[Avis d'expert] Pilotage fournisseurs : pourquoi et comment le faire ?
La confiance entre un acheteur et son fournisseur se construit au fil de l'exécution du marché. Il reste cependant difficile de juger de la qualité d'un fournisseur sans un véritable suivi : pour assurer sa performance il est donc important de mettre en place un processus de pilotage.
Je m'abonneDans le cadre d'une relation acheteur-fournisseur il est rare que tout se passe comme prévu et de nombreux aléas peuvent venir perturber la bonne réalisation des tâches confiées au fournisseur. L'exécution du contrat doit être suivie et analysée pour minimiser les risques et atteindre ses objectifs en termes de qualité, coûts et délais. En cela, le pilotage fournisseurs est un élément clé de la réussite de la relation, au même titre que le pilotage d'un projet.
Dans les faits, en quoi cela consiste-t-il ?
Le pilotage fournisseurs : qu'est-ce que c'est ?
On désigne par "pilotage fournisseurs", la gestion de la relation avec son fournisseur. Pour faire simple, il s'agit de mettre en place un suivi pour comparer le réalisé avec le prévisionnel, disposer d'indicateurs communs qui représenteront une base de discussions mais aussi de mettre en place des actions correctives lorsque l'écart est trop important.
Il ne s'agit pas là de défiance envers le fournisseur mais bien d'assurer une relation équitable et conforme à ce qui a été convenu.
Par le suivi mis en place, il est aisé de disposer de suffisamment d'informations pour évaluer le fournisseur et remonter les points bloquants afin de les corriger. On peut alors aisément mesurer la performance du fournisseur et établir (ou pas) une relation de confiance sur une base solide et tangible.
Le pilotage fournisseurs : comment le mettre en place ?
Idéalement, le pilotage fournisseurs doit être convenu avant l'exécution d'un contrat et ses modalités discutées avant sa signature. Cependant, lorsqu'il s'agit d'un ancien fournisseur (par exemple, un contrat à durée indéterminée), il est important d'en discuter et de convenir par avenant des différents points liés à la mise en place du pilotage à venir. Pour toute renégociation ou nouvelle négociation, voici les étapes clés de la mise en oeuvre du pilotage fournisseurs.
Définir les SLA attendus et les KPI du contrat
Il est important dès la réalisation du cahier des charges de se poser les bonnes questions. Quels sont les objectifs attendus du fournisseur ? Quels sont les points clés mesurables pour assurer la réussite des objectifs ?
Ces données permettent de définir les KPI ou indicateurs de performance. Suivant le secteur d'activité et les exigences attendues du fournisseur, ces indicateurs sont très différents d'un contrat à un autre. Dans le cas d'un fournisseur de marchandises, on peut, par exemple, mesurer un taux de service ou un délai de livraison ; pour un prestataire de services, on peut mesurer un nombre de passages ou d'heures effectuées. Il n'y a pas de restrictions au nombre d'indicateurs de performance à mettre en place tant que cela ne devient pas trop chronophage à mesurer et à analyser.
Suite à cela, il faut définir un seuil d'acceptabilité, c'est-à-dire le seuil en-deçà duquel le fournisseur ne répond plus aux exigences attendues. Le seuil doit être réaliste et prendre en compte les difficultés et aléas que peuvent rencontrer les fournisseurs, tout en garantissant un degré de satisfaction suffisant des objectifs. Ainsi un seuil à 100% ou 99% peut-être contesté par le fournisseur. C'est pourquoi ces seuils doivent être discutés et convenus d'un commun accord.
Lire la suite en page 2: Appliquer des pénalités / Mettre en place des processus de suivi et de contrôle / Organiser des rencontres fournisseurs
Appliquer des pénalités
Dans certaines situations, le pilotage du fournisseur peut donner lieu à des pénalités, voire à une sortie de contrat lorsque des clauses ont été négociées en ce sens dans votre contrat.
Les modalités devront être ainsi négociées avant la conclusion du contrat : Quand sont-elles appliquées ? Sur quelle base de calcul ? Quels sont les éléments considérés comme un manquement ? Quel est le seuil minimal ou maximal du montant des pénalités ?
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Attention toutefois, depuis la réforme du droit des contrats (Ordonnance du 10 février 2016), les pénalités en BtoB sont désormais libératoires, c'est-à-dire que leur paiement libère le prestataire de toute autre forme de compensation. Il faut donc veiller, avant d'exiger une pénalité, qu'il n'est pas préférable de demander d'autre compensation par voie judiciaire.
Mettre en place des processus de suivi et de contrôle
Une fois les indicateurs de performance et seuils d'acceptabilité convenus et validés avec le fournisseur, il faut les suivre : les mesurer et les analyser à une fréquence suffisante pour qu'ils soient représentatifs de la réalité. Il est ainsi important de mettre en place des processus d'évaluation contradictoire. En présence systématique d'un représentant des deux parties, faire signer un avis de passage lors d'une intervention pour mesurer le nombre de passages ou un bon de livraison indiquant la quantité reçue et la quantité attendue pour mesurer le taux de service de la livraison, mettre en place des contrôles qualités reprenant les différents points attendus du cahier des charges. Ce processus de contrôle peut être réalisé par les équipes internes et il sera possible de mettre en place des outils de pilotage dans un second temps, mais lorsque les moyens humains ne sont pas suffisants il peut être convenu qu'il soit réalisé par le prestataire. Charge à lui d'établir alors un reporting régulier de ces contrôles.
Organiser des rencontres fournisseurs
L'analyse du reporting fournisseur, des pénalités appliquées ou des différents éléments récoltés en interne permettent d'évaluer le fournisseur et d'identifier les non-conformités. Cette analyse sert de base de discussion lors des rencontres fournisseurs convenues au préalable à une fréquence à minima annuelle. Ces rencontres fournisseurs sont l'occasion de remonter les points bloquants et chercher ensemble des solutions à mettre en place pour pallier les problèmes rencontrés.
Ces rencontres peuvent sembler superflues lorsque les indicateurs sont au vert, mais elles restent importantes pour remonter également les points forts et définir d'éventuels plans d'amélioration. Elles viennent dans ces cas-là renforcer la relation déjà pérenne et la transformer en véritable partenariat durable.
A contrario, la fréquence de ces rencontres peut être renforcée si les problèmes rencontrés sont nombreux.
Bien plus qu'un simple suivi ponctué d'évaluations, le pilotage fournisseur est un véritable outil d'identification des prestataires à conserver mais surtout des prestataires dont il faut absolument se débarrasser. Son intégration en interne ne doit pas être chronophage, en revanche elle peut nécessiter de mettre en place de nouveaux processus. Il faudra idéalement accompagner leur mise en place par une conduite du changement pour pouvoir en apprécier durablement les bienfaits.
Par Sarah Belaabidia, Enabling Procurement
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