Les achats enfin data driven ?
Sous la pression conjuguée des coûts, des exigences réglementaires et de la pénurie de ressources, la fonction achats opère une mue accélérée. Automatiser, fiabiliser, piloter par la donnée : la digitalisation du processus achats devient un levier central d'efficience et de résilience. Décryptage.

En automatisant l'ensemble la chaîne de valeur, du sourcing au paiement, les achats repensent leurs modèles d'organisation et de pilotage. Une transformation qui s'accélère sous la pression des coûts toujours, du manque de ressources aussi et des exigences croissantes de mise en conformité qui nécessitent de faire remonter de la donnée. Ce faisant, 70% des directions achats déclarent que l'augmentation des budgets digitalisation est corrélée aux évolutions réglementaires selon la quatrième édition du DPS (digital procurement success) réalisé par le CNA (Conseil national des achats).
Une digitalisation devenue prioritaire dans un contexte sous tension
La digitalisation des achats est passée du statut de projet technique à celui d'enjeu stratégique. Dit autrement, cette même digitalisation devient le levier qui permet d'industrialiser les bonnes pratiques et d'assurer une continuité dans l'exécution achats, y compris dans un environnement dégradé. Un tiers des directions achats affirme effectivement que leur budget dédié est insuffisant tandis que, dans le même temps, six directions achats sur dix automatisent la collecte de données pour produire des rapports attendus. Chiffres qui attestent de cette volonté de faire bouger les lignes malgré des moyens contraints (sources : 4e édition du DPS, 2024, CNA).
Les entreprises basculent progressivement vers une approche de plus en plus data driven de leurs achats. Selon une étude de Deloitte (Global CPO Survey), 64 % des organisations ayant amorcé une transformation digitale l'ont fait via la mise en place d'une plateforme S2P. Ces outils, portés par des acteurs comme Coupa, Ivalua, Jaggaer ou SAP Ariba, permettent d'unifier les processus du sourcing jusqu'à la facturation. Les gains opérationnels attendus sont multiples tels que l'accélération du cycle achat, la réduction des erreurs administratives, la visibilité en temps réel sur les dépenses, et une meilleure mise en conformité réglementaire. Sur ce dernier sujet d'ailleurs, « la priorité des entreprises françaises à l'horizon 2026 reste la mise en conformité avec la facturation électronique imposée par le gouvernement. » hiérarchise Catherine Dupuy-Holdich, Procure-to-Pay Product Manager chez Esker.
La gestion de la relation fournisseur (SRM), socle de l'intelligence collaborative
En parallèle, la digitalisation du Supplier Relationship Management (SRM) permet une gestion proactive de la relation fournisseur. Elle favorise un pilotage en continu de la performance, des risques, de l'innovation et de la conformité. Des tableaux de bord dynamiques permettent de classer les fournisseurs selon des indicateurs financiers, logistiques et extra-financiers. Certaines plateformes proposent des fonctions de co-innovation, d'enquêtes de satisfaction ou encore de plan d'amélioration partagé. Le dernier segment de la chaîne, du bon de commande à la facture, est, quant à lui, un terrain d'automatisation massif. La digitalisation du processus de facturation vise à accélérer les paiements tout en renforçant le contrôle. Les solutions P2P les plus avancées intègrent des modules de "self-billing", des validations automatisées en ligne et des portails fournisseurs pour suivre l'état des paiements. Cela réduit les litiges, par l'automatisation du rapprochement de facture, fluidifie la trésorerie et améliore la relation fournisseur. Côté solutions de paiement, les entreprises explorent des outils de paiement numérique (comme Trustpair, Tipalti ou Kyriba) pour fiabiliser les données bancaires, lutter contre la fraude et automatiser les virements fournisseurs. Certaines plateformes proposent même des options de financement anticipé (Supply Chain Finance) pour soutenir les fournisseurs stratégiques sans impacter le BFR. Catherine Dupuy-Holdich résume : « La digitalisation du Source-to-Pay et Procure-to-Pay permet de rationaliser, fiabiliser et accélérer le traitement des factures fournisseurs, tout en offrant une transparence totale. »
De la collecte à un système nerveux du pilotage fournisseur
Premier paint point de la digitalisation des achats selon Manuel Roger, Ex-directeur achats du groupe Adecco, et désormais DG Europe de SpenHQ ? « Un constat est largement partagé dans les directions achats de grands groupes. La donnée achats est morcelée, cloisonnée, difficilement exploitable. Versions multiples d'ERP, entités dispersées, outils SaaS pour différentes catégories d'achat ... Les directions achats font face à une véritable jungle informationnelle. Tout l'enjeu est donc de parvenir à réunifier cette donnée dans un référentiel unique, de la catégoriser intelligemment et d'en extraire des pistes concrètes d'optimisation. »
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Autre challenge du pilotage du cycle fournisseur, celui du pilotage de sa supply chain compte tenu de la complexité croissante des chaînes d'approvisionnement. Parmi les points douloureux régulièrement remontés par les directions achats, le manque de ressources internes, l'empilement des obligations réglementaires et l'éparpillement ou le silotage de la donnée demeurent les achoppements majeurs. « Un effort doit être mené pour mutualiser les évaluations, automatiser la collecte de documents, surtout fluidifier la collaboration avec les autres métiers de la compliance, de la finance ou la DSI », constate Emmanuel Poidevin, fondateur d'Approval.
Ce rapprochement des métiers lors de ces projets de transformation peut augurer aussi d'une meilleure performance globale de l'entreprise qui passe par une relation étroite de la direction administrative et financière et de la direction achats : « La corrélation entre digitalisation des factures et gestion de trésorerie ouvre la voie à une anticipation fine des paiements et à l'optimisation du cashflow », met en perspective Catherine Dupuy-Holdich.
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