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Transformer ses fournisseurs en partenaires

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Transformer ses fournisseurs en partenaires

Avec la reprise, certains fournisseurs atteignent les limites de leurs capacités de production et il arrive que les donneurs d'ordre ne soient pas livrés en temps et en heure. Aux acheteurs de trouver des solutions en travaillant main dans la main avec les fournisseurs.

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La reprise économique semble belle et bien là ! En tout cas, elle se fait ressentir au niveau de la fonction achats. Les acheteurs sont en effet moins attentifs à la réduction des coûts et davantage préoccupés par la sécurisation des approvisionnements. C'est ce que révélait notamment la

8e édition de l'étude annuelle AgileBuyer sur " Les tendances et les priorités des départements achats en 2018 " , réalisée en partenariat avec le Conseil national des achats (CNA). Ainsi, les objectifs de réduction des coûts, même s'ils sont toujours de 72 %, affichent une baisse de 10 points par rapport à 2017. C'est le plus bas niveau depuis 2013 et la première baisse après cinq ans d'augmentation. Parallèlement, 70 % des répondants déclarent que la continuité et la sécurisation des achats et des approvisionnements seront des préoccupations plus importantes en 2018 qu'en 2017.

Les entreprises sont en effet dans un objectif de production, pour répondre à la hausse de la demande qu'a engendrée la reprise. Et sont donc soucieuses des ruptures d'approvisionnement qui peuvent survenir. Mais si la préoccupation est réelle, les solutions ne sont pas toujours simples à trouver. Comment être livré en temps et en heure ? Comment se prémunir contre le risque qu'un fournisseur clé ne soit pas en capacité de livrer ? Comment réagir face aux capacités de production des fournisseurs qui atteignent leurs limites ? Des interrogations désormais récurrentes au sein des directions achat qui mettent la gestion des relations fournisseurs au centre de leurs priorités.

Aider ses fournisseurs à améliorer leurs capacités de production

Avec la reprise économique, la sécurisation des approvisionnements évolue. Non seulement elle devient de plus en plus importante, car les entreprises souhaitent produire davantage, mais elle change également de visage. " En période de bonne santé économique, ce n'est pas tant le risque de défaillance qui est à craindre que le risque de déficit de capacité. Les capacités de production des fournisseurs peuvent atteindre leurs limites et, en cas de tension, ceux-ci sont susceptibles de devoir lever le pied sur la qualité ou les délais " , observe Arnaud Salomon, directeur chez CKS Consulting. Les acheteurs doivent donc, en premier lieu, s'assurer que leurs fournisseurs sont bien en capacité d'honorer leurs commandes .

Pour cela, certains donneurs d'ordre délèguent des salariés pour vérifier, sur place, que les outils de production sont en mesure de produire ce qui a été commandé. Une vérification obligatoire pour sécuriser ses approvisionnements et ne pas se retrouver au pied du mur une fois que le fournisseur avouera ne pas pouvoir honorer son contrat. Et s'il est avéré que les capacités de production atteignent leurs limites, pourquoi ne pas aider ses fournisseurs à les améliorer ?

Florian Saucias, directeur chez Argon Consulting, invite à adopter une démarche de " supplier development " . " Il s'agit de les aider à monter en maturité ", explique-t-il. Cela peut passer par des conseils en organisation. Stéphane Crosnier, directeur exécutif d'Accenture Strategy en charge des activités supply chain et opérations, rapporte le cas d'un de leurs clients qui a demandé à Accenture d'aider ses fournisseurs de rang deux et trois à monter en puissance. " Nous devions regarder leurs lignes de production, leur planification... et apporter des conseils ", décrit-il. Il n'est pas forcément nécessaire de faire appel à un cabinet de conseil : les grands donneurs d'ordre possèdent en interne des ressources qui peuvent conseiller les petits fournisseurs sur la bonne organisation à adopter .

Cette aide des donneurs d'ordre peut également être financière. " Il faut accompagner le développement de ses fournisseurs en participant aux investissements qu'ils doivent mener. Par exemple, il est possible de les aider à obtenir des subventions en leur apportant la crédibilité d'un grand donneur d'ordre ", expose Isabelle Catry-Martin, directeur chez Sia Partners. On peut même aller plus loin et co-investir pour aider ses fournisseurs à se développer.


Lire la suite page 2 : Elaborer des plans de gestion des risques



Élaborer des plans de gestion des risques

Si le risque lié aux limites des capacités de production est un risque émergent, les directeurs achats ne doivent pas pour autant négliger les autres risques fournisseurs. Nous avons tous en tête les inondations en Thaïlande en 2011 qui avaient affecté de nombreuses grandes entreprises, les fournisseurs de leurs fournisseurs ne pouvant pas livrer les pièces nécessaires.

Au total, ce sont des centaines de millions d'euros de pertes qui ont été enregistrées. " La gestion des risques devient aussi importante que la gestion des coûts, estime Olivier Wajnsztok, directeur associé d'AgileBuyer . Les acheteurs sont de plus en plus souvent amenés à présenter des plans de gestion des risques des produits ". Mais comment prévoir de tels risques et comment réussir à continuer à être livré malgré tout ?

Pour Cédric Lenoire, consultant en risque d'entreprises chez FM Global, " le plus important n'est pas le risque en lui-même, mais les conséquences de ce risque et les solutions à mettre en place ". Il s'agit donc de bien connaître ses fournisseurs principaux et d'évaluer l'impact sur sa propre production d'un défaut de livraison de leur part. Mais attention à bien calculer cet impact ! " Un fournisseur ne générant pas de frais importants d'approvisionnement peut impacter une part importante du chiffre d'affaires de la société cliente si le risque de carence n'est pas correctement appréhendé ", pointe Cédric Lenoire. En effet, une petite pièce peu coûteuse peut être le point central d'une production. Pour évaluer ces impacts, des outils de simulation peuvent être utilisés. " Cela permet d'évaluer combien coûterait la rupture d'approvisionnement de la part de tel ou tel fournisseur, et de savoir si cela vaut le coup de mettre des solutions préventives en place ", explique Stéphane Crosnier.

Santé financière, e-réputation, ...

Une fois cette hiérarchisation des fournisseurs réalisée, il s'agit de se demander à quels risques les fournisseurs clés identifiés sont soumis. Différents outils permettent de se faire une idée des risques liés à une zone géographique : les évaluations pays de Coface ou l'indice de résilience de FM Global. Isabelle Catry-Martin conseille également de s'intéresser à la pénurie de matière première, au risque de change... La santé financière des entreprises est également importante à étudier, pour éviter tout risque de défaillance. Pour cela, des données financières sont facilement disponibles pour les entreprises françaises ; sinon, des audits peuvent être réalisés. La e-réputation, aussi, peut être intéressante à suivre. De nombreux risques doivent donc être suivis. " Il s'agit d'identifier les
bonnes données et de les analyser "
, recommande Isabelle Catry-Martin. Stéphane Crosnier conseille quant à lui d'avoir recours à des outils visuels afin d'identifier de manière rapide les risques associés à chaque fournisseur.

Bien sûr, " le niveau de risque doit être monitoré de façon régulière ", avertit Stéphane Crosnier. Un vrai travail d'analyse continue qui peut, dans un souci d'efficacité, être mené en partenariat avec les fournisseurs eux-mêmes. D'autant qu'il peut s'avérer intéressant d'avoir accès à des informations qu'eux seuls peuvent fournir : prévention des risques en place, présence ou non d'un plan de continuité d'activité, existence de deux sites capables de produire la même référence... Bien sûr, il est aussi possible de diversifier ses approvisionnements en ayant recours à davantage de fournisseurs. Et il existe également la solution de s'assurer contre ces risques fournisseurs. FM Global, par exemple, propose une police d'assurance qui prend en compte la complexité de la chaîne d'approvisionnement et assure la carence des fournisseurs de niveau 1, 2 et 3.

Lire la suite page 3 : Devenir le client préféré de ses fournisseurs


Devenir le client préféré de ses fournisseurs

Sécuriser ses approvisionnements, c'est également s'assurer d'être le client livré en priorité si un imprévu quelconque touche ses fournisseurs clés. L'étude d'AgileBuyer révèle d'ailleurs que près de 59 % des répondants affirment que leur entreprise ou leur organisation a mis en place des actions pour vendre leurs besoins à certains de leurs fournisseurs et leur donner (encore) plus envie de travailler avec eux.

Cela passe par différentes actions pour gagner la confiance de ses fournisseurs. " Il s'agit d'être un client fidèle, qui paie à l'heure et qui donne des plans de production fiables ", souligne Olivier Wajnsztok. Isabelle Catry-Martin conseille de définir des fournisseurs prioritaires avec qui partager les prévisions de production pour réserver des capacités. Laurent Leschi, directeur achats de Spie, rapporte essayer de mieux prévoir ses plans d'approvisionnement.

De la visibilité est effectivement appréciée, mais aussi de la transparence, notamment lors des appels d'offre. " Les pratiques d'achats participent fortement de l'attractivité d'un donneur d'ordre. Il faut évidemment soigner le processus de consultation en étant transparent sur les critères de sélection, en assurant un traitement équitable des fournisseurs et en valorisant leurs atouts concurrentiels ", recommande Arnaud Salomon. Cela permet également d'attirer les fournisseurs innovants qui n'acceptent pas de travailler avec des donneurs d'ordre dont les conditions d'attribution des marchés sont peu claires ou peu ouvertes à l'innovation.

La relation avec les fournisseurs se soigne également, à travers des rendez-vous réguliers, qui permettent de créer un climat de confiance. Chez Spie, par exemple, des réunions annuelles consacrées à l'innovation sont organisées avec l'ensemble des fournisseurs afin de découvrir les nouveaux produits. Le groupe est parfois aussi amené à augmenter la part de marché de ses bons fournisseurs, afin de les fidéliser. " Nous leur donnons de nouveaux marchés, de nouveaux pays, leur achetons de nouveaux produits ", précise Laurent Leshi. " La réputation des donneurs d'ordre se construit dans la durée. Les fournisseurs auront tendance à procéder à des arbitrages favorables aux clients qui n'ont pas abusé de leur position lorsque le rapport de forces entre l'offre et la demande était inversé ", avance Arnaud Salomon. Ainsi, il s'agit de soutenir ses fournisseurs clés lorsque ceux-ci se retrouvent en difficulté.

Bien plus que de passer des commandes

Bonne appréhension des risques, gestion de la relation fournisseurs... Gérer les approvisionnements est plus difficile qu'il n'y paraît. Florian Saucias regrette que la fonction approvisionnement soit encore peu considérée au sein des entreprises et confiée à des personnes peu qualifiées. " Même si les choses évoluent, il faut des personnes capables de connaître parfaitement les fournisseurs, pour être en mesure de les challenger, et d'avoir une bonne vision de la production, afin de gérer les ruptures. Ce ne sont pas juste des personnes qui passent des commandes ! ", pointe-t-il.

Les acheteurs doivent être mieux formés aux approvisionnements, à la gestion des risques qui ne sont pas simples à appréhender, visualiser et surtout analyser. Et surtout à la relation avec les fournisseurs, la négociation quittant petit à petit les coûts pour se focaliser sur la confiance, la fiabilité et la transparence. Les outils, également, doivent évoluer. " Aucun ERP n'est actuellement capable de dire quel impact réel sur la production aura tel ou tel retard de livraison. C'est une grosse lacune, un vrai axe de travail ", estime Florian Saucias.

Une chance pour les achats, qui peuvent se saisir de ces tensions concernant les approvisionnements pour prendre une autre place dans l'entreprise. " La qualité de notre relation fournisseurs est clairement mise à l'épreuve par nos clients internes. Le bon fonctionnement du binôme achats - supply chain est clé dans cette période. C'est le moment de démontrer que les acheteurs ne sont pas que des chasseurs de coûts ", conclut Karine Alquier-Caro, directrice des achats groupe de Legrand.

Lire la suite en page 4 : [Témoignage] "Créer une relation particulière avec nos fournisseurs" - Jean-Christophe Deville, directeur achats de Toyota Europe


"Créer une relation particulière avec nos fournisseurs" - Jean-Christophe Deville, directeur achats de Toyota Europe

Chez Toyota, la relation fournisseurs est au centre de toutes les attentions. "Nous cherchons à créer une relation particulière avec nos fournisseurs, qui ne soit pas uniquement commerciale", indique Jean-Christophe Deville, directeur achats de Toyota Europe. Nous sommes très fidèles à nos fournisseurs : s'il est très difficile de rentrer dans le panel, la relation dure une quarantaine d'années". Une fidélité qui se révèle payante : les fournisseurs inscrits dans une relation à long terme, n'hésitent pas à créer des usines et à investir dans l'innovation.

Mais cette relation "particulière" n'est pas due qu'à la qualité Toyota vis-à-vis de ses fournisseurs. Le constructeur automobile pratique également la co-innovation, développant de nouveaux produits en partenariat avec ses fournisseurs, analysant avec eux ce qui ne va pas pour trouver de nouvelles solutions, cherchant des pièces plus faciles à produire... "Nous valorisons également leur capacité d'innovation en faisant appel à une solution et non juste un appel commercial", ajoute Jean-Christophe Deville. L'innovation des fournisseurs est valorisée lors du "Supplier tech day", une sorte de foire technologique lors de laquelle les fournisseurs présentent leurs dernières innovations.

Cette relation de partenariat n'empêche pas Toyota de se soucier des risques fournisseurs. "Des salariés dédiés se rendent très régulièrement chez les fournisseurs afin de s'assurer que le démarrage de la production se déroule comme prévu, avec un outillage de qualité et du personnel bien formé, et ce dans un temps imparti. Et comme ils sont sur le terrain, ils peuvent avoir vent d'agitations sociales ou de possibles risques naturels", rapporte Jean-Christophe Deville. Concernant le domaine financier, la relation de confiance qu'a su instaurer Toyota permet aux fournisseurs de partager de mauvaises nouvelles sans crainte. D'autant plus qu'un sous-traitant qui va mal ne sera pas abandonné. "Nous cherchons des solutions ensemble. Cela nous permet de nous assurer que des situations difficiles ne nous sont pas dissimulées", explique Jean-Christophe Deville. Ce qui a permis au constructeur d'éviter à plusieurs reprises des ruptures d'approvisionnement : un fournisseur en redressement judiciaire a continué à produire uniquement pour Toyota tandis qu'un autre, touché par le tsunami de Fukushima, a redémarré une usine pour le constructeur en priorité. "Nos fournisseurs trouvent des façons de nous aider, car ils ont confiance en nous. Nous faisons ce que nous promettons et nous ne promettons pas la lune", indique Jean-Christophe Deville.

Si les fournisseurs de Toyota sont enclins à aider le constructeur, c'est peut-être aussi parce que l'aide est réciproque. Toyota n'hésite pas à apporter des conseils pour que les usines tournent mieux. Par ailleurs, à travers son association Team (Toyota european association of manufacture), le constructeur organise chaque mois pour des fournisseurs non concurrents la visite de l'un de ses sous-traitants afin de mettre en exergue les bonnes pratiques. "Et nous documentons tout cela en publiant des fascicules sur différents sujets comme "Comment changer un outillage rapidement?" ou encore "Comment gagner de la place?". Il s'agit d'apporter des méthodes très concrètes pour améliorer les fondamentaux des fournisseurs", décrit Jean-Christophe Deville.


 
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