Pierrick Jaulin, directeur achats de l'Andra : "Nous avons pu démontrer que notre profession est créatrice de valeur"
L'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs est l'un des grands acteurs publics de la filière nucléaire. L'arrivée de dossiers d'envergure a imposé aux achats de démontrer leur valeur ajoutée. Une stratégie conduite par Pierrick Jaulin depuis 2001.
Je m'abonneQuelle a été l'évolution des achats depuis votre arrivée à l'Andra ?
J'ai restructuré l'existant en créant le département achats et en installant un service achats au sein de chacun de nos sites. Avec mes équipes, nous avons également développé le recours aux accords-cadres et aux marchés à bons de commande, pour la maintenance et l'exploitation, notamment. Ce qui nous a permis d'optimiser les achats et d'offrir un meilleur service utilisateur en fiabilisant les sources d'approvisionnement et en réduisant les délais. Aujourd'hui, la fonction achats, qui engage près de 75 % du chiffre d'affaires de l'établissement, est reconnue au niveau de la direction générale.
Comment avez-vous fait monter en puissance les achats pour suivre de gros projets comme Cigéo (centre industriel de stockage géologique) et FA-VL (déchets de faible activité à vie longue) ?
Le projet français Cigéo de centre de stockage profond de déchets radioactifs a conduit l'agence à recruter de nouveaux collaborateurs venant d'horizons différents, notamment de l'ingénierie et du BTP. En quelques années, l'effectif a augmenté de 50 %, pour s'établir aujourd'hui à 600 personnes. Et cette progression va se poursuivre. Cette phase de croissance a entraîné des périodes d'apprentissage en matière d'achats. Les acheteurs ont dû expliquer nos méthodes et convaincre de leur pertinence pour montrer que notre profession est porteuse de valeur.
Pour ce seul projet, l'agence a signé, en janvier 2012, un premier contrat de maîtrise d'oeuvre système d'un montant de plus de 60 millions d'euros HT et, fin octobre 2013, quatre contrats supplémentaires de maîtrise d'oeuvre sous-systèmes pour plus de 130 millions d'euros.
Pour accompagner ce projet, nous avons recruté sept personnes aux achats. J'ai nommé un coordinateur, responsable de l'ensemble des achats sur les projets Cigéo. Compte tenu de l'importance des enjeux, j'ai demandé à mon adjoint, Julien Guilluy, d'assumer cette fonction, avec une assistante dédiée. J'ai également nommé un responsable du SI et du suivi de la performance achats. Au niveau de l'organisation, chaque ingénieur achats est responsable d'un portefeuille dont le périmètre a été défini par types d'achats.
[NDLR : l'État demande à l'Andra d'estimer régulièrement les coûts de Cigéo concernant les études, la construction (génie civil, équipements...), l'exploitation (personnel, maintenance, électricité...), les impôts et les taxes, les assurances, les aléas de chantier, etc. En 2012, cette estimation était de 16,5 milliards d'euros.]
Comment intègre-t-on des critères de développement durable dans des achats aussi spécifiques que ceux de l'Andra ?
Il n'y a pas de particularité en ce qui concerne les achats durables dans notre domaine d'activité. Nous nous efforçons de les développer comme dans n'importe quel autre secteur économique. Ainsi, nous intégrons ces critères dans des marchés tels que l'entretien des espaces verts autour de nos centres de stockage de déchets. Néanmoins, pour accompagner la montée en puissance des achats responsables, nous avons prévu de recruter notamment un référent "achats écoresponsables" et un référent "achats locaux" au sein de nos équipes.
En 2012, nos achats locaux ont représenté près de 21,3 millions d'euros HT [NDLR : sur un budget achats global de 184 millions d'euros] auprès d'entreprises situées dans les départements de l'Aube (10), de la Manche (50), de la Haute-Marne (52) et de la Meuse (55), où l'Andra est présente. Soit environ 30 % du montant total des marchés passés par nos sites en province. Par ailleurs, nous organisons une journée annuelle "Devenir prestataire de l'Andra", où nous rassemblons une centaine d'entreprises locales, nos acheteurs et nos clients internes, mais aussi des sous-traitants de rang 1. Cette journée a notamment pour objectif de démystifier l'accès à nos appels d'offres auprès des TPE et PME qui souhaiteraient y répondre. Nous organisons des ateliers thématiques et les encourageons à créer des groupements pour répondre à certains marchés. Grâce à cette politique, nous avons mené avec succès une opération de construction pour notre laboratoire sur l'étude de la gestion et du stockage des déchets nucléaires HAVL (déchets de haute activité et à vie longue) pour laquelle nous avons fait uniquement appel à des entreprises locales. Pour compléter ces initiatives, nous mettons à la disposition des TPE et PME une plaquette pédagogique sur la façon de répondre à nos marchés. Et nous allotissons nos marchés pour leur donner plus facilement l'accès à nos commandes.
En tant qu'acteur public, vous avez des obligations en termes d'optimisation des achats. Comment procédez-vous ?
Nous devons réduire nos coûts de 3 % par an. Cette réduction passe, par exemple, par l'harmonisation de certains types d'achats. Nous comparons les cahiers des charges de différents sites pour une même prestation afin de mieux définir le juste besoin, comme les espaces verts ou le gardiennage. L'objectif n'est pas de mutualiser pour obtenir un accord national, mais d'harmoniser les sites. Le tout en adéquation avec notre politique de développement d'achats locaux, lesquels nous garantissent réactivité et proximité. De plus, nous participons régulièrement aux comités achats mis en place par le service des achats de l'État (SAE) sur l'échange de bonnes pratiques.
Quels sont vos projets pour 2014 ?
Nous allons consolider le soutien au projet Cigéo dans sa dimension achats, en recrutant de nouveaux collaborateurs. Cette année, l'accent sera mis sur le suivi des contrats majeurs. Nous renforcerons les outils de pilotage de fonction achats et de suivi de la performance. Nous validerons un plan d'actions visant à améliorer le processus achats tout en renforçant notre expertise des achats écoresponsables et locaux. Enfin, en termes d'outils, nous avons opté en 2013 pour un parapheur électronique afin de dématérialiser nos demandes d'achats. Cette année, c'est au tour des appels d'offres grâce à la plateforme Place.
CA 2013 (estimation) : 210 M€ HT
Effectif agence : 600 personnes
Budget achats réalisé 2013 (estimation) : 170 M€ HT
Budget achats locaux 2013 (estimation) : 20 M€ HT
Effectif achats : 25 collaborateurs