Recherche

France - Allemagne : deux visions de la fonction achats pour un positionnement divergent

Là où la France dispose de la meilleure ingénierie académique, l'Allemagne semble mieux armer ses acheteurs pour être des acteurs du changement. Digest des différences essentielles entre les acheteurs français et leurs homologues allemands.

Publié par Geoffroy Framery le | mis à jour à
Lecture
4 min
  • Imprimer
France - Allemagne : deux visions de la fonction achats pour un positionnement divergent
Getting your Trinity Audio player ready...

La maturité achats serait-elle plus prononcée en Allemagne qu'en France ? L'étude européenne, Perspectives on the strategic role of procurement (2025) menée par Inverto, cabinet de conseil en stratégie achats du groupe BCG, révèle des écarts significatifs, notamment entre la France et l'Allemagne. « En France, seules 32 % des directions achats sont positionnées très proche du COMEX, contre 46 % en moyenne en Europe », souligne Isabelle Pinto Carradine, Managing Director chez Inverto.

Ce chiffre interpelle, d'autant plus que la France est l'un des rares pays à disposer d'un tel maillage de formations spécialisées. « Il y a plus de quarante masters achats en France. On a une vraie filière académique. Mais paradoxalement, la fonction reste à la marge des décisions stratégiques», ne manque pas de souligner Isabelle Pinto Carradine.

Des acheteurs qui ne viennent pas forcément des achats

À l'inverse, certains pays comme l'Allemagne, les profils achats sont souvent issus d'autres fonctions. Les profils ont effectivement un background plus diversifié avec des expériences significatives dans l'industrie, le développement commercial, la supply chain, ou encore le marketing. Une culture du « terrain » qui favorise une approche plus ancrée dans les problématiques business. « On ne forme pas des acheteurs sur les bancs de l'école mais sur le terrain. Cette hybridation donne plus de légitimité à la fonction dans les entreprises considérées comme des impact leaders, à savoir les entreprises qui conjuguent à la fois performance économique et positionnement achat stratégique», renchérit la managing director chez Inverto.

Les savings avant la gestion des risques, priorité des directions achats françaises

Ce déséquilibre structurel a des conséquences concrètes. En matière de gestion des risques, les directions achats françaises pilotent très peu la vision 360° de la chaîne d'approvisionnement. « Elles restent centrées sur la relation fournisseur et la gestion du panel, mais sans vraie projection sur le footprint industriel ou la résilience de leur supply chain », analyse Isabelle Pinto Carradine. Une certaine forme de nombrilisme centrée sur la relation fournisseur et qui subit plus qu'elle n'est contributive de la stratégie et d'un alignement avec le COMEX.

Ajoutons que l'étude met en exergue une tendance forte pour les fonctions achats matures qui pèsent sur les stratégies d'entreprise. Ces « impact leaders » européens, ces entreprises où les achats sont pleinement intégrés dans les choix stratégiques, considèrent la réduction des risques comme aussi prioritaire que les économies. « En France, on est encore très orienté savings. Le pilotage des risques passe au second plan», complète l'experte achats.

Un retard sur l'IA en France ?

Même constat sur l'innovation. Dans les stratégies d'achats en Europe, l'intelligence artificielle est de plus en plus intégrée dans les critères de négociation. Ces projets d'intégrations vont aussi bien concerner l'automatisation des centres d'appels, le codéveloppement informatique, que la rationalisation des services. « Les acheteurs français mobilisent très peu ces leviers », constate Isabelle Pinto Carradine. « C'est comme si l'innovation restait cantonnée au produit, jamais au processus achat», ajoute Isabelle Pinto Carradine.

L'étude met aussi en évidence une fragilité française sur les compétences. 78 % des directions achats interrogées en France estiment faire face à un déficit de compétences, contre 52 % en moyenne européenne. Ce qui effectivement ressort des entretiens qualitatifs de l'étude sur les principaux freins n'est guère la réglementation ou le budget. Il est avant tout question d'un manque de leadership, d'influence, de capacité à porter une vision... À méditer

Les achats, un passage obligé avant d'intégrer le COMEX ?

Les entreprises européennes les plus matures sur la fonction achats ont tranché. Les top talents doivent passer par les achats avant d'entrer au COMEX. Un choix assumé, stratégique, qui place les achats au coeur de la création de valeur. En France, ce type de repositionnement reste rare. Trop souvent, les achats attendent une légitimité descendante. « Il ne faut pas attendre qu'on vous donne la place. Il faut la prendre », insiste Isabelle Pinto Carradine. « Et cela commence par parler le langage de la direction, l'impact P&L par exemple, et non de savings isolés ou d'évitement des coûts», insiste la managing director d'Inverto. Finalement, ce benchmark France-Allemagne montre une chose. La maturité ne dépend pas uniquement des outils ou des formations. Elle tient à une culture du dialogue, à une posture de leadership, à un ancrage dans le business. Là où la France dispose de la meilleure ingénierie académique, l'Allemagne semble mieux armer ses acheteurs pour être des acteurs du changement.

Livres Blancs

Voir tous les livres blancs

Vos prochains événements

Voir tous les événements

Voir tous les événements

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page