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[Avis d'expert] Les standards comportementaux en négociation

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[Avis d'expert] Les standards comportementaux en négociation

Savoir négocier ne s'improvise pas. Une négociation aboutie, qui dépasse le simple acte d'achat, se mène évidemment grâce à une parfaite connaissance de sa stratégie achats. Mais aussi, et surtout, en utilisant différentes techniques qui relèvent de la guerre psychologique. Explications.

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Avant d'établir l'ensemble des stratégies de négociation dont dispose un acheteur, il convient de définir correctement la notion de négociation. Bien souvent, des amalgames sont faits à ce sujet. On a généralement tendance à croire qu'on a négocié lorsqu'on réussit à faire baisser le prix d'une voiture ou d'un meuble de bureau de -20 %, par exemple. Quand seul le prix est en jeu, cela s'apparente plutôt à du marchandage. En revanche, une négociation en achats, c'est un ajustement de l'offre et de la demande, par la volonté de deux ou plusieurs personnes. Ce qui sous-entend que chacune des parties a quelque chose à offrir et obtenir et qui dépasse le simple acte d'achat, c'est-à-dire argent versus produit.

Marchandage versus négociation

Cette différence substantielle se traduit tout naturellement dans le positionnement stratégique : le marchandage est utilisé essentiellement pour les segments d'achats lorsque l'entreprise qui achète est en position de force et que les produits achetés ne sont pas très techniques. À l'inverse la négociation est destinée aux segments d'achats répondant à une situation où il y a degré de complexité du produit ou du service acheté élevé.

C'est justement sur ce dernier segment d'achats que sont focalisées les stratégies d'achats. Construire une stratégie de négociation s'effectue sur deux niveaux : d'abord travailler sur soi, puis attaquer le coeur de l'objet de la négociation. Plusieurs étapes sont indispensables pour mener à bien le travail sur soi. Cela commence par le quotidien, notamment par l'image qu'on véhicule au sein de l'entreprise et vis-à-vis des fournisseurs. Il faut ensuite améliorer ses points faibles et, bien sûr, savoir utiliser ses points forts. Une bonne négociation résulte aussi d'un travail d'équipe ; il faut, par conséquent, savoir s'entourer des bons interlocuteurs. Une préparation psychologique est, bien entendu, à mettre en place. C'est après une introspection que l'on est apte à préparer sa négociation et à définir les stratégies conséquentes. Pour préparer une bonne négociation, il faut déterminer ses objectifs et les hiérarchiser, définir la tactique, préparer le tableau de bord de la négociation, identifier les rôles de chacun. Plusieurs standards de négociation comportementale sont utilisés dans le métier. C'est ce qui donne "son style" à la tractation.

Voici quelques exemples de tactiques que l'acheteur peut utiliser après avoir bien pris soin de préparer son scénario. Évidemment, il peut utiliser plusieurs techniques à la fois.

Le mutisme

Cette tactique se fonde sur la simple loi de la nature stipulant que celle-ci a horreur du vide. L'analogie peut se faire avec les hommes. En effet, lors d'une réunion, les gens ne supportent généralement pas le silence. Par conséquent, pour peu que le fournisseur soit bavard, l'acheteur tout en restant silencieux amène ainsi le fournisseur à parler.

Exemple type : lors d'une réunion de négociation, le fournisseur propose un prix élevé. L'acheteur utilise donc cette tactique en regardant d'abord le fournisseur, l'air ahuri, puis ses collaborateurs. Cette posture peut amener le fournisseur à se raviser et à proposer ainsi, en l'espace de quelques secondes, une nouvelle offre de prix. Par ailleurs, lorsque le fournisseur évoque un argumentaire pour justifier son offre, il peut être amené à dévoiler des informations souvent très utiles pour l'acheteur, car ce dernier pourra habilement faire une contre-proposition. On peut citer un fournisseur qui évoque une fabrication en Europe de l'Est, alors que le taux horaire homme qu'il mentionne correspond à des taux horaires occidentaux.

Le gentil et le méchant

Évidemment, pour utiliser cette tactique particulière, il faut a minima négocier en binôme. Le cas échéant, le premier négociateur joue le rôle du méchant. Il commence la négociation, prend le contrôle de la discussion, puis se met à exiger des conditions inatteignables de la part du fournisseur, tout en se montrant particulièrement désagréable. Le second négociateur, le gentil, intervient au moment qu'il estime bon pour tempérer l'agressivité de son collaborateur. Dès lors, ce "gentil" prend le relais de la discussion, attise son empathie pour le fournisseur de sorte que ce dernier comprenne que, finalement, un accord reste possible. Conclusion : si les rôles ont été soigneusement interprétés, le fournisseur préférera naturellement l'acheteur gentil et cèdera plus facilement à ses exigences.

Le saucissonnage

Cette tactique consiste à séparer les enjeux de la négociation en éléments simples pour être traités séparément lors des discussions. Nous pouvons citer, par exemple, les conditions de livraison, de paiement, les montants des outils, le coût de maintenance, etc. L'acheteur traite ainsi un par un tous les points de la négociation en tirant le maximum pour chacun d'eux. Bien entendu, si le fournisseur cherche à revenir sur un point déjà discuté, l'acheteur rétorque alors que le sujet a déjà été finalisé et que revenir dessus remettrait en cause tout le travail déjà effectué. Bien qu'efficace, cette technique reste éprouvante pour le fournisseur qui a l'impression de "passer à la moulinette". Il convient donc de respecter les conditions matérielles dans lesquelles se déroule la discussion pour que le fournisseur soit, en quelque sorte, rassuré.

L'approche globale

À l'opposé du saucissonnage, cette technique privilégie l'approche globale et elle est souvent adoptée lorsque le rapport de forces est plutôt en faveur du fournisseur. Pour que l'acheteur puisse mettre en place cette technique, il doit s'assurer que le fournisseur partage cette forme de négociation et que, des deux côtés, on souhaite trouver un accord satisfaisant pour les deux parties.

L'escalier

Grâce à cette technique, l'acheteur énonce des objectifs apparents extrêmement ambitieux. Mais, en réalité, ses objectifs réels sont en deçà de ce qu'il annonce au fournisseur au début de la négociation. L'objectif est de donner l'impression au fournisseur qu'on lui fait des concessions qui n'en sont pas. On encourage ainsi le fournisseur à accepter l'objectif réel de l'acheteur.

La rupture de séance

Cette technique fait monter la tension chez le fournisseur en montrant que l'acheteur n'a rien à perdre dans la négociation et qu'il peut facilement consulter un autre fournisseur. Bien que ce soit une tactique très efficace pour intimider son interlocuteur, il faut toutefois faire preuve d'une extrême prudence. Il faut, en effet, s'assurer que le fournisseur croit vraiment à votre jeu et que vous avez réellement une solution de secours. Car, dans le cas contraire, la situation peut se retourner contre vous et vous risquez de durcir la négociation.

La répétition

Le but est de lasser le fournisseur en répétant toujours les mêmes objectifs et en lui faisant répéter les mêmes arguments pour qu'il soit "épuisé", qu'il perde le fil de la négociation et qu'il accepte finalement des conditions paraissant inacceptables au début. Il faut disposer de beaucoup de temps pour que cette technique soit efficace, à la fois pour l'acheteur et le fournisseur.

Ces standards, loin d'être neufs, ont fait leurs preuves. Les conditions de leur succès ? Construire une stratégie achat adaptée et bien connaître les leviers de compétitivité avant de se lancer dans le "jeu de la négociation".

Par Olivier Wajnsztok - directeur associé du cabinet ­AgileBuyer, ­spécialisé dans les équipiers achats (acheteurs professionnels qui traitent des projets achats chez les clients), le conseil et le coaching d'acheteurs.

 
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