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"Le nerf de la guerre, c'est notre capacité à exploiter nos données"

Publié par Aude Guesnon le - mis à jour à
'Le nerf de la guerre, c'est notre capacité à exploiter nos données'
© © Marc BERTRAND

Arrivé il y a un peu plus d'un an à la direction des achats groupe de EDF, Stanislas Landry s'efforce de faire passer la fonction de "gardien de la règlementation et de la doctrine interne achats" à une position "d'accompagnement et de conseil de nos métiers".

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Comment votre direction achats a-t-elle passé la période covid ? Quels ont été pour vous les difficultés les plus marquantes ?

La direction des achats groupe a passé la crise sanitaire avec beaucoup d'engagement ! Nous avons une force : nous disposons d'une bonne connaissance des marchés de protection individuelle (masques) et produits chimiques (gel hydroalcoolique/lingettes). Nous en achetons pour de nombreux métiers internes. Nos enjeux étaient rythmés par les évolutions de la crise.

En janvier, il s'agissait d'anticiper. La cellule de crise du Groupe EDF a évalué un besoin de 11,2 millions en masques chirurgicaux pour assurer la protection des salariés présents sur les sites de production. Nous avons donc sécurisé les stocks avec plusieurs fournisseurs et garanti des approvisionnements réguliers, notamment grâce à notre filiale chinoise ; notre objectif était clair : protéger nos salariés sur site.

Pendant le confinement, nous avons fourni à chaque salarié quatre masques réutilisables conformément aux attentes du comité exécutif du Groupe EDF et anticipé les besoins en masques chirurgicaux post-confinement.

Malgré un contexte de télétravail contraint et hors normes, les équipes achats ont mis toute leur expertise et leur énergie à maintenir le nombre de traitement des demandes d'achat et soutenu les fournisseurs grâce à la mise en place d'un nouveau dispositif de paiement immédiat. Je suis très fier de leur engagement et de leur agilité face à une situation ô combien exceptionnelle.

Quels enseignements en avez-vous tirés ? En termes d'achats mais aussi en termes d'approvisionnement?

La filière achat est stratégique. L'expertise déjà acquise pour des besoins spécifiques aux métiers de la production a servi l'ensemble du Groupe (masques, gel, etc) et la force de ses réseaux garanti un approvisionnement fiable.

Nous avons aussi tiré bénéfice de la digitalisation des processus relatifs à l'approvisionnement, et c'est d'ailleurs un domaine nous souhaitons aller encore plus loin.

Au-delà de ces deux aspects, je retiens également l'agilité de nos équipes face aux difficultés contextuelles de nos partenaires.

Votre politique achat en a-t-elle été modifiée ?

Cette situation exceptionnelle a démontré que notre politique achats était solide et opérationnelle.

Comment vous assurez-vous de la survie de vos fournisseurs ? Quelle aide leur avez-vous apportée ?

Chez EDF, les fournisseurs sont des partenaires. Cette proximité facilite les échanges en période de crise. Aussi, nous avons adapté nos procédures de règlement en fonction de leur situation.

Que pensez-vous de ce grand vent en faveur de la relocalisation ?

Notre raison d'être, c'est de construire un avenir énergétique neutre en CO2 conciliant préservation de la planète, bien-être et développement grâce à l'électricité et à des solutions et services innovants. Concrètement, cela se traduit par favoriser les partenariats avec des fournisseurs proches de nos sites industriels français. Cet ancrage territorial est important pour le groupe EDF depuis très longtemps.

De façon plus globale, nous avons pour projet de développer des achats durables. Nous entendons une distinction entre responsable et durable. Durable signifie que nous voulons tenir compte de l'impact CO2 de nos achats.

Vous êtes actuellement engagé sur un gros chantier de transformation de la fonction achats...

Nous faisons évoluer la posture de notre direction des achats Groupe. Nous sommes des experts et partenaires. Cette posture d'accompagnement permet à nos métiers de se concentrer sur leurs activités. Les achats, chez EDF, sont une fonction jeune, créée au début des années 2000 par un regroupement des fonctions support. Tous les acheteurs qui étaient dans les différentes entités ont été regroupés au sein d'une direction achats. Celle-ci a été chargée de mettre en place des processus et de professionnaliser la fonction, afin de préserver les intérêts du Groupe. Ce dernier point constitue un aspect primordial car nous sommes une entité adjudicatrice et donc soumis à la Directive Européenne 2014/25. Aujourd'hui, les missions originelles de la fonction achat - consultation, négociation, mise à disposition des contrats - sont maîtrisées et réalisées avec rigueur, performance et traçabilité. Pour créer une valeur ajoutée supplémentaire pour les métiers d'EDF, nous devons maintenant aller au-delà.

Nous passons d'un rôle de gardien de la règlementation et de la doctrine interne achats à une position d'accompagnement et de conseil de nos métiers. Nous identifions de nouveaux leviers de valeur ajoutée de la fonction achats. En début d'année 2019, nous avons fait un benchmark pour identifier nos forces et nos faiblesses par rapport à nos pairs, acteurs industriels ou de services, soumis ou non à la Directive Européenne 2014/25/UE. Il est clair, au vu du travail que font d'autres directions achats, que nous devons progresser sur l'amont et sur l'aval de la chaîne de valeur achats. Des points forts sont aussi ressortis de ce benchmark et nous nous attachons à les conserver.

Lire la suite en page 2 : Quels axes de travail avez-vous dégagés ? - Comment comptez-vous améliorer votre connaissance fournisseurs ? - Comment vous assurez-vous de la pertinence de votre démarche en interne ? - etc.


Quels axes de travail avez-vous dégagés ?

Afin de créer de la valeur ajoutée supplémentaire, il est nécessaire de travailler sur les leviers "besoins" (Design to Cost, analyse fonctionnelle, etc.), l'ingénierie contractuelle (dialogue compétitif / technique, pilotage pro-actif des contrats, etc.) et la maîtrise de l'exécution des contrats, c'est-à-dire en amont du cahier des charges et en aval de la signature des marchés. Concernant l'amont, il convient d'investir sur la connaissance des secteurs d'activités, des fournisseurs, des offres et des pratiques de marché. Il s'agit de connaître tout ce que nos partenaires, historiques ou potentiels, sont capables de nous offrir pour répondre à nos besoins. Nous avons parfois des besoins très spécifiques qui sont définis dans nos cahiers des charges et sur lesquels nos fournisseurs doivent répondre précisément. Par ailleurs, il existe également des solutions innovantes "sur étagère", chez nos partenaires, que nous devons être en mesure de capter et proposer à nos métiers. Nous, acheteurs, avons accès à de nombreux acteurs, donc à des informations extrêmement importantes, et tout notre enjeu est de les mettre à disposition des métiers. Le paradigme qui prévalait jusque dans les années 2000 a changé : l'information n'est plus le pouvoir. Le pouvoir, c'est la capacité à exploiter ces informations, de les mettre en exergue et à disposition de nos métiers.

Nous avons également, sur l'amont, la dimension du conseil auprès de nos métiers en matière de prescription et de stratégie achats. Il faut être capable d'accompagner nos métiers dans la rédaction du cahier des charges et dans l'élaboration de leur stratégie achats. La stratégie achats n'est pas la chasse gardée de l'acheteur.C'est un acte partagé avec les métiers. Ensemble, nous devons affiner les cahiers des charges pour être en mesure de rendre plus attractives nos consultations, voire aller chercher d'autres fournisseurs que ceux avec lesquels nous avons l'habitude de travailler. Nous devons également avoir plus de flexibilité dans un appel d'offres, ne pas avoir des cahiers des charges trop figés. Tout ce repositionnement sur la chaîne de valeur de la fonction achats se fait dans une logique d'offre de services qui va au-delà de nos missions originelles. Sur l'amont, il s'agit aussi de proposer à nos métiers notre capacité à réaliser des études de marché, de pricing, de costing, etc., afin de les aider à affiner leur besoin et son estimation financière. Pour le moment, nous le faisons de façon trop ponctuelle. Nous devons être en mesure de le proposer sur l'ensemble de nos métiers et de nos contrats.

À l'aval, l'objectif est de mieux contribuer au pilotage et à l'exécution des contrats. Lorsque le Contract Management est réalisé par le métier, l'acheteur doit lui fournir l'appui nécessaire au pilotage des contrats. Ce dernier doit impliquer le futur Contract Manager en amont de la contractualisation pour sa bonne appropriation des enjeux du marché. Sa mission est aussi de fournir les données consolidées relatives à l'exécution des contrats (consommations, etc.) et de permettre d'anticiper et mettre en oeuvre les avenants et les réclamations. Dans la logique d'offre de services, l'acheteur pourra aussi réaliser le Contract Management pour le compte des métiers, par exemple sur des projets industriels ou sur les marchés sans prescripteur.

Comment comptez-vous améliorer votre connaissance fournisseurs ?

Nous devons mieux connaître nos fournisseurs, pas uniquement sur le périmètre EDF SA ou Enedis, pour lequel nous disposons d'un ERP commun. Au sein du Groupe EDF, il existe plusieurs ERP. Nous ambitionnons de mettre en place un outil de Supplier Relationship Management performant pour l'ensemble du groupe : il s'agit du projet Supply'R. Cet outil permettra de bien connaître nos fournisseurs sur le plan financier, mais aussi en termes de qualité de prestations et de réclamations. Supply'R est en cours de développement. La première version est disponible depuis ce début d'année et couvre plus de la moitié des dépenses du groupe. L'ensemble du périmètre sera couvert par l'outil fin 2020. Le nerf de la guerre, c'est l'exploitation des données ! Avoir des outils de data visualisation est essentiel, notamment sur cet aspect SRM.

J'imagine que la direction achats ne travaille pas seule sur ce projet. Comment vous assurez-vous de la pertinence de votre démarche en interne ?

Nous travaillons avec les métiers pour définir leurs attentes et vérifier que la vision sur laquelle nous nous positionnons est en conformité avec leurs besoins. J'ai fait valider notre positionnement sur la chaîne de valeur en juin 2019 par le comité exécutif du Groupe.

Quelle organisation allez-vous mettre en place ?

Depuis un an, nous redessinons l'intégralité de nos organigrammes et de nos emplois pour développer de nouveaux métiers relatifs au category management, au demand management et aux achats projet, ainsi que pour mettre en place des contract managers. Nous travaillons, en parallèle, sur nos processus et nos outils IT. Nous envisageons de mettre cette transformation en oeuvre à partir du 1er octobre 2020.

Tous ces champs ont été étudiés par des groupes de travail réunissant 130 salariés de la direction des achats Groupe. La transformation doit être conduite et portée par les équipes, c'est à elles d'exprimer leurs attentes. L'approche a été "bottom up". Le succès repose dans un cadre où les discussions entre les salariés sont facilitées et les initiatives encouragées. Nous, comité de direction de la direction des achats Groupe, avons validé par étapes successives. Pour cela, nous réfléchissons selon une approche risques et opportunités et non plus en fonction des processus et de leur strict respect.

Nous proposons des parades aux risques identifiés, des alternatives, des écarts aux processus si cela crée de la valeur pour le groupe. Nous mettons en place une fonction achats plus large, avec certains acteurs qui travaillent sur le temps long (connaissance des marchés, des segments d'achats, des fournisseurs, achats projet, etc.) et d'autres missionnés sur le temps court (acte d'achat, négociation, et contractualisation). Par ailleurs, une partie de nos ressources sera dédiée à la donnée et à sa qualité (partie étude et gestion de données). Nous souhaitons notamment créer plusieurs postes de data analysts. Cette évolution doit se concrétiser dans les prochains mois.

Nous faisons évoluer notre façon de travailler pour basculer d'un mode pyramidal à un travail en mode projet, de type audit ou conseil, où l'on va chercher la ressource ou la compétence nécessaire au moment opportun. Je souhaite que nous travaillions de manière plus souple avec des organigrammes plus plats. Avec des équipes qui ne sont pas constituées de manière permanente, mais de façon variable dans le temps. Ces nouvelles façons de travailler passent aussi par un changement des pratiques managériales : un management plus collaboratif, dans un souci de responsabilisation de chacun des acteurs.

Vous allez donc créer de nouveaux métiers. À ressources "iso " ou allez-vous recruter de nouveaux profils ?

Il s'agit d'accompagner un changement culturel fort. Pour nous seconder, nous avons fait appel à un cabinet spécialisé chargé de mettre en place un dispositif d'écoute supplémentaire à destination des salariés, en sus de leur manager et des représentants du personnel. Nous déploierons ensuite un plan de formation pour accompagner nos acheteurs dans l'évolution de leur métier.

Lire la suite en page 3 : Les outils dont vous disposez vous permettent-ils de négocier ce grand virage ? - Qu'en est-il de la conformité de vos achats au regard des évolutions règlementaires ? - Et... sur les délais de paiement ?


Les outils dont vous disposez vous permettent-ils de négocier ce grand virage ? Ou allez-vous, là aussi, tout révolutionner ?

Nous travaillons davantage sous le prisme de l'expérience utilisateur, qu'il soit acheteur ou client-métier. Depuis longtemps, nous avons mis en place des outils très pointus techniquement (outils d'e-sourcing, d'e-procurement, de suivi à travers notre ERP, etc.), mais ils ont été pensés par des experts pour des experts. En conséquence, l'utilisation des contrats, des données, des informations n'est pas aisée pour tout un chacun. Il en va de même pour l'exploitation des données et contrats. C'est pourquoi, nous allons procéder à un lifting global pour se positionner dans une logique utilisateur et non plus dans une logique d'excellence technique. Il faut des outils pouvant être utilisés facilement par tous.

Nous avons opté pour un modèle non intégré constitué d'un ERP et d'outils satellites interfacés. Depuis deux ans, nous travaillons sur le Procure to Pay, dans une logique de bout en bout qui offre à l'utilisateur une expérience "sans couture". Nous avons une vingtaine de projets en cours dans le cadre du P2P dans tous les domaines : optimisation de l'outil d'e-procurement, moteur de recherche des contrats, market place, dématérialisation des commandes et des factures, portail fournisseurs, suivi des délais de paiement, etc.

Qu'en est-il de la conformité de vos achats au regard des évolutions règlementaires ?

D'une façon générale, nous devons être exemplaires. Nous avons mis en place un plan de contrôle de conformité de nos fournisseurs pour identifier les risques (fraude, image, contentieux en cours). Sur le RGPD, dès la promulgation de la loi, nous nous sommes rapprochés de tous nos fournisseurs. Aujourd'hui, il reste moins de 200 contrats, sur plus de 20 000 potentiellement concernés, qui ne sont pas encore vérifiés. Nous leur avions envoyé un courrier type avec une clause type qu'ils devaient nous retourner contresignés. Sur les 200 courriers qui ont été rejetés, la plupart concernent des fournisseurs qui souhaitent des ajustements par rapport à cette clause. Nous sommes en discussion. C'est juste une question de temps.

Et... sur les délais de paiement ?

Nous payons 96 % de nos fournisseurs dans les délais, mais nous avons eu des difficultés sur les 4 % restants. Nous avons travaillé sur les causes des retards constatés (prestation non terminée ou non réceptionnée, litige, réclamation, etc.). C'est une problématique de SI et de données. Au printemps dernier, nous avons mis en place un plan d'actions pour mobiliser les métiers, améliorer nos SI et expliquer aux fournisseurs à qui adresser leur facture (i.e au robot scan automatique, et non à leur donneur d'ordre physique, ce qui n'est pas toujours naturel !) Nous avons des centres de paiement automatisés avec des robots qui traitent les factures, mais si elles ne sont pas totalement conformes, les délais peuvent être très longs. Nous sommes dans une logique de simplification pour la réception des commandes, mais nous voulons aussi encourager les achats par le process P2P et notamment par l'outil d'e-procurement. Nous avons aussi mis en place un plafond de réception automatique qui déclenche un paiement automatique en deçà d'un certain montant.

Lire la suite en page 4 : Comment les achats travaillent-ils sur le projet EPR dont on connaît les difficultés ? - Comment mesurez-vous la performance achats de votre service ?


Comment les achats travaillent-ils sur le projet EPR dont on connaît les difficultés ?

D'une façon générale, sur tous nos achats (d'équipements, de prestations, de services, d'IT, etc.), nous avons l'objectif d'être davantage force de proposition auprès des métiers en leur fournissant une bonne vision du marché et des offres de marché, pour qu'ils puissent, avec leurs connaissances et leurs exigences, faire leurs choix industriels. L'organisation que nous souhaitons mettre en place cet automne doit répondre à ce besoin.

Depuis plus d'un an, nous avons élaboré des dispositifs d'ingénierie contractuelle pour être capable de travailler différemment les consultations avec nos métiers, de ne plus lancer des consultations systématiquement sur des cahiers des charges très spécifiques et d'être en mesure de travailler en dialogue compétitif, i.e sur la base d'un cahier des charges fonctionnel. Nous demandons à nos fournisseurs quelles réponses ils peuvent apporter à nos besoins fonctionnels. Nous l'avons fait, par exemple, pour la construction des futurs centres de crise locaux sur les centrales nucléaires. C'est plus long à l'achat, mais cela permet d'avoir un vrai dialogue avec nos fournisseurs, d'échanger sur leur capacité à faire, sur les technologies et façons de procéder, et donc d'être beaucoup moins prescriptifs dans le besoin, dans la façon dont ils allaient répondre à ce besoin. Nous prévoyons une indemnisation financière pour les acteurs non retenus à l'issue des procédures de dialogue compétitif. D'une manière générale, nous devons construire une relation partenariale avec nos fournisseurs pour être en mesure de chercher l'innovation chez nos fournisseurs afin de "driver" notre propre innovation et de créer une situation pérenne et apaisée.

Nous avons également travaillé à la révision de notre modèle contractuel.Nos CGA et CPA s'étaient complexifiées avec le temps en raison des négociations successives avec les fournisseurs et les organisations professionnelles. Certains fournisseurs considéraient que notre modèle contractuel sortait des standards pratiqués dans le monde industriel et s'estimaient exposés à des niveaux de risques inacceptables au regard de leurs choix industriels, du fait notamment du cumul des plafonds de responsabilités contractuelles prévu. La révision du modèle contractuel, déployé en juin 2020, vise à un meilleur équilibre des risques entre EDF et ses fournisseurs. C'est clé pour la bonne exécution des marchés et la construction d'une relation de confiance.

Aujourd'hui, le tandem acheteur / prescripteur conduit en amont des consultations une analyse de risques, pour identifier les enjeux, les difficultés, les risques et les parades à mettre en oeuvre pendant la durée de vie du contrat. Ainsi cette analyse, partagée avec les compétiteurs, nous permet d'adapter nos clauses contractuelles (dont notamment les plafonds de responsabilités de nos fournisseurs) à la réalité à laquelle nous allons être confrontés. S'il s'agit d'un marché standard, c'est-à-dire sans risque particulier, nous avons un modèle contractuel prédéfini avec un niveau d'exposition plus léger de nos fournisseurs en termes de pénalités. Si nous sommes sur un marché à enjeux, avec des risques spécifiques, dans ce cas nous modulons le plafond d'exposition de nos fournisseurs dans un souci de construire une relation équilibrée en termes de partage du risque et pour s'assurer d'une exécution apaisée du contrat.

Comment mesurez-vous la performance achats de votre service ?

Sur le plan quantitatif, c'est évidemment très simple. Lorsque nous mettons en place un nouveau marché, nous comparons le coût avec celui du marché précédent. Sur le plan qualitatif, nous réfléchissons actuellement à des indicateurs que nous pourrions appliquer pour mesurer la valeur ajoutée apportée aux métiers au travers de l'organisation que nous voulons mettre en place. Comme toute fonction achat, nous travaillons pour la performance d'autrui, à savoir les métiers. Sur la mesure qualitative, nous sommes sur une démarche de mesure du temps de l'acte d'achat. Jusqu'il y a deux ans, les métiers percevaient l'acte d'achat comme quelque chose d'extrêmement lent. La direction des achats avait alors mis en place des gabarits en fonction du montant acheté (la direction des achats Groupe n'intervient qu'à partir d'achats à hauteur de 20 000 euros) avec des délais maximum dans lesquels nos achats doivent être réalisés.

Cette approche a été positive pour rationaliser les processus, mais notre travail est aujourd'hui rentré dans une forme d'automatisme, sans réflexion sur la pertinence de la durée de l'acte d'achat concerné. Or, s'il existe des choses très simples ou standards à acheter pour lesquels nous pouvons appliquer un gabarit, il y a aussi des achats complexes qui prennent du temps, et les gabarits nous empêchent de nous interroger sur la pertinence de nos gestes du fait de la pression temporelle. Nous travaillons à faire évoluer ces indicateurs de gabarit de délai vers une logique de délai répondant au besoin du métier.

Par ailleurs, nous avons mis en place une démarche de partenariat productivité. En cours d'exécution des contrats, nous travaillons avec nos fournisseurs sur une façon différente d'opérer le contrat dans un souci de moindre dépense.

Nous sommes ainsi conjointement dans une démarche d'amélioration continue, avec un gain partagé entre nos fournisseurs et EDF. Nous mesurons ce gain selon trois dimensions : la dimension financière pure (montant restitué), le coût évité et la mesure gain de temps de la réalisation de la prestation. Même si nous travaillons avec la direction financière sur la mesure de la performance achats, à travers l'évolution des indices de prix, les coûts évités, etc., cette performance achats reste dans l'absolu toujours difficile à mesurer et à retrouver in fine dans le compte de résultat du groupe. Je souhaite donc que l'on porte cette performance achats auprès de nos interlocuteurs (métiers, direction financière, etc.) avec beaucoup d'humilité et que l'on mette en avant uniquement la performance que l'on retrouve dans le compte de résultat.


 
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