[Tribune] 5 bonnes pratiques pour impliquer vos collaborateurs dans votre démarche Open Innovation
Sur quel modèle collaborer avec les startups ? Comment ne pas freiner les startups avec les procédures ? Comment aborder la facturation et réduire les délais de paiement ?
Je m'abonne"Les entreprises aujourd'hui ont fait évoluer leurs démarches. Elles sont prêtes à perdre en investissant sur un produit pas encore abouti, mais à fort potentiel" - François Tourrette, dirigeant de Brapi
Les grands groupes, de plus en plus investis dans l'Open Innovation, sont prêts à collaborer pleinement avec leur écosystème externe et notamment avec les startups. Pourtant, certains de leurs process, notamment les process achats, restent encore ancrés dans de vieilles habitudes. Porte d'entrée des startups dans l'entreprise, le service achats occupe pourtant une place centrale dans les collaborations de l'entreprise. En effet, lorsque les collaborateurs métiers décident de travailler avec une startup, c'est aux achats que revient la contractualisation. Seulement, pour les startups, cette porte d'entrée peut vite s'apparenter à un véritable coffre-fort. Les bonnes pratiques pour que le service achats trouve enfin une place de facilitateur au sein des relations avec les startups:
1 - Des collaborateurs achats acculturés à l'Open Innovation
La première étape consiste à identifier des collaborateurs achats volontaires et motivés par l'Open Innovation. Ils doivent de préférence avoir une appétence pour le monde de l'entrepreneuriat, des startups et de l'innovation. Proposez-leur ensuite des modules de formation pour transformer leur appétence en compétences ! Pour bien comprendre le mode de fonctionnement startup et occuper une place stratégique dans son écosystème, les collaborateurs achats doivent avant tout être acculturés. Ils seront d'autant plus impliqués dans le bon déroulement de la collaboration s'ils possèdent toutes les clés en main pour sourcer et qualifier eux-mêmes les startups. Pour encourager leur démarche, n'oubliez pas de les valoriser, par exemple en communiquant autour de leurs actions.
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2 - Des parcours achats personnalisés
Les collaborateurs achats ne doivent pas considérer les startups comme des fournisseurs classiques. À travers des séances de réflexion collective, vous allez pouvoir identifier des critères sur lesquels construire différents profils de startups. Pour vous aider, basez-vous sur celles que vous avez déjà rencontrées. Cette réflexion va vous permettre, par la suite, de dessiner plus facilement des parcours achats adaptés à chaque profil type.
Quelques exemples de parcours achats en fonction de différents profils startup :
Profil 1 : Palier de CA peu élevé, montant lié à la collaboration inférieur ou égal à 15 000€ avec prise en compte des TRL et BRL (meilleur cas pour la startup) - Parcours achat : Elle échange directement avec les métiers, se fait référencer avec un minimum de documents, contractualise grâce à un bon de commande sans passer par l'équipe innovation ou les achats. La startup fournit une facture et un RIB uniquement.
Profil 2 : Palier de CA plus important, montant lié à la collaboration de 15000 à 40 000€, avec prise en compte des TRL et BRL - Parcours achat : Le grand groupe demande à la startup de se faire référencer, de lui fournir un contrat ou lui fournit un contrat très simplifié.
Profil 3 : Palier de CA encore supérieur, montant lié à la collaboration au-delà de 40 000€ avec prise en compte des TRL et BRL - Parcours achat : La startup est alors considérée comme un fournisseur classique, et se voit donc demander des documents tels que les bilans de ses 3 exercices précédents, le Kbis, remplissage de grilles de compatibilité au service IT très complexes et doit contractualiser avec un contrat très long avec parfois 150 pages de conditions ainsi que toutes les annexes sur la sécurité etc.
3 - Des collaborations abordées avec pédagogie et anticipation
Lorsqu'une collaboration est initiée avec une startup, constituez une équipe en interne qui l'accompagnera. L'idéal est de réunir :
- Le sponsor qui financera les POCS. Il est haut placé, au COMEX par exemple et dispose d'une vision stratégique et macro des objectifs conférés à l'appel à projets et de la démarche d'innovation de l'entreprise
- Le coordinateur qui a une vision transversale de l'entreprise, connaît bien son fonctionnement et dispose d'un solide réseau interne. Il donne la marche à suivre aux différents mentors métiers pour orienter les startups vers les bonnes personnes dans le cadre de la conduite de leur POC et vers les acheteurs évangélisateurs qui faciliteront leur parcours achat.
- le métier "mentor" de la startup, qui gère le POC sur le plan opérationnel avec elle. Il doit être sensible à l'entrepreneuriat. Il peut être identifié par son activité d'évaluation des candidatures de startups lors de l'appel à projet et par son intérêt pour l'une d'entre elles
"Il existe un problème de culture entre le métier et la startup, on peut passer des heures à travailler sur le contrat même après le POC. " - Mathilde Tenneroni, Program Manager URLink chez Unibail-Rodamco
Au-delà de guider la startup à travers les modalités du parcours achats, l'équipe interne dédiée sera en mesure de la former au mode de fonctionnement et à la culture des grands groupes. En retour, la startup pourra également accoutumer le grand groupe à son état d'esprit et à ses pratiques.
Lire la suite en page 2: 4 - Des contractualisations transparentes et pragmatiques et 5 - Des référencements et des paiements startup-friendly
4 - Des contractualisations transparentes et pragmatiques
Pour bien appréhender la contractualisation, il est important d'établir une relation complètement transparente avec la startup. Par exemple, vous pouvez vous échanger, dès le départ, le SWOT que chacun aura réalisé vis-à-vis de la collaboration. Ainsi, vous allez prendre le temps de bien comprendre les contraintes et attentes actuelles et futures de chaque partie prenante.
Un contrat court et évolutif de 3 à 5 pages maximum est recommandé. Idéalement, il doit contenir une clause d'exclusivité pendant la durée du POC, une clause de confidentialité (NDA) pour protéger les échanges d'information avec la startup, les points de vigilance (PI, ROI...) à aborder ultérieurement si nécessaire et des annexes pour rendre le contrat évolutif dans le temps et s'adapter au fil de la collaboration. Pour éviter les pertes de temps, utilisez ce qui a déjà été produit par vos collaborateurs. Capitalisez sur les contrats déjà édités en créant par exemple une "contrat-thèque" partageable et accessible depuis votre intranet ou votre outil d'Open Innovation.
5 - Des référencements et des paiements startup-friendly
Il peut paraître dérisoire de demander à une startup les mêmes documents et justificatifs que ceux demandés aux PME et fournisseurs classiques. Une solution serait de formaliser un kit de documents de base nécessaires au référencement de la startup. En étant guidée, elle pourra plus rapidement fournir les documents requis et le service achats obtiendra de son côté, des dossiers complets plus facilement. Notez que si vous avez un jour de référencement habituel des nouveaux fournisseurs, le communiquer auprès de la startup pourra l'aider à s'organiser.
"Le projet était fini, mais nous n'étions pas encore enregistrés dans la base fournisseurs..." - Karen Bastien, cofondatrice de Wedodata
Concernant le paiement, il est recommandé d'instaurer des modalités de paiement spécifiques. Par exemple, si vous avez construit un parcours achats "léger", mettez en place un acompte de 30 à 50% à la commande ou encore un délai de paiement de 7 à 15 jours. Comme Unibail-Rodamco, vous pouvez aussi opter pour des demandes de paiements exceptionnels et par la suite industrialiser cette méthode. Le temps de paiement des startups pourra alors être considérablement réduit.
Face à la difficulté de trouver le bon modèle de collaboration dès le début, contractualiser un voire deux POCs peut conduire le grand groupe et la startup à mieux se connaître et en profiter pour trouver ensemble l'issue la plus favorable à leur collaboration, sous couvert que chaque partie y trouve son compte. Les efforts doivent, bien entendu, être partagés entre les grands groupes et les startups. Celles-ci doivent, de leur côté, accueillir avec bienveillance toutes les actions entreprises par le grand groupe, et se responsabiliser en effectuant, lorsque cela est nécessaire, quelques compromis.
Par David Le Louarn, co-fondateur et CEO de Kinov