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Et si vous collaboriez avec les commerciaux de vos fournisseurs ?

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Et si vous collaboriez avec les commerciaux de vos fournisseurs ?

La collaboration client/fournisseur est un sujet dont on parle depuis longtemps mais qui reste souvent un voeu pieux. Et si cela passait par une meilleure relation entre les acheteurs des donneurs d'ordres et les commerciaux des prestataires ? Un partenariat réellement intéressant, mais qui exige éco

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Le sujet de la collaboration entre fournisseurs et donneurs d'ordres n'est pas nouveau. Mais il revient sur le devant de la scène en cette période mouvementée : une meilleure collaboration avec les fournisseurs permettrait aux donneurs d'ordres de mieux gérer leurs risques d'approvisionnement tandis que les sous-traitants, qui ont une relation privilégiée avec leurs clients, pourraient accéder à des paiements anticipés. Au-delà de la crise, créer un véritable partenariat avec ses fournisseurs permet de faire de la co-innovation et donc de rendre son entreprise plus performante. Les deux parties ont tout intérêt à mettre en place un véritable partenariat pour que les échanges soient plus fructueux. Et cela passe par une meilleure collaboration entre les acheteurs et les commerciaux. Ce qui n'est pas sans difficulté.

Ouvrez la porte aux commerciaux !

Premier écueil : une méconnaissance mutuelle.

Carole Poillerat

"Les directions commerciales et les directions achats se connaissent mal. Le vocabulaire est différent, les challenges aussi", pointe Carole Poillerat, présidente fondatrice de Comsense, et qui propose aux commerciaux une formation sur les acheteurs, forte de son expérience dans les deux métiers. Et d'ajouter: "Les acheteurs ne sont pas toujours ouverts à la collaboration, ni à la coconstruction avec les commerciaux. Cela vient du fait que les KPI fixés par la direction générale ne prennent pas toujours en compte la dimension innovation et développement fournisseur".

Jean-Marc Reynaud

Jean-Marc Reynaud, créateur du logiciel Fox Close (solution dédiée au closing d'opportunités commerciales), constate, lui, que les acheteurs ont dressé des barrières pour ne pas être sans cesse dérangés. "Malgré les contraintes actuelles de la crise sanitaire liée à la Covid, les acheteurs doivent faire preuve d'ouverture d'esprit et ne pas travailler tout le temps avec les mêmes fournisseurs", insiste-t-il.

Si les commerciaux ont pu adopter des pratiques "agressives" il y a une vingtaine d'années, ils ont bien évolué depuis. "L'acheteur a une vision un peu raccourcie du commercial, même si elle est en train d'évoluer grâce aux changements qui s'opèrent dans la façon de faire du business. Mais l'acheteur continue à penser que la position des commerciaux au sein des entreprises est plus enviable que la sienne", observe Fabrice Ménelot, président de Crop and co.

Il est donc temps de changer de posture, de comprendre réellement le métier de commercial. Et surtout de leur laisser leur chance, de les écouter : de bonnes idées peuvent émerger d'échanges noués avec les équipes commerciales.

Fabrice Ménelot

"Avec les commerciaux, les acheteurs doivent sortir de la simple négociation et oser demander ce que le prestataire peut apporter d'autre, plutôt que de toujours parler des mêmes produits et services. Peut-être que le commercial a plein de bonnes idées à apporter", avance Fabrice Ménelot.

Les commerciaux peuvent en effet apporter beaucoup aux acheteurs pour peu qu'on leur ouvre la porte. "Le commercial peut aider l'acheteur dans son travail de vente en interne. Il peut notamment coopérer sur la préparation des présentations pour vendre le projet au client interne", avance Carole Poillerat. Laquelle pense aussi que de meilleurs échanges entre les acheteurs et les commerciaux permettront à la direction achats de mieux remplir sa mission de médiateur entre le client interne et le prestataire."L'acheteur a la responsabilité d'arbitrer entre le client interne et le fournisseur pour que la relation soit fluide, il doit faciliter la communication", insiste Carole Poillerat qui donne l'exemple d'un fournisseur ne livrant pas à temps. "Peut-être a-t-il juste été mal informé ? Il y a souvent une responsabilité partagée dans une collaboration qui ne fonctionne pas", juge-t-elle.

Construire une relation de confiance

Ces constats établis, comment faire ? Comment mieux collaborer avec les commerciaux ? La confiance revient souvent dans les discours des experts interrogés : c'est en effet un élément nécessaire à toute bonne collaboration. Mais comme le fait valoir Sandra Cheriti, experte en management de l'innovation, responsable de différents programmes chez Thésame Innovation, "la confiance ne se décrète pas mais s'acquiert au cours des années". Et d'expliquer : "Il faut du temps pour construire une relation de confiance. Cela passe par un comportement irréprochable durant de longues années, basé sur la clarté et la transparence". Pour Sandra Cheriti, il faut non seulement se dire les choses (les bonnes comme les mauvaises) mais aussi se voir régulièrement, même en dehors des relations commerciales, pourquoi pas lors de formations ou de séminaires communs.

Le mieux est d'aménager son agenda de façon à pouvoir passer du temps avec les acheteurs. Hugues Poissonnier, professeur associé au sein de Grenoble École de Management, incite à préférer les points réguliers aux longues réunions formelles. "On peut simplement prendre le temps d'appeler son fournisseur pour savoir comment il va. Il s'agit de remettre de l'humain dans la relation, de sortir des process", préconise-t-il.

Mais ce temps passé avec les commerciaux de ses fournisseurs doit être du temps de qualité : comme le souligne Hugues Poissonnier, il s'agit de savoir écouter afin de bien comprendre les besoins de son interlocuteur.

Hugues Poissonnier

"Il faut faire preuve de compétences relationnelles et émotionnelles, se former aux techniques de la communication non violente", précise-t-il. Cela permettra de mieux comprendre leurs problématiques mais aussi de mieux exposer les siennes. "Quand un acheteur s'adresse à un commercial en lui demandant de faire des efforts comme baisser les prix, fournir quelque chose d'innovant ou encore sortir de sa zone de confort, il s'agit de lui expliquer pourquoi de tels efforts sont demandés et surtout de donner des contreparties. Les efforts doivent aller dans les deux sens. Ces contreparties ne doivent pas seulement être financières mais s'adapter aux besoins de son fournisseur, de ses attentes. Cela peut par exemple consister à donner davantage de visibilité sur la charge à venir", pointe Hugues Poissonnier.

Il souligne que les fournisseurs attendent aujourd'hui de leurs clients qu'ils leur tendent la main, afin de passer la crise actuelle ensemble. "Cela passe, par exemple, par un lissage des achats, le strict respect des délais de paiement, voire un paiement anticipé... et pas nécessairement payer plus : il faut identifier les formes diverses que prennent les attentes de son fournisseur", ajoute-t-il. Une identification qui ne peut se faire que si on questionne son fournisseur et qu'on l'écoute réellement.

Lire la suite en page 2 de cet article : Structurer la démarche / Focus - De la relation interpersonnelle à la relation interorganisationnelle - Et en page 3 de cet article: Témoignage - "C'est du donnant-donnant" - Patrice Celerier, responsable organisation et performance achats du groupe Schmidt


Structurer la démarche

Et cela est d'autant plus important avec les petites structures. Concernant les start-up, par exemple, Raphaël Belliere-Lottier, directeur général adjoint en charge des achats, du digital et de l'innovation chez Meotec, conseille aux donneurs d'ordres d'adapter leurs dispositifs. "Travailler avec une start-up peut créer de réelles opportunités. Or, il faut savoir capter ces opportunités pour pouvoir cocréer ou disposer d'avantages concurrentiels sur la base d'un dispositif de pilotage de la relation différentié", estime-t-il.

Quelle que soit la taille de l'entreprise prestataire, il invite à structurer la démarche de collaboration avec les fournisseurs afin de la rendre plus efficiente : procéder à l'identification des partenaires stratégiques, déterminer les alignements stratégiques et les complémentarités, nommer un supplier account manager, trouver un sponsor au niveau du Top Management, adopter un SRM (Supplier Relationship Management), etc.

Raphael Bellière

"Il est nécessaire que les deux parties aient envie de travailler ensemble sur la base d'un alignement stratégique. Ensuite, les analyses de complémentarité et l'identification des axes de développement ont lieu grâce à une communication régulière et transparente. La transparence est la clé du dispositif", précise-t-il. Cette transparence passe par un discours clair. "Il faut par exemple expliquer, lorsque le fournisseur n'est pas le seul, que l'entreprise pratique du multisourcing. Il faut aussi expliquer quand des réductions de coût vont être demandées, etc. Il n'est pas nécessaire d'adopter une transparence complète mais s'assurer que tout est dit, de sorte que la relation perdure", recommande Sandra Cheriti. Et ce, sans malentendu, quiproquo ou encore sentiment de trahison.

Et pour que le discours soit le plus transparent possible, une bonne cohésion interne est indispensable. "Il est important que le fonctionnement ne soit pas en silos pour que tout le monde dise la même chose. Une bonne collaboration entre acheteurs et commerciaux nécessite déjà une bonne collaboration interne", met en garde Sandra Cheriti. Il s'agit donc de se structurer en interne, de structurer la démarche et surtout de se lancer, de passer du temps avec les commerciaux. Un beau partenariat, durable et fructueux se trouve au bout du chemin.

Focus - De la relation interpersonnelle à la relation interorganisationnelle

Quand les acheteurs ont noué une relation durable avec les commerciaux, il est important de s'assurer que cette entente n'est pas uniquement interpersonnelle. "La relation doit pouvoir se poursuivre au-delà des personnes, des individus, notamment lorsque ces personnes quittent l'entreprise. C'est encore plus vrai dans des projets d'innovation qui demandent un temps long. Au-delà de relations interindividuelles, ce sont des relations interorganisationnelles stables et pérennes qu'il s'agit de mettre en place", exhorte Hugues Poissonnier, professeur associé au sein de Grenoble École de Management.

Il s'agit donc d'étendre la relation privilégiée qui peut exister entre deux personnes à d'autres collaborateurs de l'entreprise, en présentant des collègues par exemple. "Une bonne relation ne doit pas être gardée pour soi mais être au contraire partagée avec ses collègues", note-t-il. D'autant plus qu'un même commercial peut adresser divers sujets, qui ne sont pas forcément traités par le même acheteur au sein de l'entreprise.

Lire la suite en page 3 de cet article: Témoignage - "C'est du donnant-donnant" - Patrice Celerier, responsable organisation et performance achats du groupe Schmidt


Témoignage - "C'est du donnant-donnant"

Patrice Celerier

Patrice Celerier, responsable organisation et performance achats du groupe Schmidt

"On peut penser qu'un acheteur et un vendeur ont des intérêts divergents dans le sens où leur rôle est de faire bénéficier à leurs entreprises respectives les meilleures conditions dans le cadre de négociations. Or, ce n'est pas le cas", déclare Patrice Celerier, responsable organisation et performance achats du groupe Schmidt. Pour lui, les commerciaux sont avant tout des partenaires potentiels avec lesquels une coopération fructueuse permet de servir les intérêts du groupe mais aussi ceux du consommateur final. "Cette relation avec les équipes commerciales est pour nous importante parce qu'elle engage nos différentes marques en termes de qualité, que ce soit des produits mais aussi des prestations telles que le service après-vente. Cette relation engage au final la responsabilité de nos marques", explique-t-il.

Si cette relation acheteurs/commerciaux est importante, comment l'entretenir ? "C'est un peu comme une relation de couple. Chacun doit y trouver un intérêt et, surtout, chacun a des attentes, qui peuvent évoluer. Il s'agit donc de faire preuve de transparence et de dialoguer", conseille Patrice Celerier. Ce qui passe par le partage d'informations en capacité à rassurer son interlocuteur. "Nous donnons beaucoup de visibilité, par exemple, sur nos projets à 10 ans en termes d'investissements, de marchés sur lesquels nous souhaitons nous positionner. Nous partageons également nos attentes afin qu'ils soient en capacité d'y répondre". Parallèlement, Patrice Celerier attend de ses partenaires commerciaux qu'ils le rassurent sur leurs capacités à respecter leurs engagements d'approvisionnement, même lors de périodes difficiles. "C'est du donnant-donnant : on les rassure en leur apportant de la visibilité mais on sait aussi qu'on peut compter sur eux", résume-t-il.

Très peu de turn-over chez les fournisseurs

Autre élément important : travailler sur la durée avec ses partenaires. "Il y a très peu de turn-over chez nos fournisseurs de matières premières. Nous n'en changeons jamais par simple opportunité", rapporte Patrice Celerier.

Pendant le premier confinement, les acheteurs de matières premières avaient des contacts quotidiens avec leurs fournisseurs. "Un simple coup de fil, pour savoir comment ça allait. Au déconfinement, nous nous sommes souciés de leur capacité à repartir. Par exemple, certains ont partagé avec nous leurs difficultés à se fournir en masques : comment peut-on le savoir si on ne pose pas la question ? Cela sert bien sûr à sécuriser nos approvisionnements mais aussi à garder contact", raconte Patrice Celerier.

Le groupe Schnmidt a également aidé certains de ses fournisseurs à s'équiper eux-mêmes, en s'engageant auprès de leurs propres prestataires. Une relation qui a permis au groupe d'assurer ses commandes clients lorsque la reprise de l'activité s'est fortement accrue.

 
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