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"Nous devons passer d'un pilotage juridique à un pilotage économique" (Franck Barrailler, INPI)

Publié par Anne-Sophie David le | Mis à jour le
'Nous devons passer d'un pilotage juridique à un pilotage économique' (Franck Barrailler, INPI)

Franck Barrailler pilote la fonction achats à l'INPI depuis janvier 2014. Recruté suite à la mise en place d'un "contrat d'objectifs et de performance" au sein de l'INPI, sa mission consiste à introduire des obligations et objectifs pour les achats afin de maîtriser les dépenses.

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Quelle était votre mission lorsque vous avez intégré l'INPI en janvier 2014 ?

J'ai été recruté car le directeur général de l'INPI lui-même souhaitait que soient intégrés des objectifs chiffrés et précis pour les achats afin que les dépenses soient correctement maîtrisées. Le fait que cette volonté émane directement du directeur général est assez rare pour être souligné. Il souhaitait que les choses changent car les marchés publics étaient perçus comme quelque chose de très juridique. L'idée du "Contrat d'objectifs et de performance 2013 / 2016" était donc de faire en sorte que les achats deviennent une donnée stratégique et non plus strictement ­financière, pour passer d'un pilotage juridique à un pilotage économique.

Qu'avez-vous mis en place pour structurer le service achats ?

La première chose a été de sortir le pôle marchés publics du service financier, puis de créer un service achats dans la direction administration / finances. Nous avons conservé le champ des juristes, à savoir les mises en concurrence, les contrats ainsi que les attributions / notifications, le suivi d'exécution. Nous avons également rationalisé les tâches afin de rajouter de nouvelles activités clés pour la fonction achats : l'analyse du besoin, l'historique contractuelle, la négociation et le sourcing.

Dès le mois de janvier 2014, nous avons commencé à tout structurer

Nous avons ensuite mis en place la politique achats, structurée autour de cinq axes (signée en septembre 2014), et en décembre, nous avons finalisé la cartographie des achats que nous avons bâtie en nous inspirant des méthodes du privé (ABC fournisseurs). Nous avons internalisé cette démarche afin qu'il n'y ait pas de déperdition de compétences. Nous avons également fait une matrice de Kraljic pour mettre en évidence les services, produits, travaux qui étaient stratégiques, un travail qui nous a permis d'avoir nos familles et segments d'achats. Toujours en 2014, nous avons également élaboré et publié plusieurs méthodologies : négociation, sourcing, étude du besoin. Avant 2014, il y avait très peu de négociation lors de procédures adaptées. Fin 2014, la méthode mise en place a permis de dégager 1,6 million de gains.

Quelles interactions entre les juristes et les acheteurs ?

Le service achats travaille aujourd'hui avec toutes les directions de l'INPI et couvre neuf grandes familles d'achats (51 segments d'achats). Notre taux de couverture est proche de 90 %.

Le service s'est renforcé avec l'arrivée d'une acheteuse issue du privé, un acte volontaire pour un mélange de cultures bénéfique afin de faire grandir la fonction achat.

Comme nous ne souhaitions pas mettre en place de binôme juriste /acheteur pour des raisons évidentes de déperdition et de coûts, notre postulat de départ était de dire que les juristes en place allaient évoluer naturellement vers la fonction d'acheteur, et que cette acheteuse - qui avait certes moins de connaissance en marchés publics - allait pouvoir se nourrir de leur expérience pour évoluer.

Quelle est votre approche en termes de relations fournisseurs ?

Nous avons souhaité organiser une première convention fournisseurs dès le mois de juin 2015 afin de réunir nos partenaires stratégiques. Environ 10 % d'entre eux le sont, soit 80. Nous avons présenté nos missions, nos objectifs et, via différents ateliers, ils ont pu nous poser leurs questions, relatives le plus souvent à l'analyse des offres, à la sous-traitance, à l'accord-cadre et au paiement.

Notre problématique est d'attirer les meilleurs. Pour cela, nous devons nous aussi être les meilleurs et surtout exemplaires, notamment en matière de délais de paiement (37 jours en moyenne). Par ailleurs, notre processus est fiable, transparent, clair, car nous sommes certifiés ISO 9001.

Nous avons mis en place en 2014 puis en 2015 une évaluation de tous nos fournisseurs stratégiques. Chaque fin d'année, les acheteurs vont voir les prescripteurs qui pilotent des fournisseurs stratégiques afin qu'ils répondent à un questionnaire simple qui nous permet ensuite de pointer d'éventuelles difficultés en termes de coût, de qualité ou de délais, ainsi que de santé financière.

Nous avons également décidé que tous les sous-traitants de l'INPI seraient déclarés car si la réglementation est claire, peu d'éta­blis­sements publics déclarent la totalité de leurs sous-traitants.

La suite de l'interview en page 2

Qu'attendez-vous du nouveau code des marchés publics prévu pour avril 2016 ?

Je pense que le code des marchés est une formidable boîte à outils qui permet d'acheter mieux. Ce n'est pas un problème, c'est la solution. On peut négocier, la pratique du sourcing est inscrite dans le futur code, peu de choses sur l'analyse des offres y figurent ce qui nous laisse quelque latitude, nous pouvons introduire des critères RSE ou éléments relatifs aux PME, etc.

Le code nous donne donc beaucoup de clés, à nous ensuite de bien l'utiliser

En 2014, et dans l'optique de cette nouvelle version à venir, nous avons beaucoup travaillé sur la négociation pour être fin prêts. Nous ne voulions pas envisager la négociation avec un "simple" objectif de prix car nous souhaitions que les prescripteurs y trouvent un intérêt en rencontrant les prestataires.

Nous oeuvrons donc pour "vendre" en interne le fait que la négociation ce n'est pas du "cost killing", mais la possibilité pour le prescripteur de se mettre d'accord avec les fournisseurs potentiels et de s'assurer qu'ils aient bien saisi le cahier des charges pour signer en toute connaissance de cause. Nous montrons ainsi aux prescripteurs que nous pouvons être des "business partners" en leur apportant une vraie valeur ajoutée. Jusqu'en 2015, j'estimais que la valeur ajoutée d'un service achats s'arrêtait à la notification d'un marché. Depuis 2015 et en raison d'une augmentation des sujets stratégiques à l'INPI, nous nous sommes rendu compte que c'était au service achats d'accompagner à la fois les prescripteurs et les fournisseurs pour être de véritables "business partners", voire des "business drivers".

Concernant l'analyse TCO, nous allons développer l'approche cette année car les acheteurs y sont déjà sensibilisés

Ils ont d'ailleurs été formés à partir de 2014 aux "nouvelles activités" via des formations interentreprises et des séances de coaching avec un consultant en face à face.

Le directeur général de l'INPI a également souhaité que tous les prescripteurs suivent des formations sur les activités sensibles, notamment la négociation et la définition du besoin.

En termes de politique RSE et comme l'INPI est avancé sur le sujet, nous demandons dans nos marchés l'état de maturité des fournisseurs en la matière, afin qu'ils puissent s'aligner rapidement sur notre stratégie. En 2016, nous voulons aller plus loin en incluant des clauses RSE avec des impacts réels dans les cahiers des charges pour que cette dimension RSE ne soit pas uniquement présente au niveau des critères de jugement des offres.

Qu'avez-vous entrepris pour simplifier les procédures ?

Depuis 2014, nous avons mené quinze chantiers de simplification des procédures à l'INPI. Nous avons par exemple supprimé la commission d'appel d'offres le 1er novembre 2015 car en tant qu'organisme d'État nous n'avons plus d'obligation depuis 2006. Nous avons également supprimé l'exigence de demander trois devis en dessous de 25 000 euros. Nous attendons beaucoup du code, notamment pour la simplification de la partie contractuelle.

Comment voyez-vous la fonction d'acheteur public demain ?

Il est nécessaire que la fonction achats soit reconnue et que le métier d'acheteur le soit aussi au niveau de l'État et des collectivités. À partir de 2014, tous les agents du service achats ont été rebaptisés "acheteurs" et nous oeuvrons avec la DRH pour que le métier d'acheteur grandisse au sein de l'INPI.

Les acheteurs publics sont, selon moi, des acheteurs comme les autres. Ils ont pour boîte à outils un code des marchés publics, ils ont des méthodes et des compétences. Mais il est aujourd'hui plus qu'urgent que s'opère une vraie révolution culturelle pour que les choses changent vraiment.

 
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