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Le CPO, " Prométhée enchaîné " de l'innovation ?

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Le CPO, ' Prométhée enchaîné ' de l'innovation ?

Quelle place pour l'innovation dans la fonction achats. Surtout, quel rôle des achats dans l'innovation de l'entreprise ? À ces deux redoutables questions, Romaric ServaJean-Hilst, Directeur académique du MAI Executive Education chez Kedge, chercheur à Polytechnique, spécialiste de l'innovation dans le BtoB, y répond par une vision pragmatique et incarnée de l'innovation.

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Quel est aujourd'hui votre ressenti sur le rôle des achats en termes d'innovation ?

Le paysage des achats est particulièrement hétérogène sur le sujet de l'innovation. Certains départements achats ont pris le sujet à bras-le-corps. Des concrétisations et du management de l'innovation sont remarquables au sein de certaines directions achats à l'image des Covéa, Chanel, Möet & Chandon et consorts. La valeur ajoutée des acheteurs est identifiée tant en termes de palette de missions que de compétences. Et à l'opposé, certaines directions se sont recroquevillées sur elles-mêmes. Pourtant, avec la crise du covid, et celle de l'Ukraine, l'acheteur faisait partie de ces héros de l'entreprise qui permettaient à celle-ci de fonctionner malgré la conjoncture. Finalement au lieu de profiter de cette position et d'inscrire une vision dans la durée, certains services demeurent dans cette notion de gestion immédiate du risque au lieu de tendre vers une logique long terme de gestion de la complexité. Et imaginer les achats selon des prismes plus grands comme celui de la filière. Dis autrement, une bonne part des CPO reste dans une optique de compliance plutôt que de cultiver une approche créatrice de valeur.

Est-ce à dire que le changement doit être incarné pour fonctionner ?

Dans le baromètre « La place de l'innovation dans la fonction achats » de Kedge Executive Education, on observe le décalage entre la vision des CEO et celle des CPO. Les Directions achats ont des doléances qui ne sont pas nouvelles : elles n'ont pas suffisamment d'écoute de la part de leur direction générale. Certains fournisseurs profitent de leur position de force... Mais finalement, le changement et l'innovation doivent venir des CPO qui doivent changer de posture et prendre le taureau par les cornes. Certes, les directions achats ont des priorités, connaissent des tensions sur l'approvisionnement et doivent contenir les coûts et composer avec l'inflation. Mais si elles ne travaillent pas sur l'étape d'après, elles rencontreront les mêmes problèmes et s'y heurteront de la même façon. Entendons-nous bien, cela exige un investissement conséquent. Cela doit venir des achats et des CPO mais les achats pourtant démontrent qu'ils peuvent parfois réussir des choses très concrètes dans des univers pourtant très contraints, avec très peu de moyens.

Est-ce finalement une question de culture achats, de maturité ?

Je préfère parler de maturité des CPO côté innovation plutôt que de parler de maturité des achats dans l'entreprise car, à de trop nombreuses fois, on observe à l'arrivée d'une nouvelle direction l'effondrement d'une politique et d'une culture achats innovante ou à l'inverse la mise en place rapide de projets d'innovation au sein du département. L'outil ne remplace pas la main de l'artisan

Finalement, n'est-il question que d'innovation frugale ?

La théorie de l'effectuation (cf. interview Décision Achats TV) propose des modalités pratiques de l'entrepreneur pour partir des moyens et générer des objectifs. C'est applicable aux acheteurs et aux CPO. Étudier ses propres services et travailler sur les relations avec le client interne, c'est à partir de cette base avec cette base qu'on peut démarrer des projets d'innovation. Pour innover, un service Achats peut partir de ses moyens et non pas attendre d'en obtenir plus.

Quels sont les freins finalement à l'innovation au sein des départements et pôles achats ?

La principale limite dans la capacité à innover est liée au climat de travail dans les achats : 53 % ne sont pas favorables à la transformation des achats. 15 % des entreprises ne souhaitent pas bouger. Et dans ce dernier cas, il y a peu de chances de réussir à faire bouger les choses aux Achats. Pour les autres, quand les entreprises veulent innover, le management intermédiaire apparaît comme un élément bloquant.

Et pour celles qui innovent, quels sont les autres freins ?

Des idées reçues persistent. Le manque de solutions et/ ou de compétences technologiques est évoqué dans les fonctions achats. Or, en tant qu'acheteur c'est la relation business qui est créatrice de valeur. C'est sur ce sujet que nous attendons la fonction achats plutôt que sur une connaissance technologique pointue. Le manque de temps et de ressources est également évoqué pour 70 % des répondants. Mais ici, l'effectuation ou les principes de l'innovation frugale ont toute leur place.

Un exemple concret pour illustrer votre propos ?

Si je décide pendant deux matinées de ne pas regarder mes mails, je gagne une heure par semaine ce qui aboutit à une semaine par an. Et finalement je me suis donc libéré du temps pour travailler sur un sujet d'innovation. Sur le sujet du manque d'outil technologique, il importe de préciser que l'apport de valeur ne se situe pas à ce niveau-là. Au mieux, l'outil permettra-t-il d'automatiser certaines tâches et de gagner du temps mais il s'agit au préalable d'adopter la bonne posture au sein des achats : Ce ne sont ni les outils, ni les fournisseurs qui sont la première source d'innovation. Il s'agit d'abord de l'acheteur et de sa capacité à trouver de l'information, à être créatif, et à la mettre en musique de façon pragmatique.

Le chiffre à retenir de votre baromètre ?

Retenons un chiffre optimiste de ce baromètre : 29 % des services achats possèdent un climat extrêmement favorable à l'innovation.


Pour aller plus loin : Retrouver le baromètre en flashant le code suivant.

 
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