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[Tribune] L'incertitude aux achats, fatalité ou opportunité ?

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[Tribune] L'incertitude aux achats, fatalité ou opportunité ?

Il n'est pas nécessaire de devenir des devins ou des experts de la statistique. La première action est de mesurer l'incertitude. Ce n'est pas aussi difficile qu'il peut paraître. L'historique et un peu d'intuition peuvent aider.

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En tant que professionnels des achats, nous prenons chaque jour des décisions sur la base de données entachées d'incertitudes. Nous ne savons pas ce que nos clients vont effectivement commander, nous subissons des variations de prix marché imprévisibles, nous ne sommes jamais certains à 100 % de la fiabilité de livraison de nos fournisseurs. Et pourtant, nos vendeurs font des cotations fermes auprès de nos clients, nous investissons dans des outillages, nous prenons des engagements auprès de fournisseurs. Nous signons des contrats qui précisément engagent des volumes, verrouillent des prix et présupposent des conditions de disponibilité de la matière alors que chacun de ces trois éléments est incertain. Le plus surprenant est que, par habitude, nous agissons comme si cette incertitude était un état de fait pour lequel nous ne pouvons pas grand-chose, alors que les conséquences peuvent être dramatiques : impact sur le revenu, sur les coûts ou tout simplement en temps perdu à gérer des urgences.

Il n'est pas nécessaire de devenir un devin

Combien d'entre nous ont un service marketing qui fournit des prévisions de ventes avec un intervalle de confiance par produit, revues tous les mois et faisant l'objet de discussions lors des sessions de S&OP ? Qui d'entre nous reçoit des chiffres non biaisés, autrement dit avec 50 % de chances d'être au-dessus et autant d'être en dessous de la courbe ? Combien de systèmes MRP peuvent effectivement traiter des prévisions avec leur distribution de probabilité ? Et pourtant, l'imprécision de ces données n'est pas une fatalité. Les "risk managers" nous diront que, pour chaque incertitude, il existe des risques mais aussi des opportunités.

Avant tout, il faut croire qu'il est possible de "faire quelque chose". Il n'est pas nécessaire de devenir des devins ou des experts de la statistique. La première action est de mesurer l'incertitude. Ce n'est pas aussi difficile qu'il peut paraître. L'historique et un peu d'intuition peuvent aider. Dans tous les cas, même approximative, la mesure sera meilleure que de ne rien faire du tout. La deuxième action est de segmenter la zone d'incertitude et la troisième est de prendre des décisions différenciées pour chacun de ces segments. Prenons le cas de l'imprécision des prévisions de la demande. Elle se traduit pour l'acheteur en besoin de flexibilité. La coutume est de "pousser" la contrainte sur le fournisseur. À lui d'identifier les moyens d'équilibrer sa charge et sa capacité de manière à ne pas être mis en défaut de livraison. Mais, nous le savons, la flexibilité a un coût qui, ne soyons pas naïfs, nous est répercuté d'une façon ou d'une autre.

Lire la suite en page 2 : Identifier une zone de confiance et Une approche analogue peut être pratiquée pour adresser la volatilité des coûts des matières et l'incertitude de leur disponibilité


Identifier une zone de confiance

Une mesure de la distribution de probabilité permet d'identifier une zone de confiance, par exemple de 80 % entre les 10e et 90e percentiles. Nous pouvons ainsi différencier trois scénarios : "min", "max" et "médian", et affecter des zones... Pourquoi pas trois, et élaborer des contrats structurés par zone. La première, en dessous du "min", désigne des volumes dotés d'une probabilité supérieure à 90 %.

Nous pouvons considérer qu'un engagement ferme d'achats à hauteur du "min" est raisonnable. Cette promesse ferme est le plus souvent extrêmement bienvenue pour le fournisseur. Il peut la mettre à profit : engager des investissements, obtenir des prêts, rassurer ses investisseurs... mais aussi concéder certains avantages concurrentiels à son client bienveillant, une remise par exemple. La zone centrale entre le "min" et le "max" peut faire l'objet d'un traitement différent, voire d'un sourcing différent. Enfin, la zone supérieure désigne des volumes peu probables (moins de 10 %) ; il peut être acceptable de l'ignorer ou de prévoir des scénarios d'approvisionnement avec un surcoût.

Une approche analogue peut être pratiquée pour adresser la volatilité des coûts des matières et l'incertitude de leur disponibilité

Si élaborer des contrats structurés rajoute une certaine complexité, l'expérience nous a prouvé que celle-ci se justifie très bien sur des pièces chères ou dites stratégiques et qu'elle est très largement compensée par des gains substantiels en termes d'assurance de livraison, de flexibilité et de réduction de prix unitaire moyen. Le principe de base appliqué ici n'est autre que de déplacer le risque là où sa gestion coûte le moins cher... une autre opportunité pour les achats de créer de la valeur.


Par Patrick Scholler, associé du cabinet Synapscore. Il a déployé ses méthodes pendant plus de huit ans sur tous types de catégories d'achats.


 
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