Recherche
Mag Décision Achats
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

Développement durable : les clauses vertes s'imposent dans les marchés publics

Publié par le - mis à jour à
Développement durable : les clauses vertes s'imposent dans les marchés publics

La loi "Climat et Résilience" du 22 août 2021 rend obligatoires les clauses environnementales dans les marchés publics, à horizon 2026. Alors, dès à présent, comment les intégrer pour verdir la commande publique ?

Je m'abonne
  • Imprimer

Dans le jardin des acheteurs publics, les clauses vertes sont en pleine croissance. Cela s'inscrit dans un contexte général de lois axées sur le développement durable et l'environnement : loi Egalim sur la restauration collective, RE2020, ... En rendant obligatoires les clauses vertes en 2026, l'article 35 de la loi "Climat et Résilience" a accéléré leur maturation. Celui-ci précise en effet que les spécifications techniques "prennent en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale" (article L. 2111-2 du code de la commande publique). Les acheteurs publics devront donc les intégrer dès la phase de définition du besoin. L'article 35 introduit également l'obligation de retenir au moins un critère d'attribution prenant en compte les caractéristiques environnementales de l'offre (article L. 2152-7). "C'est le nerf de la guerre, commente maître Evangelia Karamitrou, avocat associé chez Landot & associés. Les critères doivent être précis, liés à l'objet du marché, et non généraux et liés à l'entreprise. Mais ils ne doivent pas restreindre la concurrence." Les acheteurs publics devront également prendre en compte l'environnement dans les conditions d'exécution du marché (article L. 2112-2). "Cette obligation d'insertion de clauses vertes va dans le bon sens, estime Gildas Renard, chef de projet pilotage de la politique d'achat à la Région Bretagne. Elle vient consacrer un mouvement déjà bien en place. Nous avons passé le cap de la sensibilisation et sommes maintenant dans la mise en oeuvre."

Clauses vertes : où en est-on ?

Les dispositions de l'article 35 de la loi "Climat et Résilience" entreront en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 22 août 2026. A cette date, 100% des marchés publics devront intégrer une clause environnementale. Un objectif ambitieux au vu de la situation actuelle. En effet, l'Observatoire économique de la commande publique indique qu'en 2020 seulement 21,7% des marchés publics de l'Etat et du secteur hospitalier avaient intégré une clause environnementale. Pour les collectivités territoriales, le pourcentage n'est même que de 12,6 %. Cinq ans ne seront donc pas de trop pour généraliser les clauses vertes.

Prenons le cas de la région Bretagne. Dans son schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER) de 2018, elle s'était fixée un objectif de 30% de marchés intégrant une clause environnementale en 2020. Elle devra l'augmenter significativement dans le nouveau SPASER qu'elle définira cette année. L'enjeu est de taille puisque les marchés publics de la région représentent chaque année 250 millions d'euros HT. "Il ne faut pas attendre la rédaction du contrat pour penser à une clause environnementale, explique Gildas Renard. Celle-ci doit s'inscrire dans le cycle de l'achat, doit ressortir de la réflexion sur les besoins." Certains marchés publics de construction de lycées de la Région Bretagne comprennent déjà une clause exigeant un pourcentage d'éco-matériaux. "Ce pourcentage, 20% par exemple, est un niveau minimum, précise Gildas Renard. Pour encourager les entreprises à faire mieux, nous pouvons en faire un critère d'attribution. Un travail de liaison continue avec les fournisseurs est nécessaire. Il permet de bien connaître le marché, la capacité de l'offre à répondre à une clause que l'on définit."

Un clausier environnemental en ligne

Quelle clause environnementale intégrer à son marché ? Pour la définir, les acheteurs peuvent s'appuyer sur un outil comme La Clause Verte. Ce clausier en ligne a été lancé en novembre 2020 par CD2E, une association basée dans les Hauts-de-France et spécialisée dans l'éco-transition. Il met à disposition des acheteurs publics des clauses relatives à différents segments d'achats et thématiques à fort enjeu environnemental : énergies renouvelables, éco-conception, gestion des déchets... Chacune des clauses est accompagnée par des commentaires qui en précisent les raisons, les points de vigilance et les articulations avec d'autres clauses.

Pour chaque clause, le site propose aussi des liens vers des types d'achat complémentaires et des ressources. "La difficulté de ces clauses vertes réside dans la nécessité de partir du technique pour aller au juridique, explique Michaël Surelle, responsable achat public durable chez CD2E. Il est bien sûr plus difficile de rédiger une clause verte pour un marché de services assurés par un psychologue que pour un marché de travaux."

Dans La Clause Verte, vous trouverez également l'indication du document de marché public à laquelle la clause est destinée : CCTP (cahier des clauses techniques particulières), CCAP (cahier des clauses administratives particulières) ou règlement de la consultation (RC). Cet outil semble rencontrer son public puisque le site laclauseverte.fr avait déjà reçu 20 000 visites fin 2021. Il est actuellement alimenté par plus de vingt contributeurs, un chiffre qui devrait augmenter puisque tous les acheteurs publics sont susceptibles de partager leur expérience sur ce site. Mais au-delà de cet outil, quelles autres pistes pour trouver la bonne clause ? "Prenez le temps de faire du benchmark, collaborez avec les réseaux d'acheteurs responsables, conseille Michaël Surelle. Expérimentez les clauses et retenez celles qui fonctionnent. Focalisez-vous sur les actions où vous aurez le plus d'impact. Et n'oubliez pas de valoriser votre travail pour que d'autres acteurs puissent s'en inspirer."

Du sur-mesure et des clauses adaptées

Les avocats spécialisés en marchés publics vous délivrent aussi leurs conseils. "Le but n'est pas d'avoir le plus de clauses environnementales possible. Des documents plus courts sont mieux compris et plus lus par les candidats, rappelle Louis le Foyer de Costil, avocat en droit public. S'il est utile de s'inspirer du travail des clausiers, il faut faire du sur mesure, rédiger des clauses bien adaptées à son contrat." Maître Karamitrou conseille par ailleurs de définir des pénalités pour faire respecter les clauses environnementales : "Elles doivent êtres dissuasives mais pas démesurées, et fixées au cas par cas." Se pose aussi la question du contrôle de l'exécution des clauses environnementales, gage de leur efficacité. "Beaucoup d'acheteurs élaborent un critère développement durable pour la passation du marché mais ne le contrôlent pas au stade de l'exécution", constate Louis le Foyer de Costil.

Précisons enfin que la loi "Climat et Résilience" ne s'est pas limitée aux clauses environnementales en matière de commande publique. Son article 35 renforce les SPASER instaurés par la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire. Obligatoires pour les collectivités territoriales dont le montant total annuel des achats est supérieur à 100 millions d'euros HT, ils devront comporter "des indicateurs précis" à compter du 1er janvier 2023. La loi "Climat et Résilience" introduit en outre la possibilité d'exclure un candidat soumis à l'obligation d'établir un plan de vigilance et qui ne la satisfait pas (article 35 insérant l'article L. 2141-7-1 dans le code de la commande publique). Le même article énonce une nouvelle mission parfaitement illustrée par les clauses vertes : "la commande publique participe à l'atteinte des objectifs de développement durable".

"Nous avons la loi pour nous : osons verdir la commande publique."

Laurent Lequilliec, chef du service prospective et performance des achats chez M

"Auparavant le critère environnemental ressemblait un peu à "L'Ecole des fans" : tout le monde avait 10 ! Aujourd'hui, nous demandons aux candidats des éléments, des arguments, du factuel. Le critère ne doit plus être global mais s'appuyer sur le cahier des charges, être plus précis, plus opérant. Ce qui nécessite une connaissance du terrain, des opérateurs économiques, et donc un sourcing pour les interroger, savoir ce qu'ils savent faire. Il est par ailleurs important de se donner les moyens de contrôler les conditions d'exécution du marché. Désormais, presque tous nos marchés ont un critère et une clause d'exécution environnementaux. Dès la publication de la loi "Climat et Résilience", nous avons créé un clausier vert métropolitain avec des exemples de clauses qui fonctionnent. Nous avons également contribué à l'outil en ligne "La Clause Verte" en partageant notre critère "Performance en matière de protection de l'environnement" et notre clause "Schéma d'organisation et de gestion des déchets", typique des marchés de travaux."

 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

La rédaction vous recommande

Retour haut de page