Du POC à l'industrialisation : comment transformer l'essai?
Comment passer des proofs of concepts (POCs) à l'industrialisation ? Quels sont les freins et les leviers? Et quelle organisation mettre en place? Réponses avec les exemples d'Allianz France et Accorhotels réunis à l'occasion du salon Bigdata 2018.
Je m'abonneSi 75% des entreprises en France ont un processus d'achat adapté aux startups, seulement 36,7% des POCs ont été industrialisés en 2016 selon le baromètre FrenchTech de la relation grands groupes startups 2017. C'est pourquoi des entreprises comme Allianz France ont mis en place une organisation spécifique pour passer des proofs of concepts (POCs) à l'industrialisation.
Des organisations dédiées
"On a souhaité développer une organisation qui soit dans un premier temps uniquement orienté " delivery projets "", explique Guillemette Picard, directrice vision client, big data et intelligence artificielle chez Allianz France à l'occasion d'une table-ronde sur le salon Bigdata 2018 le 12 mars dernier. L'assureur a donc mis en place un système de portefeuilles de cas d'usage avec un classement des projets en fonction de leur ROI, de la disponibilité et de la qualité de la donnée pour traiter ledit projet et du niveau d'engagement du métier impliqué.
"Une fois qu'on a classé nos projets, on a organisé le process d'industrialisation pour avoir une phase de faisabilité, une phase de proof of value et enfin une phase d'industrialisation", détaille Guillemette Picard de chez Allianz. Le KPI ou "retour sur investissement du projet devant être rééstimé à chacune des phases de son déploiement".
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Côté organisation, l'assureur réunit donc sur un même plateau data scientists et data engineers mais également la DSI. En mode agile et pour chaque projet déployé, une équipe composée d'un data engineer, un data scientist, un chef de projet mais également un chef de produit métier est constituée. Ces différents métiers travaillent ensemble jusqu'à ce que le produit soit industrialisé mais même après car il s'agit de "revisiter le modèle déployé fréquemment", assure Guillemette Picard de chez Allianz France.
Même principe organisationnel chez Accorhotels qui a initié un plan de transformation digitale il y a 2 ans et demi. Le groupe a monté une infrastructure sur le sujet, a "approvisionné la data, les use case (Quelle est leur rentabilité ? leur faisabilité ?), monté des équipes mixtes avec des data scientists des data engineers, etc.", résume Fabrice Otaño, chief data officer chez Accorhotels. Cette organisation est aujourd'hui jugée mature. "On ne parle plus de POCs mais de minimum viable products (MVPs). On les développe assez rapidement (6 mois à 1 an) avec des présentations au Comex. Et tous les 6 mois on revisite le projet pour voir si on fait un " go/no go ".", poursuit Fabrice Otaño, de chez Accorhotels.
Embarquer les métiers : la clé du succès
Co-design, sponsorship, ... Embarquer les métiers et parties prenantes est primordial pour la réussite d'un projet comme l'affirme la directrice vision client, big data et intelligence artificielle chez Allianz France : "Il faut que le métier soit engagé à un niveau de management suffisant mais aussi à un niveau très opérationnel et ce pendant toutes les phases d'industrialisation du projet. Car c'est le métier à la fin qui va vous permettre de déployer le projet, et de donner de la valeur au projet".
A titre d'exemple, Allianz a déployé un outil capable de mesurer la satisfaction client en cas de sinistre. Avec près de 700 000 sinistres à gérer par an, l'enjeu est grand chez Allianz. "Vous pouvez être satisfait ou insatisfait à différentes phases de votre parcours d'assuré. Mais quand vous donnez une note entre 1 et 10 sur votre satisfaction client cela peut dépendre de votre humeur du jour, votre personnalité, etc...", précise Guillemette Picard. En résumé, cela n'est pas fiable. C'est pourquoi Allianz France a mis en place un système d'analyse des verbatims donnés avec cette note pour arriver à localiser dans " le parcours sinistre " le fameux taux de satisfaction client.
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Infrastructures non adaptées et adoption : les freins principaux
Comment arriver à juger de la pertinence d'un projet ? Pour Vincent Champain, general manager chez GE digital foundry Europe, entité crée par le géant General Electric pour développer des applications d'IoT industriel : "Il faut avoir une idée de la fin, être sûr d'avoir un vrai avantage compétitif à le faire, avec des talents et des infrastructure qui vont suivre".
Mais alors comment savoir quand abandonner ou poursuivre un projet? "Il faut avoir une vision claire au début et partagée ; et voir si l'orientation qu'on a prise est bien celle qui oriente la valeur. Quand on fait ce travail, on a assez vite une équation de valeur, soit une espèce de roadmap sur ce qu'on va faire et ce que ça va nous rapporter. Et on arrêtera le projet quand il y aura un décalage ou quelque chose qui remettra en cause cette équation". Et les freins dans tout ça ? "Il sont souvent de deux ordres : des infrastructures insuffisantes ou non adaptées et un refus d'adoption de la part des métiers concernés".
"Il ne faut pas passer trop de temps dans la contemplation. C'est la grande différence entre les Etats-Unis et l'Europe. Et il faut aussi savoir qu'il y a certains points de maturité qu'on ne comprendra qu'en les confrontant au marché", conclut Vincent Champain, general manager chez GE digital foundry Europe.