme?
Le principal frein, ce sont les systèmes d'information vieillissants des loueurs. Beaucoup d'entre eux disposent de SI obsolètes, ce qui rend difficile, voire impossible, la récupération automatisée de certaines données clés, comme les émissions de CO2. Face à ces limites, nous avons été contraints de développer nos propres moteurs de calcul, notamment pour produire un indicateur CO2 uniforme et exploitable en temps réel. Et cela implique aussi un travail d'interprétation, de fiabilisation des données, et de synchronisation avec les besoins des entreprises, qui sont de plus en plus exigeantes sur le plan environnemental et réglementaire.
Quels gains mesurables vos clients B2B constatent-ils en termes de coûts ou de performance ?
Il faut dépasser le simple coût financier par réservation. Le TCB (Total Cost of Booking) est aujourd'hui l'indicateur clé à observer. Il intègre non seulement le tarif, mais aussi la disponibilité, le temps passé à réserver, les coûts indirects et l'impact environnemental.
Un exemple peut être les sociétés d'assistance comme Inter Mutuelles Assistance, grands consommateurs de location courte durée, peuvent perdre des centaines d'euros si un véhicule n'est pas trouvé rapidement. Un taxi de remplacement pour 600 km peut coûter jusqu'à 1 500 €, contre 150 € pour une location classique. Le temps de traitement est aussi critique. Passer 15 minutes de plus à chercher un véhicule, sur des plateaux de 4 000 agents, a un impact direct sur la productivité globale.
Enfin, le recours au véhicule électrique joue un rôle majeur. Il permet de réduire les coûts de carburant, bénéficie parfois de stationnement gratuit en ville, et surtout améliore le bilan RSE de l'entreprise. Pour encourager cette transition, nous affichons directement les données de consommation CO2 dans l'outil de réservation, ce qui pousse les collaborateurs à faire les bons choix.
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