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"Le directeur achats doit sortir de sa zone de confort"

Publié par Aude Guesnon le - mis à jour à
'Le directeur achats doit sortir de sa zone de confort'

Contribution des achats à la création d'une infrastructure durable, résilience de la fonction achats et transformation digitale en période de pandémie... le témoignage de Mohamed Intidam, directeur achats des Autoroutes du Maroc sur les évolution d'une fonction en plein essor au Maroc et en Afrique.

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Selon vous, quels sont les nouveaux grands enjeux des directions achats ?

L'enjeu principal d'une direction achats est de contribuer à la maximisation de la valeur de l'entreprise pour améliorer la performance opérationnelle de ses métiers. En particulier au Maroc, l'enjeu des directeurs achats est de positionner cette ''récente fonction'' en interne à un niveau stratégique pour permettre sa montée en maturité dans le contexte d'une économie émergente et à fort potentiel.

En conséquence, le CPO de demain doit dépasser le cadre purement transactionnel pour mieux inscrire son action dans la construction d'écosystèmes résilients en mettant à profit son savoir-faire technique, son agilité et sa capacité d'influence pour réinventer une nouvelle relation de type ''Business Partner'' avec l'ensemble de ses parties prenantes.

Plus précisément, quel est leur rôle dans le cas de la construction et la gestion de grandes infrastructures ?

Les écosystèmes autour des métiers liés à la construction, la gestion et les services de mobilité d'une infrastructure de transport doivent se développer suivant les besoins des usagers. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est pas l'infrastructure qui donne le ''la'' mais c'est à ''la route'' de s'adapter à l'évolution des usages. Toute la difficulté de la transformation de ce secteur à cycle long est de s'adapter en permanence pour accompagner les besoins des usagers.

Concrètement, une infrastructure de transport est le socle de la mobilité et celle-ci est inopérante si on ne sait pas garantir la sécurité (physique et maintenant sanitaire) ''des voyageurs'', proposer les services attendus et, in fine, assurer une expérience à la hauteur des attentes perçues par l'usager.

En quoi la responsabilité sociétale des entreprises est-elle un enjeu fort pour vous ?

Les infrastructures de transport ont un impact considérable sur l'aménagement d'un territoire, la mobilité des personnes et des marchandises, mais aussi sur la vie des populations riveraines. En ce sens, la responsabilité sociétale des entreprises ne doit pas être juste un effet de communication mais plutôt un pilier majeur d'une politique achats. Par exemple, pour réduire ses émissions de CO2, l'Allemagne veut recouvrir ses autoroutes de panneaux solaires. En quelque sorte, les Allemands réinventent l'autoroute du soleil : la fameuse A6 reliant Paris au sud-est de la France !

Plus sérieusement, c'est une transformation majeure du positionnement de l'autoroute d'une infrastructure de transport (perçue comme polluante) en une infrastructure support à la production de l'énergie propre. Et donc, une approche pertinente pour produire l'électricité directement sur l'écosystème autoroutier.

En conséquence, la RSE bien pensée en amont des stratégies permet d'allier la rentabilité économique avec les exigences écologiques. Un exemple concret : l'intervention des patrouilleurs leur fait consommer, chaque année, des dizaines de millions de litres de gasoil pour porter assistance aux usagers après un incident ou un accident sur l'autoroute.

Une production d'énergie in situ avec des véhicules électriques permet donc de faire des savings significatifs sur la catégorie énergie et surtout, de sauver des vies en mode "zéro CO2'' ! Par ailleurs, des autoroutes du soleil, ça fait sens - surtout au Maroc et en Afrique - car l'abondance de cette ressource gratuite couplée à des investissements en mode PPP peuvent booster le développement des infrastructures durables, de l'énergie propre et de la mobilité électrique au profit du développement économique et social.

Justement, sur les PPP, comment concevez-vous le dialogue compétitif ?

Le dialogue compétitif permet au donneur d'ordre de coconstruire une solution avec les concurrents. C'est donc un excellent levier pour stimuler (et tester) l'innovation et l'expertise des concurrents à condition de se donner les moyens et le temps nécessaire pour réaliser les études. Pour ce faire, l'approche doit viser à assurer une bonne compréhension opérationnelle des objectifs du projet et des niveaux de performances exigées ; sécuriser/mitiger le partage des risques des deux parties et, surtout, ''dérisquer'' les points majeurs d'exécution en indiquant les mécanismes de résolution des litiges.

Le dialogue compétitif est aussi un excellent ''stress-test'' d'une future relation avec les concurrents ; l'idée étant de mieux connaître les contraintes et limites de chaque partie pour mieux négocier un deal équilibré dès le départ, et mettre à profit l'innovation des opérateurs au service du donneur d'ordre.

La transparence est donc l'atout stratégique, d'autant que tant que le contrat n'est pas signé, les parties sont mieux disposées à se dire les choses qui fâchent en phase de dialogue, à condition de garantir un cadre clair et équivalent à tous les concurrents.

Comment traversez-vous cette période et quel est son impact ?

La Covid-19 a paralysé les économies en générale et en particulier le secteur des infrastructures de transport. La mobilité en période de confinement s'est retrouvée lourdement impactée en conséquence. C'est donc tout le modèle économique qu'il faut réinventer avec les nouvelles tendances comme le télétravail, qui impacte durablement toutes les mobilités.

À titre personnel, quels enseignements avez-vous tirés de cette crise ?

Comme évoqué plus avant, le changement de comportement des usagers va transformer ce secteur et les grandes tendances doivent faire l'objet de la plus grande attention. En effet, cette pandémie nous fait prendre conscience de l'importance de notre mobilité comme liberté, mais aussi comme responsabilité de notre empreinte sur les environnements : écologique, social, économique... Cette pandémie est à la fois une opportunité et l'élément déclencheur pour accélérer la digitalisation des processus achats avec un objectif clair : le ''zéro papier'' !

En mode urgence, il faut agir d'autant plus que les barrières psychologiques sont levées et donc mettre à profit ce timing pour enclencher cette transformation achats. La digitalisation est donc la réponse idoine à l'urgence du moment pour diminuer l'impact de la crise sanitaire et permettre aux écosystèmes de préparer une relance de leurs activités en toute sécurité et avec la meilleure visibilité des besoins.

Lire la suite en page 2 de cet article - Sur la digitalisation des achats, pouvez-vous nous expliquer, en quelques mots, quel est, selon vous, l'intérêt sous-jacent de cette nouvelle approche ? / Quels sont les impacts et les principaux atouts de la digitalisation des achats ? / Quel est le lien entre digitalisation des achats et confiance avec les concurrents/fournisseurs ? / Quelles actions concrètes en mode quick win peuvent être mises en oeuvre à court terme de ce que vous appelez le contrat de confiance entre acheteurs et écosystème fournisseur ?

Lire la suite en page 3 de cet article: Comment veillez-sur les écosystèmes impactés par la Covid ? / Quels sont les risques fournisseur à surveiller de plus près ? / En France, le sujet de la relocalisation et du made in France monte en puissance. Est-ce que ce type de réflexion a cours au Maroc ? Comment favorisez-vous votre écosystème ? / Quelles sont les approches innovantes pour la gestion des grandes infrastructures ? À quels enjeux ce modèle de gestion devait-il répondre ?


 
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