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[Tribune] Développer la collaboration client-fournisseur sur les marchés des dispositifs médicaux : vers une démarche MedAccred européenne?

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[Tribune] Développer la collaboration client-fournisseur sur les marchés des dispositifs médicaux : vers une démarche MedAccred européenne?

Le secteur du Dispositif Medical (DM) est en forte croissance et la pression réglementaire continue d'augmenter. Les entreprises ont besoin de se structurer pour s'adapter à ces contraintes, et la gestion des fournisseurs et des partenaires externes est clé dans cette course à l'efficacité globale.

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Depuis bien longtemps, les "donneurs d'ordre" ont travaillé à améliorer la maîtrise de leurs fournisseurs. Au-delà des simples négociations commerciales, plusieurs secteurs aux fortes exigences, comme l'aéronautique, l'automobile ou le médical, ont eu besoin de mettre sous contrôle les process de leurs sous-traitants afin de sécuriser la pérennité de leurs activités industrielles et commerciale, mais aussi de protéger leur image. Ces 20 dernières années, chaque secteur a développé ses propres référentiels, essentiellement basés sur l'ISO9001 mais ajoutant des spécificités liées à leur marché. La pratique de l'audit s'est alors fortement développée et a même donné naissance à un véritable "nouveau métier", ni acheteur ni technicien, celui d'auditeur.

Cet outil a cependant trop souvent été considéré comme un simple outil de vérification de la conformité à un référentiel, et donc comme une fin en soi pour les donneurs d'ordre et une contrainte pour les fournisseurs qui redoutaient l'examen de passage. La fonction est donc encore traditionnellement rattachée le plus souvent à la Qualité ou au réglementaire pour les DM.

Bien au contraire, nous pensons que les audits doivent être abordés comme un véritable outil de progrès, pour le bénéfice mutuel des parties. Les achats ont tout à gagner à participer aux cycles d'audit de leurs fournisseurs, et ainsi alimenter un plan de développement fournisseur. Nous souhaitons dans cette optique souligner quelques clés pour tirer tous les bénéfices d'un audit réussi.

Les clés d'un audit gagnant-gagnant

La Motivation : Le client doit inciter le fournisseur à donner le meilleur de lui-même, en toute transparence. De plus en plus, les savoir-faire sont mieux maîtrisés par les fournisseurs que les donneurs d'ordre, il faut donc savoir donner en premier, pour mieux recevoir ensuite.

Un fournisseur convaincu qu'il tient une opportunité de progresser est la meilleure garantie d'un audit réussi, même s'il faudra parfois plusieurs années pour atteindre tous les objectifs.

La Préparation : il est primordial de bien choisir l'auditeur, qui doit être non seulement compétent sur les exigences spécifiques du marché et les principaux procédés impliqués, mais aussi savoir rester toujours bienveillant. Bien évidemment, il est nécessaire de partager le programme détaillé de l'audit largement en avance, pour permettre une bonne préparation par le fournisseur. Enfin, il ne faut pas hésiter à être original sur les points que l'on vérifie : des écarts peuvent apparaître même sur les éléments qui semblent les plus évidents.

La Priorisation : Les exigences des clients de "conformité à la commande" ne seront plus tenables. Les clients devront se concentrer sur l'essentiel (tout exiger n'est plus réaliste), et inciter les fournisseurs à progresser de manière autonome, et à développer eux-mêmes la maîtrise de leurs procédés de manière globale, et non pas produit par produit.

L'analyse des risques et le travail en commun client-fournisseur pour les maîtriser est une voie réelle de progrès, si ces analyses sont conduites avec pragmatisme : choisir ensemble ses priorités et s'y tenir.

L'Ethique : les échanges de conseils et de savoir-faire ne peuvent se faire que dans un contexte de confiance mutuelle. Il est donc primordial de respecter scrupuleusement la confidentialité avec chaque partenaire, mais aussi de veiller à un certain équilibre dans les exigences. Même si l'organisation n'a pas de charte éthique, il s'agit simplement de faire preuve de respect et d'honnêteté entre partenaire.

La Planification et le suivi : un audit ne sert à rien s'il ne débouche pas sur un plan d'action validé par les deux parties, avec des pilotes désignés pour chaque action et un objectif de planning. Celui-ci devra être régulièrement suivi par les partenaires afin de mesurer les progrès, replanifier ou ajuster les actions, et célébrer les succès.

Là encore, le rythme de progression est à adapter à la capacité de chaque fournisseur, que l'audit doit permettre d'évaluer également, mais si la motivation du partenaire est réelle, les objectifs seront atteints ...

Lire la suite page 2 - La démarche MedAccred pour les acheteurs de DM



La démarche MedAccred pour les acteurs du DM

Face au foisonnement des audits et à la croissance exponentielle du temps nécessaire à y consacrer, donneurs d'ordre et fournisseurs de l'industrie aéronautique ont lancé le programme NADCAP dans les années 2000 aux USA, afin de mieux standardiser la démarche et pouvoir mutualiser les résultats principaux des audits. Celui-ci est désormais une référence mondiale incontournable.

A l'instar d'autres secteurs industriels plus matures, et dans le même esprit de rationalisation et de coordination des efforts, la procédure MedAccred a été lancée par l'association commerciale américaine à but non lucratif "Performance Review Institute" (PRI) en 2012, en cherchant à se focaliser sur la maîtrise des procédés critiques (et non plus sur la sécurité ou la conformité), via deux démarches complémentaires :

- Définir des standards de procédés valables "tous donneurs d'ordre et fournisseurs", pour faciliter leur mise en oeuvre par les fournisseurs et leur "monitoring" (audits, support) par les donneurs d'ordre

- Certifier les fournisseurs selon ces standards de façon mutualisée pour diminuer la charge associée aux audits

MedAccred a d'ores et déjà identifié une vingtaine de procédés principaux (soudage, stérilisation, traitement thermique, ...), défini des standards (environ 5 sont avancés à ce jour), puis des programmes de certification (voir sur Performance Review Institute). Après un démarrage surtout américain, le programme commence à s'implanter en Europe, avec le premier fournisseur européen accrédité en avril 2016, et une représentation de plus en plus importante sur les salons.

Il est intéressant de voir que MedAccred met clairement l'accent sur la Maîtrise Statistique des Procédés (MSP), en complément utile de la maîtrise des risques, plutôt en contrepied de l'ISO13485 qui se focalise sur la seconde approche, au détriment des techniques statistiques.

Les industriels du vieux continent ont tout intérêt à s'investir rapidement dans cette démarche MedAccred, pour y avoir "droit à la parole" et défendre les intérêts, pratiques et savoir-faire européens. Le process sera certes long, mais "manquer le train" les exposerait à différents risques industriels et commerciaux.

Tout d'abord, les standards et les modes d'audit risquent d'être proches des pratiques US (FDA), donc proches des produits et moins d'un "système" (au sens ISO 90001) dont nous avons l'habitude. Le coût de s'y conformer pour les industriels européens sera comparativement plus élevé et introduira un biais concurrentiel. A titre d'exemple, en aéronautique, où les procédés étaient déjà très maîtrisés, une certification NADCAP nécessite en général 3 ans et coûte environ 25k€ par procédé.

Par voie de conséquence, le marché (en terme de revenus d'audit notamment) serait durablement dominé par les USA.

Enfin, il existe un risque évident de fuite des expertises et savoir-faire si trop peu d'auditeurs sont européens, ce qui diminuerait l'autonomie de l'Europe sur ce plan, tout en dégradant encore sa compétitivité.

Construire plutôt que subir

L'ISO 9001 comme l'ISO 13485 exigent de maîtriser les fournisseurs. MedAccred vise justement à mieux maîtriser cette exigence à moindre coût pour l'ensemble des parties, donneurs d'ordre et fournisseurs.

Il existe encore très peu de normes en la matière à ce jour, tout se construit aujourd'hui. MedAccred semble donc une voie incontournable pour que les acteurs du DM progressent ensemble.

Un risque majeur est que certains industriels soient réticents à partager leurs savoir-faire et bonnes pratiques en matière d'audit, tant avoir un bon réseau de fournisseurs et partenaires fiables est aujourd'hui stratégique.

Les acteurs européens doivent cependant rapidement s'y impliquer, pour participer à la construction de normes plutôt que devoir les subir, et surtout afin de préserver leur compétitivité. A minima, ils y trouveront un bon outil pour limiter leurs coûts de maîtrise des fournisseurs.

Les auteurs :

Christophe Durand a été à la fois client et donneur d'ordre, et a donc vécu attentes et craintes de l'ensemble des parties. Il intervient en Santé, notamment en logistique, en complémentarité des actions relatives aux Achats (PAA ou "Plan d'Action Achats" du Ministère de la Santé).

Rodolphe Devevey est impliqué au quotidien dans les audits et les actions de développement de fournisseurs du DM, en tant que directeur des Achats pour Moria (instruments chirurgicaux).

Denys Durand-Viel, expert reconnu des affaires réglementaires dans les DM, a créé le réseau "DM Experts"


 
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