Karité : l'embargo du Nigéria pour valoriser sa filière
Le Nigéria frappe un grand coup dans la filière karité en suspendant pendant six mois l'exportation de noix brutes pour favoriser la transformation locale et capter plus de valeur ajoutée. Le pays espère dynamiser son industrie et multiplier par dix ses revenus d'ici 2027.

Le karité, matière première essentielle dans de nombreux produits cosmétiques et alimentaires, est au coeur d'une transformation économique dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest. Le Nigéria, premier producteur mondial de noix de karité, vient de décréter un embargo de six mois sur l'exportation de cette matière brute. Une décision qui s'inscrit dans un mouvement plus large observé en Afrique de l'OUest, où plusieurs pays limitent ou interdisent l'exportation de la noix de karité pour privilégier la transformation locale. Ce changement vise à capter une plus grande part de la valeur ajoutée dans le secteur, en créant des emplois locaux et en développant une industrie de transformation puissante.
Les enjeux d'une transformation locale
Bien que le Nigéria soit responsable de 40% de la production mondiale de noix de karité, le pays ne capte qu'une fraction des bénéfices liés à la vente des produits dérivés, tels que le beurre et l'huile de karité. Dans les faits, le marché mondial des dérivés de karité pèse environ 6,5 milliards de dollars, mais le Nigéria n'en perçoit que 1%. Une grande partie du problème réside dans l'exportation de la noix brute vers les pays voisins, combinée à un commerce non régulé des produits sur les marchés internationaux. Le pays cherche donc à inverser cette tendance en concentrant ses efforts sur la transformation locale. Le vice-président nigérian, Kashim Shettima, a affirmé que l'objectif est de faire passer le Nigéria d'un simple exportateur de noix brutes à un acteur majeur de la vente de produits transformés à base de karité, comme le beurre, l'huile et la stéarine. Un tel virage permettrait de créer des emplois durables, notamment pour les femmes, qui jouent un rôle clé dans la collecte de noix.
L'Afrique de l'Ouest face à une compétition accrue
Le Nigéria n'est pas le seul pays à avoir pris cette décision. D'autres acteurs majeurs de l'exportation de karité en Afrique de l'Ouest, tels que le Burkina Faso, le Mali, le Togo, la Côte d'Ivoire et le Ghana, ont déjà restreint ou interdit l'exportation de la noix brute ces dernières années. La dynamique est révélatrice d'un désir croissant d'augmenter la part de valeur ajoutée captée au niveau local. Le Nigéria, avec ses vastes ressources de karité sauvage (plus de cinq millions d'hectares), se positionne ainsi pour dominer cette filière et devenir le leader mondial de la transformation du karité, un secteur encore sous-exploité.
En parallèle, des discussions sont en cours avec le Brésil pour établir un accès préférentiel aux marchés de produits dérivés de karité, un partenariat stratégique qui pourrait booster la compétitivité de l'industrie nigériane. L'embargo est fixé à six mois. Le gouvernement ambitionne de multiplier par dix les revenus générés par le karité d'ici 2027.
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