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Pourquoi les négociations en interne sont-elles si difficiles ?

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Pourquoi les négociations en interne sont-elles si difficiles ?

Nous passons la majeure partie de notre temps à négocier en interne que ce soit pour faire passer une idée, accélérer la mise en place d'un projet...Loin de faciliter les rapports, la proximité avec ses collègues rend la tâche encore plus ardue car elle est à l'origine de 3 difficultés.

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En préalable, quelques consensus relatifs à la négociation.

Dans les entreprises, l'avis est unanime concernant les négociations externes de type « achat » ou « vente » : les négociations les plus compliquées sont celles qui ont lieu en interne avec les collègues.

Toutes les recherches convergent vers une caractéristique majeure : la négociation a pour but de réussir à rapprocher et accorder des points de vue divergents.

La négociation est de plus en plus désignée comme une approche de résolution de conflits. La citation de Nelson Mandela l'illustre : « Nous travaillerons ensemble pour soutenir le courage là où il y a la peur, pour encourager la négociation là où il y a le conflit, et donner l'espoir là où règne le désespoir. »

Si la négociation semble donc cibler la résolution de conflit, elle porte cependant en elle les germes mêmes du conflit. Bien souvent, l'intention ou l'objectif est de persuader, de faire passer une idée, de convaincre. Or, convaincre vient du latin convincere qui signifie « convaincre, dénoncer, démontrer victorieusement, prouver ». Il s'agit bien de forcer quelqu'un par des explications ou arguments à reconnaître une position. Cela traduit une dimension de domination, de vainqueur et de perdant. Il existe bien sûr d'autres approches telle que la négociation « gagnant-gagnant » mais le réflexe de compétition, de vouloir prouver à l'autre que sa position n'est pas la bonne reste bien ancré.

Ainsi, la frontière est faible entre d'un côté, une dynamique de résolution de conflit ou coopération et de l'autre côté, une dimension d'affrontement ou de compétition. Voyons maintenant pourquoi en interne, le terrain de jeu se situe plus du côté de l'affrontement via trois explications liées à des difficultés spécifiques.

Une difficulté liée au lien étroit entre négociation interne et négociation externe

La négociation externe répond dans la majorité des cas à un besoin interne que ce soit dans le cadre d'un achat ou d'une vente. Nous pouvons ainsi affirmer que réussir sa négociation en interne donne du pouvoir pour sa négociation externe.

C'est le cas par exemple, lorsque l'acheteur, en négociant en interne avec la direction de la production (son demandeur), réussit à lui faire modifier son cahier des charges technique en cahier des charges fonctionnel. Cela élargit le champ des possibles ou des solutions pour répondre au besoin et par conséquent, lui donne un levier fort dans sa négociation avec le fournisseur.

Nous voyons ici à quel point la réussite de la négociation interne est cruciale pour la réussite de la négociation externe.

Par conséquent, la non-performance d'une négociation externe génère de la frustration dont la responsabilité peut facilement être attribuée aux interlocuteurs internes. Il en résulte des tensions fortes ou un conflit en interne.

Une difficulté liée à la structure même de la négociation interne

La seconde raison est que bien souvent, la négociation interne est très peu préparée par les acteurs car ils n'éprouvent pas le besoin de le faire. Or, il est communément admis que la préparation est une clef de succès majeure en négociation.

En interne, la communication est bien souvent tacite, les personnes se coordonnent sans s'exprimer de façon explicite, c'est le règne des suppositions avec toutes les incompréhensions et les blocages qui en résultent.

Le biais cognitif de l'unanimité renforce cela, chacun pensant qu'il y a unanimité dans son propre service sans le vérifier. Lorsque l'on découvre que ce n'est pas le cas, il est bien souvent trop tard.

Une autre conséquence est que les choses n'étant pas dites, la négociation peut durer dans le temps, la fin peut être larvée. Il n'y a pas de réelle conclusion et le ressentiment qui en résulte peut polluer les futures relations ou négociations.

Une difficulté liée à la dimension émotionnelle

La dernière raison, et non des moindres, est liée à la dimension émotionnelle de la négociation interne. Il est illusoire de penser que la proximité réduit les tensions et que par conséquent, la négociation interne est plus douce que la négociation externe. On prend en effet bien souvent moins de précautions verbales quand on est « entre nous » que lorsque l'on est avec quelqu'un « d'extérieur ».

Si l'on se réfère à Aristote, l'épopée concerne la guerre externe et la tragédie concerne les déchirements au sein de la famille. Émotionnellement, les deux mots ne sont pas chargés de la même façon.

Revenons à la dimension émotionnelle du conflit et en particulier à la colère. Une des origines de la colère est la frustration, la frustration de ne pas obtenir ce que nous voulons. Plus l'enjeu est important pour nous, plus cette frustration peut être élevée et l'intensité de la colère proportionnelle. Et c'est là qu'entre en jeu la dimension émotionnelle. Plus notre interlocuteur est proche de nous, plus nous avons tendance à prendre les choses personnellement : « s'il nous appréciait vraiment, il ne ferait pas obstacle... ». C'est ce rejet de nous-même, cette confusion entre la situation et la personne qui est un puissant déclencheur de la colère. Et plus l'enjeu est important, plus cette confusion est forte.

La personne extérieure peut, bien sûr, avoir à nos yeux plus d'importance qu'un collègue mais cela reste du domaine de l'exception. Dans les faits, être de la même organisation et partager des valeurs d'entreprise rapproche. C'est ce rapprochement qui in fine peut générer des tensions et rendre si difficile la négociation interne.

En conclusion

Nous pouvons dire que la proximité des relations est une des principales raisons de la difficulté des négociations internes.

Elle est présente dans le lien entre négociation interne et externe qui sont toutes les deux étroitement liées à un même projet : acheter à un fournisseur.

Si les négociations internes sont peu préparées, c'est parce que les personnes « se connaissent » et pensent qu'il n'est pas nécessaire de se coordonner.

L'émotion peut être considérée comme le « ciment de la relation », et donc proximité et émotion sont intimement liées.

Gérer cette difficulté, c'est être capable avant tout de gérer cette proximité avec ses collègues sur la base d'une relation saine.

La qualité de cette relation favorisera le développement d'une pensée claire, non polluée, permettant de trouver les leviers ou solutions qui feront de nos négociations des succès.

Pour en savoir plus

Dominique Rondot, dirigeant du cabinet C3S Consultingspécialisé dans l'intelligence émotionnelle, le leadership et le développement de la performance dans les négociations d'achat. Il est également chargé de cours au sein de l'Université Grenoble Alpes, dans le cadre du master Desma


 
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