Les achats se détachent (un peu) de la réduction de coûts
L'étude "Tendances et priorités des départements achats" démontre que la performance achats est de moins en moins évaluée en fonction des économies réalisées. Ce qui permet aux acheteurs de se concentrer sur d'autres leviers pour créer d'avantage de valeur.
Je m'abonne"Seules" 68% des directions achats interrogées dans le cadre de l'étude "Tendances et priorités des départements achats en 2020" menée par AgileBuyer et le CNA, admettent que" la réduction des coûts est un objectif prioritaire". C'est le résultat le plus bas observé depuis 10 ans (la première édition de l'étude est sortie en 2011), soit 10 ans. C'est aussi 7 points de moins qu'en 2019. "Désormais, les achats sont attendus sur autre chose que la réduction des coûts. Le contexte économique mais aussi un nouveau positionnement des achats sur la création de valeur dans l'entreprise peuvent expliquer cette tendance", commente Olivier Wajnsztok, directeur associé de AgileBuyer et grand chef d'orchestre de cette étude.
A noter, la réduction des coûts est toujours plus importante dans le secteur privé que dans le secteur public (69% contre 64%).
Les secteurs les plus concernés par la réduction des coûts sont ceux de l'industrie. Que ce soit l'automobile (à 87%), la mécanique-métallurgie (à 82%) ou l'industrie lourde (à 81%). Le secteur du services-conseil arrive en 4e position avec 72% des réponses. Il effectue une remontée spectaculaire dans le classement où il occupait la dernière place en 2019 avec 44% des réponses. C'est un basculement au dépend du secteur de la communication qui occupait la 2e place en 2019, avec 86% des réponses et chute à la dernière place en 2020 avec 20% des réponses. L'année 2019 a été marquée fortement par une importante réduction des coûts dans le secteur de la communication et des médias avec la vente de nombreux titres de presse par Lagardère et Mondadori à Czech Media Invest et Reworld Media.
Une performance achats de moins en moins évaluée en fonction des économies réalisées
C'est un fait notable : selon 55% des directions achats, la performance des achats est évaluée en fonction des économies réalisées (soit 5 points de moins qu'en 2019 où le résultat était de 60%). De même, leur contribution au cash grimpe d'un point (7% en 2020 contre 6% en 2019) et leur contribution au chiffre d'affaires de 1% (11% en 2020 contre 10% en 2019). "Des résultats encourageants qui soulignent que la fonction achats prend une place de plus en plus stratégique au sein de l'entreprise", souligne Olivier Wajnsztok.
"Le métier d'acheteur a beaucoup changé", commente Roque Carmona, Group Chief Procurement Officer chez Thales. "Le rôle de l'acheteur commence aujourd'hui à la création de la demande et non plus à la création de la commande. L'acheteur a un rôle primordial dans la définition de la politique produit ou dans l'établissement des offres aux clients."
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Une réduction des coûts en majorité de 5 à 10%
Si la réduction des coûts n'est plus une des priorités, 48% des directions achats avouent néanmoins avoir un objectif de réduction des coûts (entre 5 à 10%) et 45% l'évaluent à moins de 5%. Les répondants qui n'auront aucun objectif de réduction des coûts en 2020 sont principalement issus des secteurs de l'immobilier, BTP, de la banque/finance/assurances, ainsi que de la conso/distribution. "Nous constatons que ce sont les secteurs de l'aéronautique - défense (12%), de la banque - finance- assurances (12%) et des services (10%) qui ont un objectif de réduction de coûts équivalent ou supérieur à 10%. Ce sont des secteurs en plein bouleversement de leurs modèles en raison du digital dans un monde économique ultra-compétitif. Dans le domaine de la banque-finance-assurances, les taux d'intérêt bas peuvent expliquer également cette tendance", commente Olivier Wajnsztok.
L'art de la négociation, mais pas uniquement
Les méthodes principalement employées pour réduire les coûts sont la négociation à 63%, l'ajustement des spécifications/la revue des besoins à 57% et le changement de fournisseurs à 48%. Des sujets comme l'analyse de la valeur ou le TCO arrivent en 5e et 6e position, avec respectivement 35% et 33% des réponses. Étonnamment le co-développement/l'intégration des fournisseurs ou l'innovation ne recueillent que 25% et 23% des réponses. "Malgré la "timidité" de ces derniers chiffres, cela démontre la montée en puissance de certains axes de travail notamment dans la gestion de la relation fournisseurs", pointe Olivier Wajnsztok. Si la négociation n'est plus l'unique moyen de réduire ses coûts, les sujets annexes de l'innovation, du make or buy, ou du co-développement fournisseurs font désormais partie du langage courant des achats.
"En 2020, le service de l'achat, de l'innovation et de la logistique du ministère de l'intérieur, récemment créé, se dotera d'une équipe d'analystes de la valeur", explique Jean Bouverot, chef du service de l'achat, de l'innovation et de la logistique du ministère de l'intérieur. "Son objectif est d'être en mesure de renforcer l'approche fonctionnelle de ses cahiers des charges."
Des bonus de moins en moins liés aux gains achats
Dans l'évaluation de la performance achats par l'entreprise à travers les bonus dont bénéficient les directions achats, on peut noter un changement par rapport à 2019. Ainsi, en 2020, 18% des directions achats perçoivent des bonus sur des critères qui n'incluent pas les gains achats (contre 15% en 2019 soit une hausse de 3 points). Un résultat qui se recoupe avec les 3% des directions achats qui reçoivent des bonus uniquement sur les économies réalisées (contre 5% en 2019). Cette tendance à ne plus se focaliser sur les économies réalisées par les acheteurs, même si les résultats sont encore "timides", témoigne d'un changement de perception de la fonction achat au sein de l'entreprise qui n'est plus là que pour réduire les coûts. Une image de cost killer qui s'efface au profit de celle d'un créateur de valeur.
Plus la fonction est élevée dans la hiérarchie, plus les bonus sont décorrélés des gains achats. Ainsi, 43% des directeurs achats avouent que leur bonus n'est pas lié uniquement aux gains achats mais résulte d'autres critères. Il faut comparer ce résultat avec celui des acheteurs qui admettent à 43% que leur bonus est lié uniquement aux gains achats. Globalement l'évolution des compétences exigées sur ce métier, se traduit par une plus grande diversité des critères d'évaluation de la performance.
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La collaboration fournisseurs, première compétence recherchée chez les acheteurs
A la question, quelle(s) compétence(s) achats souhaitez-vous développer dans vos équipes, la collaboration fournisseurs est citée en tête avec 36% des réponses. Suivie par le leadership (à 35%) et le management de projet (à 33%). La négociation n'arrive qu'en 4e position avec 32% des réponses, suivie de près par l'innovation (22%) et le digital (22%). Aujourd'hui, les directions achats misent de plus en plus sur les softskills de leurs équipes. Les sujets traités demandent de plus en plus de gestion de projet afin d'associer des compétences achats très différentes: IT, digitale, finance, marketing ou RH... l'acheteur devient peu à peu un acteur d'optimisation de toutes ces composantes.
"La collaboration fournisseur est un levier puissant, si la confiance réciproque avec le partenaire est établie", commente Karine Alquier-Caro, directrice des achats Groupe de Legrand. "Mais pour ceci ; les compétences comportementales en particulier l'écoute, de leadership et capacité à coordonner des projets, sont devenues indispensables chez les acheteurs (euses)."
Lire tous les sujets traités dans le cadre de cette enquête:
Les grandes priorités des services achats en 2020
"Made In France" ou pays à bas coût : les achats à l'heure du choix
Les relations donneurs d'ordre-fournisseurs se rééquilibrent
La fonction achats accélère sa digitalisation
Les achats durables, une vraie préoccupation... mais pas une priorité
Les achats côté RH : une grande satisfaction et quelques désagréments