Sourcing industriel : Quelles tendances et conditions pour réussir un sourcing efficace ?
Quelles sont les motivations qui guident les directions achats dans leur stratégie de sourcing? Quels sont les freins et les contraintes auxquels elles sont confrontées? Et comment composer avec ces éléments pour apporter plus de valeur ajoutée à l'entreprise ?
Je m'abonneDans le cadre des "Petit-déjeuner Procurement" organisés régulièrement par Meotec Lyon, David Brechet, directeur de régions de Meotec à Lyon, a réuni une dizaine d'acheteurs le 9 janvier pour partager les points de vue et les retours d'expérience sur un sujet quotidien et au centre des préoccupations des services achats : le sourcing fournisseurs.
En amont, le groupe a étudié les motivations qui guident "toute direction achats" dans ses stratégies de sourcing. Et d'estimer qu'elle est "en général guidée par une ou plusieurs des six motivations suivantes" :
- Sécurité : ne prendre aucun risque, assurer ses approvisionnements en choisissant un fournisseur dont la fiabilité est très élevée
- Orgueil : flatter son ego en contractant avec un fournisseur prestigieux
- Nouveauté : introduire un nouveau fournisseur ou favoriser la collaboration avec des fournisseurs qui apportent une / des innovations
- Confort : rester en terrain connu, ne pas perturber les habitudes
- Argent : donner la priorité à la meilleure offre financière
- Sympathie : favoriser la collaboration d'un fournisseur parce que la relation avec le commercial, le dirigeant...fait la différence
Certaines motivations, ont établi les participants, sont rationnelles (sécurité, argent...), mais d'autres "sont plus irrationnelles (orgueil, sympathie...)". Pour Cyrille Renaud, manager achats international du groupe Haulotte, "la localisation d'une usine est un facteur qui influence largement le choix de ses fournisseurs (être à proximité limite les coûts logistiques et les risques d'approvisionnement)". De même la capacité d'innovation, le respect des règles et des normes (environnementales, sécuritaires) guident les choix.
Enfin, les directions achats sont de plus en plus attentives à la capacité de production ("mon fournisseur a-t-il la disponibilité pour assurer les quantités voulues dans les temps négociés ?"). Il va de soi que les critères s'adaptent en fonction de la typologie d'achat. Les contraintes diffèrent bien entendu : pour des produits standards / maîtrisés, la logique impose une approche de réduction de coûts (acheter moins cher) ; pour des achats stratégiques, plus ponctuels ou encore non récurrents, la logique impose plutôt la recherche d'une valeur ajoutée (acheter moins ou mieux).
La valeur ajoutée des achats
"La première valeur ajoutée évidente est de participer, le plus en amont possible, à la définition du besoin", souligne David Brechet. "Cela permettra de challenger les opérationnels sur leurs vrais besoins et non pas de se contenter par facilité d'expressions de solutions techniques déjà identifiées chez tel ou tel fournisseur. Ainsi, la direction achats s'assurera de trouver les meilleurs couples produits (ou services) / fournisseurs, et de ce fait un meilleur pilotage des coûts."
Gilles Berut, directeur des achats de Lab, précise que "20 à 30% de son panel fournisseurs change chaque année. Ainsi, apporter des nouveautés, introduire des innovations ou simplement chercher un fournisseur mieux placé (coût, localisation, services proposés en plus...) est une autre valeur ajoutée évidente. Cela nécessite de bien conduire le changement vis-à-vis des clients internes et des clients finaux. La remise en cause des habitudes fait avancer l'entreprise quand elle est vertueuse." Enfin, les acheteurs contribuent activement à la sécurisation des approvisionnements par une gestion des risques efficace : exiger une bonne définition des besoins en amont, contractualiser, mettre en place des indicateurs de performance...
Lire la suite en page 2 : Freins / contraintes - Enfin, que penser de l'achat local ?
Freins /contraintes
Changer de fournisseurs, introduire une nouveauté, pousser les clients internes à penser leurs besoins autrement... les directions achats contribuent à la valeur ajoutée mais non sans mal et pas sans freins. Le groupe recense:
- Des freins internes : la peur du changement ou bien le manque de temps consacré à une expression de besoins détaillée et de qualité;
- Des freins externes : le client final impose son sourcing ou du moins précise ses interdictions;
- Des freins capacitaires : le fournisseur n'a pas la disponibilité technique pour fournir les quantités souhaitées. Les entreprises n'ont malheureusement pas assez investi dans leurs outils de production, comme le déplore Cyrille Renaud du groupe Haulotte. Sans compter qu'avec la reprise économique, les carnets de commandes en France - et notamment en Rhône Alpes - sont pleins et les délais d'approvisionnement s'allongent.
- Les obligations de trouver des fournisseurs locaux (problématique de compensation) imposées par le donneur d'ordre.
Lire aussi : Gigafactories: épineux vice versa industriel
Enfin, que penser de l'achat local ?
Il n'y pas de règles si ce n'est une qui prévaut : l'obligation pour les achats de résoudre l'équation "le meilleur produit et le meilleur acteur possible au bon endroit". L'idée directrice est toujours d'optimiser la valeur ajoutée pour l'entreprise. "Acheter localement n'est pas une fin en soi mais il ne faut pas négliger ce qu'un acteur de proximité peut apporter en termes de flexibilité, d'agilité...", comme le dit Emilie Genin, responsable achats hors production d'Elkem, "une PME locale pourra apporter naturellement des services et des souplesses (horaires d'intervention, support, suivi, conseil en plus...) sans qu'il soit nécessaire de le contractualiser".
Enfin, Thierry Quentin, directeur des achats du groupe Electricfil, rappelle la responsabilité sociétale de l'entreprise et des achats en particulier en favorisant aussi les PME locales.
Participants au onzième petit-déjeuner procurement par Meotec
De gauche à droite sur la photo:
- Thierry Quentin, directeur des achats du groupe Electricfil
- Gilles Berut, directeur des achats de Lab, groupe CNIM
- Laurent Thiebaut, responsable achats Fives Intralogistics
- Vanessa Le Maux, directrice des achats Vinci Facilities
- Jean Michel Meunier, consultant indépendant achats
- Cyrille Renaud, manager achats international groupe Haulotte
- Geoffroy Gencel, ingénieur d'affaires Meotec
- Emmanuel Segui, responsable achats Mobility (groupe Vinci)
- Emilie Genin, responsable achats hors production d'Elkem Silicones.