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Rex achats SNCF : les achats, fer de lance de la décarbonation et de la relocalisation

Le rail bas carbone et le lin technique deviennent les vitrines d'une politique d'achats transformée sous l'impulsion de Pascal Décary. En réduisant l'empreinte du scope 3, la SNCF articule enjeux écologiques, souveraineté industrielle et renouveau des filières.

Publié par Geoffroy Framery le | mis à jour à
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Rex achats SNCF : les achats, fer de lance de la décarbonation et de la relocalisation
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Depuis quatre ans, la direction achats du groupe SNCF inscrit systématiquement le carbone comme critère d'évaluation dans l'ensemble de ses appels d'offres. « L'objectif est de réduire notre scope 3, là où nous avons l'empreinte la plus forte et la plus complexe à traiter », explique Pascal Décary, directeur achats et de l'économie circulaire du groupe, à l'occasion de la matinale des Universités des achats 2025. À ce titre, le rail, en tant que poste le plus émetteur, est devenu un terrain d'action prioritaire.

Chaque année, SNCF achète environ 180 000 tonnes de rails, pour un montant global estimé entre 1,2 et 1,3 milliard d'euros. Or, la production d'acier est particulièrement carbonée. Pour y remédier, la SNCF a lancé un partenariat structurant avec un fournisseur français ayant investi dans un four électrique, réduisant de moitié son empreinte carbone par rapport aux hauts-fourneaux traditionnels.

L'initiative, baptisée « rail vert », va au-delà de l'achat d'un produit bas carbone : elle repose sur un modèle circulaire incluant la collecte et la réintégration des rails usagés dans la chaîne de production. « En moyenne, sur 100 tonnes de rails usés, 50 % sont réutilisables en rail neuf, le reste servant à d'autres usages industriels. C'est un levier majeur pour diminuer l'empreinte environnementale globale du groupe », détaille Pascal Décary.

Un modèle d'achat long terme au service de la compétitivité

Contre toute attente, cette orientation durable n'a pas renchéri les coûts. « Nous avons été confrontés à beaucoup de résistances internes, en particulier sur les craintes de surcoût », reconnaît Pascal Décary. En réalité, le coût complet du rail vert s'est avéré inférieur au rail classique, en tenant compte des économies sur le transport et de la valorisation du carbone.

L'élément clé ? Une commande publique intelligente, reposant sur des contrats longs (6 ans + 2) qui offrent au fournisseur la visibilité nécessaire pour investir. Cette sécurisation permet de contourner les fluctuations de marché et renforce la dimension stratégique des achats publics. « On peut faire mieux que la doctrine en place : à condition de raisonner en coût global, sur le long terme, et en intégrant la valeur carbone », insiste le directeur achats.

Le pari du lin technique 100 % français

Autre pilier de la stratégie décarbonée de la SNCF, celui du textile professionnel. Longtemps considéré comme secondaire, ce segment fait désormais l'objet d'une attention stratégique avec en ligne de mire, la fin du coton importé, très émetteur de CO2 et à faible traçabilité.

Après quatre années de développement, la SNCF a lancé une première mondiale. Des tenues professionnelles techniques sont ainsi conçues en toile de lin française, à destination des agents de maintenance travaillant dans les 141 technicentres du groupe. « L'industrie textile mondiale a une empreinte carbone supérieure à celle de l'aviation ou du maritime. Il était urgent de s'y attaquer sérieusement », souligne Pascal Décary.

Le lin coche toutes les cases. Il est cultivé localement (notamment en Normandie), nécessite 1 litre d'eau par kilo produit (contre 18 000 litres pour le coton), et deux traitements chimiques au maximum (contre une soixantaine pour le coton chinois). En termes de coût, les tenues sont à parité avec le coton, avec des bénéfices sociaux, environnementaux et logistiques bien supérieurs.

Un levier pour la réindustrialisation textile

Mais relancer une filière lin en France n'a rien d'anodin. Le lin textile français était jusque-là envoyé en Chine pour être filé, faute d'infrastructures locales. La SNCF s'est donc engagée à structurer une filière complète sur le territoire, en travaillant avec des collectivités, des industriels et l'État pour réimplanter une filature. « On a démontré que le cliché selon lequel relocaliser coûte plus cher est faux », martèle Pascal Décary. La SNCF devient ainsi prescripteur industriel et acheteur d'impact, capable de peser sur l'amont productif.

Une fonction achats repositionnée au coeur de la stratégie du groupe

Ces deux projets emblématiques que sont le rail vert et les vêtements en lin incarnent une transformation profonde de la fonction achats. La direction s'est vue confier la mission de structurer l'économie circulaire du groupe SNCF, preuve d'une reconnaissance accrue. « Nous avons gagné en légitimité stratégique en apportant des solutions concrètes aux défis du groupe », affirme le directeur achats. Cette montée en puissance illustre le nouveau rôle des acheteurs dans la souveraineté industrielle et la transition écologique.

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