Digitalisation : une opportunité pour les achats porteurs d'innovation!
La digitalisation de la fonction achats paraît inéluctable. Un phénomène qui lui permet en outre de démontrer sa valeur ajoutée sur le plan de l'innovation. A ce titre, de nombreuses directions achats se veulent meneuses sur le sujet. Exemples avec Bouygues Télécom, Sanofi, Axa France et La Poste.
Je m'abonneLa digitalisation passera-t-elle par les achats? A en croire, les nombreux directeurs achats présents lors d'une conférence organisée par l'EBG sur le sujet, les achats ont déjà pris le train de la révolution digitale en marche.
La digitalisation apparaît alors comme une chance pour le métier : "Cela nous pousse dans nos retranchements et nous fait sortir de notre zone de confort. Les méthodes de travail sont différentes mais les basiques demeurent", souligne Pascal Pelon, directeur achats d'Axa France.
Même son de cloche pour le Groupe la Poste qui tente de voir la digitalisation comme une "opportunité" pour de nouveaux usages et non comme "une menace", explique Fabien Krawczyk, directeur des achats immatériels du Groupe. Désormais, 90 000 facteurs sont équipés de tablettes. Il y a 3 ans, une branche numérique a été créée. Et un projet de transformation numérique a été engagé auprès de 240 000 employés. "Il est important de parler le langage du numérique. Il faut savoir montrer sa proximité et ne pas apparaître ringard mais au contraire apporter des solutions et de la valeur ajoutée", insiste Fabien Krawczyk de La Poste. Une réflexion qui a fait l'objet d'un "innovation book" dès 2012.
Des achats porteurs d'innovation
Chez l'opérateur Bouygues Télécom, groupe né par définition "autour des nouvelles technologies" selon les termes de sa directrice achats, Caroline Tissot, "l'innovation donne le "La"".Et d'une façon plus générale, les acheteurs sont perçus comme "un point d'entrée de l'innovation dans l'entreprise par le biais de leurs fournisseurs". Une façon pour eux d'asseoir leur légitimité.
Chaque projet achat est porté conjointement par les achats, l'innovation et les prescripteurs. Ce trio achats/innovation/prescripteurs travaille main dans la main notamment lors de voyages à thème. Ainsi, dernièrement, les achats et l'innovation en compagnie des prescripteurs réseau télécom sont partis en Asie avec l'idée de trouver des solutions pour augmenter la bande passante à un meilleur coût. De même, lors d'un voyage aux USA, ces derniers ont cogité sur le sujet du fixe et ont rencontré de nombreuses start ups tout en visitant les sites de Google et d'Apple. "Ces voyages sont à la fois très motivants pour les acheteurs en terme de réflexion mais renforcent également l'attrait des jeunes acheteurs pour l'entreprise", détaille Caroline Tissot.
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"Ne pas paraître ringard"
Face à cette révolution digitale, comment être rapide et agile sur des problématiques en constante évolution? Chez Bouygues Télécom, "on se forme ensemble", explique la directrice achats, tout en soulignant être entourée de juristes très axés nouvelles technologies.
Chez Sanofi, les "achats sont intégrés dans toutes les strates de l'entreprise et à l'ensemble du processus", selon Hervé-Claude Lambert, vice president Sanofi global procurement, Marketing and Sales. Le groupe a d'ailleurs fait travailler l'ensemble de ses 19 category managers sur le sujet du digital avec une question: "quelle sera votre dépendance au digital dans les 4/5 ans à venir?" Un travail de fond avec un but : mettre des plans d'actions en place, soit pour aller rechercher de nouvelles compétences à l'extérieur, soit former ses ressources en interne. Des formations axées digital ont alors été mises en place avec l'aide de fournisseurs. "Les achats structurés en transverse sont les plus à même d'instiller cette dose de digitalisation au sein de l'entreprise".
Chez Axa France, le phénomène de digitalisation a engendré des changements:"la DSI autrefois omnipotente est désormais challengée par la direction marketing et la relation client. Et les achats peuvent aider la DSI à évoluer vers le marketing", souligne Pascal Pelon, directeur achats d'Axa France.
Les dangers du Big data
La révolution de la transformation numérique de l'entreprise apporte son lot de nouveaux acteurs sur le marché. Notamment dans le domaine des nouveaux outils informatique pour l'exploitation de base de données clients façon Big data. De l'avis de tous, il faut être très prudent et surtout ne pas donner la propriété de ses données. "Il faut essayer de cadrer dans le contrat. Car qui nous dit qu'après ces prestataires ne feront pas le business à notre place et ne nous cantonnerons pas au rôle de simples intermédiaires", s'inquiète Patrice Fortin, directeur achats groupe Galeries Lafayette.
Cette problématique de sécurisation des données informatiques est particulièrement sensible chez l'assureur Axa du fait de son métier. "Dans un contexte de transformation digitale, les acheteurs doivent être formés sur ces sujets là : à savoir où vont les données? Comment les récupérer? Quelle réversibilité?, précise le directeur achats d'Axa France, ainsi, les acheteurs passent 70 à 80% de leur travail à limiter ces risques informatiques".
Dans ce nouveau contexte de transformation de l'entreprise, le challenge des achats semble le suivant: comment devenir le client préféré des start ups? Comme de nombreux groupes, Axa France met en place des méthodes de co-développement, investit ou rachète des start ups pour capter l'innovation. Ainsi, dans le même esprit, le groupe La Poste a crée "Start'in Poste", une sorte d'accélérateur pour aider les start ups à se développer.
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Pour ou contre des acheteurs spécialisés digital?
Doit-on recruter des acheteurs spécialisés digital? Non, répond Pascal Pelon d'Axa France pour qui par définition "les acheteurs ne doivent pas être des spécialistes d'un domaine mais des personnes travaillant de manière collaborative et sachant déléguer". Un avis partagé par Fabien Krawczyk de la Poste, "il est dangereux d'opposer des acheteurs du vieux monde et des acheteurs dits "digital native"".
"On ne changera pas tout le monde. Il faut s'asseoir sur les compétences et s'appuyer sur ses partenaires pour la formation", assène à son tour Hervé-Claude Lambert de Sanofi. L'entreprise a ainsi recruté des digital natives de grandes agences en France mais aussi aux USA, en Chine ou en Russie. Quelques recrutements externes d'acheteurs IT spécialisés digital ont été lancés pour des "urgences". En parallèle, des "digital innovation days" ont été organisés. Ces journées thématiques pilotées par les achats ont permis de former plus de 500 personnes du groupe (acheteurs et marketeurs) sur 3 ans. Chez Bouygues Télécom, en raison d'un budget formation "limité", on développe "l'agilité des acheteurs". Ainsi, la formation se fait en interne "sur le tas" mais également à l'aide de MOOC identifiés.
Un projet de "data mining" achat
Et en quoi le digital a influencé le métier? Au siège d'Axa France cela se traduit par un espace de travail entièrement repensé. Désormais, les armoires ont été bannies pour aller vers du zéro papier. "Il y a une digitalisation sur l'ensemble de la chaîne achats. Il n'existe plus de contrat papier. Et au final, nous avons observé un gain d'efficacité de la fonction de 10 à 15%", précise Pascal Pelon. Le seul hic? Les factures papier qui sont encore trop nombreuses.
Chez Bouygues Télécom, un projet de "data mining" achat est en cours. La directrice achats souhaite exploiter les données des factures clients au même titre que d'autres services de l'entreprise qui exploitent leurs données clients. Dans les faits, il s'agit de combiner une lecture optique des et une recherche sémantique pour "faire parler les données" desdites factures. Pour se rendre compte de la viabilité du projet, les achats se sont penchés sur les factures du marketing et ventes (550 fournisseurs pour 600 millions de budget achats) en remontant à la main l'ensemble des données des factures pour établir un cahier des charges pour le projet de data mining.
Enfin, chez Sanofi, la digitalisation s'applique à l'événementiel. "Ainsi, sur un évènement de type mondial, au lieu de dépenser 300 000 euros pour rassembler toutes les équipes, on arrive à n'en dépenser que 30 000 en utilisant les technologies adéquates", détaille Hervé-Claude Lambert, vice president Sanofi global procurement, Marketing and Sales. Un océan de possibilités semble s'ouvrir à la fonction....
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