[Témoignage] "Ne pas transformer la gestion des risques fournisseurs en usine à gaz"
A l'occasion des Universités des Achats, Bertrand Pouilloux, directeur achats d'Enedis, a partagé la manière dont son entreprise gère le risque fournisseurs. Son crédo : donner du sens aux acheteurs et aux prescripteurs. C'est pourquoi il veut candidater au Label Relations fournisseurs.
Je m'abonneLa direction achat d'Enedis, c'est 175 acheteurs, un volant d'achats de 4 milliards d'euros et 6000 fournisseurs actifs (c'est-à-dire avec lesquels un montant annuel minimum de 20 000 euros annuels est atteint). Le risque fournisseurs n'est donc pas négligeable. A l'occasion d'un atelier organisé par l'Afnor lors des Universités des Achats du CNA, Bertrand Pouilloux, directeur achats de la société, est venu partager sa vision et son traitement du risque fournisseurs chez Enedis. Même si "les fournisseurs sont français et locaux et que le risque est limité", ce sujet des risques fournisseurs est pris au sérieux par la direction achats qui souhaite candidater au Label Relations fournisseurs responsables..
Un sujet d'entreprise
Le sujet du risque fournisseurs, même s'il est très présent depuis la loi sur le devoir de vigilance, est encore plus sur le devant de la scène depuis la loi Sapin II et son chapitre sur l'évaluation des tiers. Bertrand Pouilloux souhaite cependant que le risque de corruption ne soit pas traité par la seule direction achats.
"Ce n'est pas qu'une problématique d'achats, tous les métiers de l'entreprise doivent être mobilisés", insiste-t-il. Et de rapporter qu'il a par exemple refusé de cosigner une note sur les cadeaux avec le secrétaire général : "Il n'y a pas que les achats qui sont confrontés à ce risque. Voire, même moins car nous sommes les plus sensibilisés", remarque-t-il.
Une certification pour donner du sens
Il est cependant conscient que la direction achats doit être à l'origine des actions de prévention des risques fournisseurs et incite la direction d'Enedis à signer la Charte Relations Fournisseurs Responsables définie par le Médiateur des entreprises et le CNA. "Cela est une première étape nécessaire. Mais pour donner du sens aux acheteurs, les fournisseurs doivent s'engager à respecter ces accords", précise Bertrand Pouilloux.
La signature de cette charte n'est, pour Bertrand Pouilloux, qu'une première étape vers le label. "Cette candidature est essentielle pour embarquer les acheteurs. Le réglementaire a pris beaucoup d'importance dans les achats et les métier d'acheteur. Se certifier achat responsable permet de donner du sens", estime le décideur. Il espère que la direction achats, mais aussi toute l'entreprise, sera fière de l'obtention de ce label.
Lire la suite en page 2: Analyse des nouveaux fournisseurs - Une gestion pragmatique des risques
Analyse des nouveaux fournisseurs
Autre bonne pratique qu'a mise en place Bertrand Pouilloux au sein d'Enedis pour gérer le risque fournisseurs : la détection et l'analyse des nouveaux fournisseurs. "Nous savons que certains fournisseurs échappent au process achats. Nous allons donc régulièrement voir dans le SI si de nouveaux fournisseurs n'apparaissent pas afin de les analyser", explique Bertrand Pouilloux.
Il rapporte que, chaque mois, une quinzaine de fournisseurs réussit à passer à travers les radars des achats. Cette procédure de veille, ajoute-t-il, leur permet de sécuriser le processus et de sourcer de nouveaux fournisseurs. "Les métiers sont des éléments essentiels dans le sourcing", note-t-il.
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Une gestion pragmatique des risques
Même s'il est investi dans la gestion des risques fournisseurs, Bertrand Pouilloux est conscient que tous les risques ne sont pas couverts. Il fait le choix de passer plus de temps sur les segments d'achats identifiés et retenus par ses équipes, plus complexes. Cette analyse des risques des fournisseurs est menée par les acheteurs eux-mêmes, plutôt que par des experts."Je préfère que l'acheteur soit mobilisé sur son dossier d'achat parce qu'il connaît les risques et sait comment investiguer", explique Bertrand Pouilloux. Ils sont épaulés par un outil de questionnaire en ligne et par des audits, si nécessaire, en fonction du niveau de risque identifié et de la connaissance du fournisseur. "Mon principal souci est de ne pas transformer la gestion des risques fournisseurs en une usine à gaz. Car cela pourrait faire fuir acheteurs et prescripteurs", insiste Bertrand Pouilloux. Il pense qu'il faut rester pragmatique et donner du sens. D'où la nécessité de cette candidature au Label que le directeur achats espère obtenir à échéance fin 2019.
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