[Tribune 3/3] Clauses limitatives de responsabilité : soyez précis !
Le régime des clauses limitatives de responsabilité a tellement été commenté que chacun, acheteur ou fournisseur, croit en connaître toutes les subtilités et a développé une stratégie pour y échapper ou les imposer. Voici quelques conseils aux acheteurs.
Je m'abonneLe régime des clauses limitatives de responsabilité a tellement été commenté que chacun, acheteur ou fournisseur, croit en connaître toutes les subtilités et a développé une stratégie pour y échapper ou les imposer. Peu ont en revanche pu mesurer l'efficacité réelle de leurs clauses lorsqu'elles sont appréciées par le juge. Quelques conseils aux acheteurs par un praticien des tribunaux pour ne pas céder plus qu'ils ne pensent avoir donné.
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Le préambule : soyez renard et non corbeau
Le préambule d'un contrat est souvent sa partie la plus négligée. Il oscille entre deux lignes d'introduction et le récit complet et détaillé des compétences des parties qui, souvent, tombe dans le travers de la plaquette commerciale. Il est pourtant d'une importance capitale puisque c'est au regard de ce qu'il contient que le juge apprécie la relation entre les parties. L'importance de ce préambule a été réaffirmée très récemment par la réforme du droit des contrats.
L'article 1112-1 du code civil prévoit en effet que la signature d'un contrat est précédée d'un mécanisme d'information précontractuelle dont l'objet est d'obliger celui qui détient une information déterminante pour le contrat à en informer l'autre. L'organisation de ce mécanisme est cependant laissée à la libre appréciation des parties... de même que la preuve que celui-ci a bien été mis en place.
C'est justement tout l'objet du préambule que de rassembler dans un seul et même endroit l'ensemble des informations partagées préalablement à la signature du contrat et de présenter les parties afin que le juge puisse évaluer leur capacité à apprécier finement les obligations contractuelles auxquelles elles ont souscrit. C'est donc au regard de ce que les parties auront librement déclaré que le juge, lorsqu'il doit apprécier la gravité de la faute éventuellement commise par un fournisseur, trouvera les éléments qui lui permettent de juger si celle-ci est une faute commise par une entreprise aux compétences générales (et qui peut donc ignorer certains détails) ou par une entreprise très spécialisée (et qui est donc supposée maîtriser les détails). Il en fera naturellement de même pour le client : la spécialité de celui-ci conduit à renforcer la validité des clauses limitatives de responsabilité.
Aussi, un préambule dans lequel le client se présente spontanément comme une entreprise " leader " sur un secteur, connaissant parfaitement son métier et ayant procédé à la consultation de différents entreprises (sans précision sur la spécialité de ces dernières) se révèle un piège pour l'entreprise cliente qui a ainsi démontré qu'elle avait parfaitement conscience des enjeux du contrat (et donc des conséquences d'une éventuelle inexécution) et des limites de compétence de ses prestataires ou fournisseurs. Il faut donc, en cette matière être plus renard que corbeau si l'on ne peut pas risquer de perdre son fromage.
En conclusion : soyez précis !
L'acheteur prudent veillera donc à se méfier des prestataires et fournisseurs brusquement modestes dans l'exposé de leurs qualités lorsqu'il faut établir le contrat final. Il faudra veiller à les interroger clairement sur le fait que les services qu'ils offrent répondent bien concrètement à la totalité des besoins exprimés, notamment par le biais d'une matrice de conformité de l'offre. Ce n'est qu'à la condition d'un tel travail de caractérisation de la qualité de service attendu, et donc de prévention des risques, que l'acheteur pourra sereinement accepter de libérer son fournisseur du poids d'une partie de sa responsabilité.
Maître Xavier Marchand est associé fondateur du cabinet d'avocats Carakters, cabinet d'affaires dédié à la gestion des projets de R&D technologiques et industriels.