Recherche
Mag Décision Achats
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

Commande publique - Quand la relation acheteur-fournisseur prend un nouveau virage

Publié par Camille George le - mis à jour à
Commande publique - Quand la relation acheteur-fournisseur prend un nouveau virage

En matière de relation fournisseur, le secteur public connaît de nettes évolutions. Désormais, les termes "performance achat", "sourcing", "amélioration continue" et "plan de progrès" ne sont plus seulement réservés au secteur privé et intègrent le vocabulaire des acheteurs publics.

Je m'abonne
  • Imprimer

"Auparavant, l'objectif principal d'un juriste marché était la conformité juridique du marché plus que la capacité d'un prestataire à répondre au besoin, aujourd'hui, à travers le sourcing et l'évaluation fournisseur, la question de savoir pourquoi un opérateur économique répond à l'un de nos marchés se pose et compte de plus en plus. Nous devons travailler sur notre attractivité", estime Laurent Dutertre, responsable du service achats Eau de Paris. On assiste, en effet, à un changement de vision. Après s'être familiarisés avec les méthodes de sourcing, les acheteurs publics s'intéressent maintenant à la phase aval, notamment aux conditions et au suivi d'exécution des marchés, un domaine peu appréhendé jusque-là.

Pour ce faire, le plan annuel d'évaluation, qui permet de jauger la performance des fournisseurs comme celle des contrats, est un bon outil. Depuis trois ans, le service achats Eau de Paris a mis en place un PAE (Plan annuel d'évaluation) en se basant sur plusieurs critères, notamment financiers, afin de faire ressortir les fournisseurs critiques et stratégiques. "Par un jeu de communication ascendante et descendante, nous faisons descendre de la direction financière des aspects liés à la facturation, par exemple, et remonter les problématiques terrain des prescripteurs", explique Laurent Dutertre. C'est sur la base de ces informations que le plan d'amélioration est défini.

"L'objectif est d'identifier des pistes d'amélioration destinées à régler des dysfonctionnements et à les mettre en oeuvre. Notre but est d'améliorer le cahier des charges pour qu'il soit toujours au plus proche de la réalité terrain et éviter des incompréhensions. Côté opérateur économique, le but est de parfaire ­l'exécution du contrat. Notre position est simple : objectiver tout ce qui constitue la valeur technique de l'offre, car nous considérons qu'il est nécessaire de nous assurer que ce qui nous a conduit à choisir un candidat au stade de la sélection est bien respecté lors de l'exécution", détaille Laurent Dutertre.

Remettre à plat tous les irritants

À la mairie de Clamart, dans les Hauts-de-Seine, l'évaluation fournisseurs et le suivi dans l'exécution des marchés sont aussi devenus des étapes clés. "On ne peut pas avoir de service achats moderne si on n'évalue pas les fournisseurs de manière à reboucler le process achat pour avoir un cycle complet", insiste Franck Barrailler, directeur de la commande publique de la ville. Des revues de contrats avec les fournisseurs ont été mises en place à la fin de l'année dernière.

"Au départ, les revues de contrats portaient sur les prestations qui avaient fait l'objet d'une déclaration de défaillance. Depuis le début de l'année, nous les avons élargies à tous les marchés en reconduction pour une année supplémentaire, et nous comptons, à terme, mener ces revues de contrats sur l'ensemble des marchés en reconduction ou en renouvellement", indique Franck Barrailler. Ce procédé permet de repasser, avec le fournisseur, sur un certain nombre de points critiques comme, par exemple, les délais de livraison ou d'exécution, la facturation, la bonne application de la réglementation de la sous-traitance ...

"C'est une bonne occasion de rencontrer les prestataires ­stratégiques et d'essayer de trouver des solutions aux dysfonctionnements qui constituent des irritants dans la relation contractuelle", juge Laurent Dutertre. À Clamart, la mesure de la performance fournisseur va jusqu'à l'attribution d'une note, établie sur neuf items. Parmi ceux-ci, les trois piliers achats (qualité, prix, délais), bien sûr, mais aussi des critères financiers, pour évaluer la robustesse du prestataire, ou des critères plus orientés qualité sur la relation partenariale.

Un chaînon supplémentaire pour faire le lien

Outre les établissements publics et les collectivités territoriales, les centrales d'achats publics sont tout aussi, voire plus encore, concernées par la bonne exécution des marchés qu'elles routinent. En effet, les centrales ont tout intérêt à améliorer sans cesse la qualité des prestations mises à disposition de leurs clients publics. De cet enjeu, l'UniHA, centrale dédiée à l'achat de santé, est pleinement consciente et a mis en place, courant 2018, un certain nombre d'initiatives pour faire évoluer ses pratiques achat dans un objectif de "Value best procurement".

Un nouveau SI Achats, développé avec Jaggaer et PwC, entrera en phase de déploiement l'été prochain. Il donnera une vision d'ensemble aux GHT (groupements hospitaliers de territoires) et facilitera les groupements d'achats grâce, notamment, à trois référentiels (établissements de santé, marchés et fournisseurs). Mais ce qui permettra aussi de faire le lien entre l'amont, l'ouverture d'un marché, et l'aval, son exécution, est le déploiement des "ambassadeurs". "Huit ambassadeurs sur toute la France auront une quinzaine de GHT à suivre. Ils seront sur le terrain, chaque jour, pour traiter un problème, remettre de la documentation, faire remonter un besoin achat", précise Bruno Carrière, le directeur général de l'UniHA.

Pour les acheteurs, c'est la garantie d'une meilleure connaissance des besoins prescripteurs et de la qualité des prestations sur le terrain. "Ils vont pouvoir se concentrer sur l'analyse du besoin et la stratégie achat. Mais c'est aussi un moyen de savoir comment se déploient nos contrats en local", souligne Bruno Carrière. Ce nouveau chaînon va donc permettre de fluidifier les relations et de nourrir l'écosystème prescripteur/acheteur/fournisseur.

Une nouvelle dynamique d'échange

Reflet de la profession­na­lisation des acheteurs publics et de leur montée en compétences, l'évolution de la relation acheteur-fournisseur a des impacts sur tous les maillons de la chaîne, modifiant à la fois la vision et la posture de chacun :

- L'acheteur public a vu son positionnement évoluer et son rôle devenir clé. C'est lui, désormais, qui pilote l'évaluation fournisseurs, lui qui va au contact des prescripteurs, lui qui est identifié comme point d'entrée et interlocuteur ­privilégié. Ainsi, en quelques années seulement, l'acheteur public est devenu le point nodal du système d'échanges entre les différents acteurs.

- Le prescripteur a, par effet cascade, fait lui aussi évoluer sa vision de la fonction achats. Jusqu'alors, les services s'attachaient essentiellement à s'informer de la passation d'un marché sans savoir vers qui se tourner en cas de problème, lors de l'exécution dudit marché. Aujourd'hui, ils ont clairement identifié l'acheteur comme l'interlocuteur interne à solliciter.

- Le fournisseur commence ­également à identifier l'acheteur comme étant non seulement le point d'entrée à un marché public, mais aussi la personne avec qui échanger concernant l'exécution. Celle qui sera capable d'intervenir sur l'exécution technique d'un marché comme sur la partie administrative pour le faire évoluer dans le temps.

En intervenant plus franchement aussi bien sur la phase amont que sur la phase aval, l'acheteur public se rend ainsi plus visible et devient le gérant et le garant d'une ­communication efficace.

Plus exigeant aussi envers soi-même

Car, si la question de l'amélioration devient centrale, la relation évolue vers un fonctionnement plus exigeant, mais aussi plus collaboratif, avec des attentes fortes des deux côtés. "Nous sommes de plus en plus amenés à faire du marketing de la fonction pour expliquer tout le travail de simplification qui a été fait et aussi mettre en avant Eau de Paris, en insistant, par exemple, sur les délais de paiement. Encore très stigmatisés dans le secteur public, ils sont, chez nous, à 15 jours en moyenne pour un délai légal à 30 jours", constate Laurent Dutertre.

Une remise en cause sur l'accessibilité des marchés publics est à l'oeuvre. De même, un nombre croissant d'acteurs publics s'intéressent à la Charte relations fournisseurs responsables du Médiateur des entreprises, qui est avant tout un signe d'engagement et de confiance envers les prestataires. La mairie de Clamart fait partie des nouveaux signataires et le service achats Eau de Paris ambitionne de la signer cette année.

"Savoir si on travaille avec les meilleurs fournisseurs du marché est une problématique réelle dans le secteur public. Par définition, nous travaillons avec ceux qui répondent aux marchés. La signature d'une telle charte est un moyen de créer de la confiance pour attirer les meilleurs fournisseurs en leur offrant des garanties", note Franck Barrailler.

 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

La rédaction vous recommande

Retour haut de page