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Réduire les prix : les quantités

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Réduire les prix : les quantités
© Key909

Augmenter les quantités ne sera pas le seul et unique facteur clé de succès. La compréhension des structures de coûts des produits achetés permettra de comprendre quelle partie des coûts sera impactée : process et/ou marges..

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Pour réduire les coûts liés aux achats, il est possible d'agir sur trois leviers que sont le prix unitaire, les spécificités et les volumes. Enabling Procurement développe ces trois points dans le cadre d'un dossier composé d'une série de 3 articles sur "les clefs de la réduction des coûts" auxquels doivent répondre les départements achats". Dans le premier texte, Enabling Procurement, vous avait donné 20 trucs et astuces pour être plus efficace en négociation. Dans la seconde partie, Josselin Velsch s'était attaqué à l'impact des spécifications sur les coûts et la création de valeur (Réduire les prix : les spécifications). Dans ce troisième volet,Enabling Procurement va s'attarder sur un autre levier de négociation très important... ou pas : les quantités.

Quel acheteur n'a pas rêvé de baisses de prix en voyant les volumes achetés augmenter ?

Les acheteurs partent souvent d'un postulat : augmenter les quantités permet de mieux négocier et de baisser les prix.

Le levier des quantités est souvent efficace. Son potentiel est fréquemment sous-exploité.

Pour être performants, les acheteurs doivent consciencieusement identifier l'élasticité prix/quantités, trouver des solutions pour les augmenter et transformer cette augmentation en baisse de coûts ou de marge. Ils pourront aussi analyser la chaîne de la valeur et comprendre comment les quantités peuvent impacter le panel fournisseurs.

Revenons à ce que nous avions déjà dit dans la partie dédiée aux spécifications : ne rien acheter coûte toujours moins qu'acheter moins cher...

1) Ne rien acheter coûte toujours moins qu'acheter moins cher

De nombreux achats sont pérennes alors qu'ils ne sont plus utiles ou substituables.

Nous avions pris l'exemple des téléphones fixes. Trop facile ! Evadons-nous : parlons voyages !

Avions, voiture, hôtels... Voyager coûte cher. De nombreuses entreprises ne voient ces coûts réduire que marginalement, en dépit de la mise en place de systèmes de réservation de voyages en ligne, de workflows, de négociations avec un panel fournisseurs réduit (...).

Le confinement lié à la pandémie du COVID 19 nous a permis de (re)découvrir les outils collaboratifs de vidéo conférences. Ceux-ci étaient déjà souvent à disposition des collaborateurs. Autrefois très coûteux, ils sont aujourd'hui performants, fiables et sécurisés et surtout, faciles d'accès.

Les services achats ne réduiront jamais autant leurs coûts de déplacements qu'en ne les réservant qu'aux besoins essentiels. Pour certains, les voyages sont une contrainte, pour d'autres un acquis, une liberté de s'organiser, un plaisir...

La conduite du changement devient donc le facteur clé de succès pour apprendre aux collaborateurs à se passer de services qui ne sont plus systématiquement nécessaires. Il n'est pas question de supprimer tous les voyages professionnels. Certains peuvent néanmoins facilement être remplacés par les vidéo conférences. La négociation externe fait ainsi place à la négociation interne, à la remise en cause des habitudes.

Le rapport de force n'est plus forcément en faveur des acheteurs qui doivent apprendre à ménager les susceptibilités, analyser les centres d'achats pour garantir efficacité et prises de décision.

2) L'impact des quantités sur les coûts : une approche "micro-économique"

Les acheteurs de production et hors-production détaillent les coûts des produits ou services achetés pour comprendre les inducteurs de coûts et leviers de négociation.

En fonction du type de coûts et de leur part dans le cost breakdown, les quantités peuvent très fortement impacter les prix. La standardisation et la remise en cause des besoins permet de libérer le potentiel.

Certains produits ou services sont moins sensibles à l'effet volume, surtout quand la valeur ajoutée est réduite.

A - Un exemple idéal : les pièces embouties

Les pièces embouties ont besoin de matrices pour être produites. Ces dernières coûtent très cher.

Pour produire des pièces de structure automobile, il fallait souvent deux matrices pour garantir la disponibilité de l'outil de production, en dépit du fait qu'elles puissent produire de très grandes quantités.

Chaque site disposait souvent de sa propre matrice pour répondre à ses besoins.

Les experts en optimisation des coûts ont vite compris qu'il fallait augmenter les quantités et que les resourcings avaient montré leurs limites, tant d'un point de vue réduction des prix que des coûts (risques de non-qualité).

La standardisation et la modularisation des designs (stratégie de plateformes) a permis l'augmentation significative des quantités et lots de production. Le prix pièce a radicalement chuté.

Quand les volumes étaient faibles, l'amortissement de la matrice représentait le gros des coûts. Avec l'augmentation des quantités, le processus de production a été optimisé. A l'infini, le coût pièce se rapprocherait du prix de la matière mise en oeuvre ainsi qu'une petite part résiduelle liée au processus d'emboutissage.

Des outils peuvent aider à identifier le potentiel des volumes sur les coûts. Si vous ne souhaitez pas apprendre à programmer en Python, les régressions linéaires prix/matière avec des points plus ou moins larges en fonction des volumes peuvent vous aider à comprendre la logique et identifier des cas qui ne répondent pas à la norme.

Une analyse de la profitabilité considérant les quantités peut parfois être menée en utilisant les informations financières communiquées par les fournisseurs afin de comprendre comment évolue la marge d'une société ou SBU (Strategic Business Unit) en fonction de son chiffre d'affaires, ses achats...

Les pièces embouties sont un exemple d'élasticité prix/quantités. Si l'effet d'expérience et autres améliorations des processus conduisent à des gains de productivité significatifs, chaque type d'achat répond différemment à l'augmentation des volumes.

Lire la suite en page 2: B- Un contre-exemple: les prestations de nettoyage - / - 3) L'impact des quantités sur les marges



B- Un contre-exemple : les prestations de nettoyage

Admettons maintenant que ma société souhaite faire réaliser le nettoyage de ses locaux. Un prestataire est situé en face de notre bâtiment. Il n'a pas de frais de déplacement. Les produits lessiviels seront fournis. Le prestataire connaît très bien les locaux ; il les a nettoyés pendant des années. Nous exclurons les gains de productivité et les contraintes qu'ils représentent : il n'est jamais facile de réduire le temps de travail d'un employé.

Le prestataire a remis une offre de prix pour 4 heures de travail. Finalement, nous souhaitons nettoyer une plus grande surface. Je demande donc au prestataire de mettre à jour son offre. Il considère qu'il faut désormais 2 fois plus de temps pour réaliser la prestation.

Arrive le moment de négocier les tarifs. Le nombre d'heures a doublé. J'espère bien obtenir une baisse de prix.

Or, le prestataire me rappelle que la personne bénéficie d'un contrat de 4 heures qui pourrait être amendé pour atteindre 8 heures. La personne est peu qualifiée, travaille bien mais est payée au SMIC. Les charges patronales ont été fortement réduites depuis les ordonnances Fillon ; elles représentent désormais moins de 15% du salaire minimum brut.

La marge de négociation est limitée: la valeur ajoutée est faible.

Sur un salaire à moins de 12€ de l'heure chargé, une marge de 20% ne représente guère que 2,3€ de l'heure.

La prestation de nettoyage (8h par semaine, 4 semaines par mois) ne représente finalement que 74€ de marge opérationnelle mensuelle.

Le nombre d'heures nécessaires à l'obtention de gains significatifs devrait être très élevé. De plus, il faudra que le prestataire ait atteint son seuil de rentabilité.

Une baisse de prix trop importante liée à la quantité pourrait être synonyme de risques : travail non déclaré, risque de non-respect des cahiers des charges, faillite. Parfois, les inducteurs de coûts ne sont pas favorables à un marchandage intensif. Pour être pérenne, le fournisseur doit garantir une qualité de service et une rentabilité suffisante.

Dans le cas des prestations de nettoyage, l'effet d'apprentissage, l'utilisation des bons outils pour aller plus vite et le chiffre d'affaires total représentent les leviers les plus pertinents pour départager les prestataires. Ils nous ramènent aux cahiers des charges fonctionnels.

3) L'impact des quantités sur les marges

Parfois, de grandes quantités achetées ne représentent pas d'impact sur les coûts des fournisseurs.

S'il me prenait l'envie d'acheter plusieurs milliers de smartphones, cet achat permettrait-il au fournisseur de réduire ses coûts ? Absolument pas ! Il se vend environ 1,4 milliard de smartphones par an, toutes marques confondues.

L'optimisation des marges deviendra donc un facteur clé de succès.

A- La négociation des marges

Plus la combinaison "marge en % x quantités" est élevée, plus le potentiel de négociation est important.

Une faible marge en pourcentage peut malgré tout conduire à des économies substantielles grâce aux quantités. Il faudra alors raisonner en termes de marge en valeur. En fonction des objectifs du vendeur ou des enjeux stratégiques ou individuels, le vendeur pourra consentir à de faibles baisses en pourcentage. Grâce à l'analyse des coûts qu'il a réalisée, l'acheteur pourra identifier des prix d'appels. En cas d'achats récurrents, il ne faudra pas que la première commande conduise à un rattrapage dans le futur, toujours inconfortable et risqué d'un point de vue performance.

B) La revue de la chaîne de la valeur : les quantités peuvent impacter le panel fournisseur

Les quantités peuvent parfois permettre d'acheter à un autre niveau de la chaîne de la valeur.

Ainsi, en plus de réduire une marge, un coût pourra être évité. Revenons à notre histoire de pièces embouties : en cas d'augmentation significative des quantités, un client peut passer de l'achat de matière chez un grossiste à un achat direct chez les aciéristes.

Pour conclure

Les quantités ont très souvent un impact sur les négociations. Augmenter les quantités ne sera pas le seul et unique facteur clé de succès. La compréhension des structures de coûts des produits achetés permettra de comprendre quelle partie des coûts sera impactée : process et/ou marges. La partie process sera plus analytique et associée à une conduite du changement, qu'il soit technique ou organisationnel. Les négociations de la marge dépendent de la stratégie et des besoins des fournisseurs. Dans certains cas, réussir un marchandage en tablant sur une augmentation de quantités peut être une source de risques. Certains coûts sont incompressibles. Certaines marges sont nécessaires pour garantir une base fournisseur pérenne.

Les achats ont donc toutes les cartes en main pour réussir leurs négociations, continuer à s'amuser et contribuer à la performance.

Par Josselin Velsch, chef de projets chez Enabling Procurement. Son expérience principale a été acquise dans les achats techniques de systèmes (CAPEX, systèmes de freinage) et composants (MRO, pièces plastiques et électroniques) dans les industries automobile et ferroviaire.



 
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