La fonction achats, nouvelle cheffe d'orchestre de l'innovation ?
Dans un monde en plein bouleversement, se démarquer par l'innovation devient toujours plus stratégique. La coordination de forces vives variées à l'intérieur comme à l'extérieur de l'entreprise est à l'origine d'une forte dynamique créative au centre de laquelle les acheteurs jouent un rôle décisif.
Je m'abonne"Innover, c'est exister dans la durée." C'est par ces mots que Bernard Monnier, président de l'association MIM (Monnier Innovation Matrix), a résumé ses propos lors d'un webinaire organisé le 4 juin dernier par le groupe Achats et Avenir de l'université Versailles Saint-Quentin-En-Yvelines. Si cette citation convainc aisément, encore faut-il adopter une démarche constructive, en phase avec son temps, pour mettre les projets innovants sur les rails. "C'est là que l'innovation ouverte joue dorénavant un rôle clé. Il ne s'agit simplement de confier mission à la caste de la R&D, mais de s'inscrire dans une dynamique bien plus générale impliquant des interlocuteurs très variés, et dans laquelle la fonction achats occupent une place centrale", poursuit-il.
Alors que les unités de R&D sont davantage appelés à se tourner vers des startups, des laboratoires ou d'autres acteurs extérieurs, l'acheteur devient un collaborateur qui invite à se tourner vers des offres constructives, de rupture, synonymes de produit à forte valeur ajoutée, loin de l'étiquette de cost-killer qui lui collait encore à la peau il y a quelques années. Bernard Monnier prône d'ailleurs l'émergence d'une nouvelle fonction : " le gestionnaire de partenariats stratégiques ", dont l'un des rôles est de favoriser l'élaboration de contrats gagnant-gagnant avec les partenaires "dans le but de passer d'une innovation incrémentale à une innovation de rupture, en proposant des nouveautés qui, indépendamment du prix, sont réellement synonyme de création de valeur."
Ce type de démarche semble se généraliser dans les organisations. "Chez PSA que nous avons accompagné il y a quelques années, le système start-and-stop a été une innovation résultante d'une relation partenariale étroite avec l'industrie Valeo qui en est le créateur. Les Achats au sein du célèbre constructeur automobile PSA ont joué un rôle central dans cette acquisition", illustre Laurent Laffite, Technical Manager chez Procemo, cabinet de conseil spécialiste des achats en entreprises.
Il cite également l'exemple d'Allianz, où la décision a été prise de mettre autour d'une même table des profils variés tels que acheteurs, contrôleurs de gestion, marketers, dans le but de mener une réflexion globale, au-delà de la simple formule d'assurance : "l'idée était de se demander si le client n'a pas des attentes différentes que le simple fait de cumuler des offres d'assurance portant indépendamment sur la voiture, la moto ; la trottinette... C'est ainsi qu'est né un contrat d'assurance global mobilités."
Une évolution des profils recherchés
En tant que professionnels ayant aussi bien la vision du besoin que celle du marché, les acheteurs aspirent à se retrouver en première ligne dans les démarches d'innovation. De nouvelles compétences sont ainsi convoitées par les directions achats. Les responsables qualité fournisseurs ou les managers de la relation fournisseurs constituent des fonctions en pleine croissance. Une mutation qui se dessine dans un contexte où la guerre des talents fait rage : début 2020, le taux de chômage des cadres n'était que de 3,8 %.
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"En matière de hard skills, on s'attarde plus particulièrement sur les profils dotés d'une connaissance d'un portefeuille précis de services, ou d'une zone géographique donnée. Les doubles compétences séduisent également, notamment les collaborateurs ayant déjà travaillé dans un bureau d'études ou titulaires d'un diplôme d'ingénieurs", explique Charles Germain, p-dg du cabinet Lynkus.
Pour ce qui est des soft skills, la capacité à travailler en transverse, la curiosité, les qualités humaines sont plus que jamais au coeur des attentes. "A l'inverse, les recruteurs doivent aussi savoir que les jeunes collaborateurs manifestent assez fortement de nouvelles exigences comme une ambiance de travail qui leur convient, la vision sociétale globale de l'entreprise. Ils n'hésitent pas à se renseigner sur des réseaux sociaux ou des plateformes innovantes dans le recrutement comme Welcome To The Jungle", ajoute-t-il.