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Made in France : les clés d'une stratégie achats réussie

Publié par Marie-Amélie Fenoll le | Mis à jour le
Made in France : les clés d'une stratégie achats réussie
© ©Goodpics - stock.adobe.com

Si acheter français relève d'une vraie stratégie achats souvent jugée plus volontariste qu'efficace en terme de coûts, les mentalités changent et les leviers d'actions se font plus nombreux. Illustrations avec les groupes Bombardier, Brandt et la région Ile-de-France.

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Le "Made in France" (ou achat local) est considéré par une majorité d'acheteurs (53%) comme un critère d'attribution du business selon les résultats de l'édition 2019 de l'étude du cabinet AgileBuyer sur les "Tendances et priorités des départements achats en 2019". Un pourcentage qui ne cesse d'augmenter et traduit un changement des mentalités.

"C'est un critère qui reste important dans certains secteurs industriels ayant des possibilités de circuits courts ou simplifiés, explique Isabelle Carradine, directrice en charge de l'activité de conseil en achats au sein de PwC France, Et si du côté de la commande publique, le code des marchés publics interdit de mentionner la préférence nationale, dans le privé, des secteurs comme le retail, le BtoC, l'hôtellerie/restauration ou encore le luxe où le savoir-faire est mis en avant, le choix du Made in France est une vraie option pouvant par ailleurs être valorisée auprès du client final". Cependant, il convient de ne pas oublier que "le critère prix reste le KPI majeur pour 75% des répondants", souligne-t-elle. Mais si l'argument du Made in France peut jouer auprès du client final, d'autres critères comme celui d'acheter responsable sont également à prendre en compte. Ainsi, pour Jérémy Houssin, Senior Manager au sein de PwC France expert en achats responsables, les lois Sapin 2 et le devoir de vigilance, la loi sur la transition énergétique ou l'actualité climatique et sociétale française orientent également les stratégies des entreprises vers des critères d'achats plus responsables.

Gestion des risques fournisseurs : un argument de poids en faveur du Made in France

Selon l'étude "Global CEO Survey 2019" de PwC, les excès de règlementation (33%), le populisme et l'incertitude politique (35%) et la pénurie de talents (34%) sont les trois menaces principales pour les dirigeants européens. "Le sujet clé est la gestion des risques (monétaire, politique, climatique, ...) et cela se répercute dans le sourcing et le choix de ses fournisseurs", explique Isabelle Carradine. Pour pallier ces risques fournisseurs, "il faut une bonne traçabilité du produit sur l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement. Soit un besoin de transparence qui peut jouer en faveur du Made in France", estime de son côté, Jérémy Houssin.

C'est pour promouvoir ce critère du Made in France que l'association Pro France a lancé le label Origine France Garantie en mai 2011. Ce label assure que le produit est 100 % fabrique? en France et qu'au moins 50 % de ce qui compose le produit est d'origine franc?aise. Ces deux crite`res sont couple?s a` des audits de ve?rification in situ mene?s par des ope?rateurs certificateurs inde?pendants. Selon l'association, pour les services achats, faire le choix du Made in France c'est "choisir des produits respectant des normes sanitaires, sociales et environnementales exigeantes, pre?server l'environnement en privile?giant les circuits courts, sauvegarder des emplois en France ou bien encore maintenir une production nationale issue des usines de notre territoire et être un acteur du patriotisme économique". Une démarche de certification entreprise par le groupe français d'électroménager Brandt dès 2011 et le groupe Bombardier spécialisé dans la construction de matériels de transports (aéronautique et ferroviaire plus récemment.

Lire la suite en page 2 : Réactivité des fournisseurs et baisse des coûts logistiques : l'exemple du site de Bombardier

L'exemple de Crespin dans les Hauts-de-France : site de production du groupe Bombardier

"L'entreprise Bombardier est une entité implantée en Hauts-de-France avec des salariés français même si le groupe est d'origine québequoise", explique Anne Froger, directrice de la communication de Bombardier Transport France. Pour la petite histoire, la famille du fondateur Bombardier qui a donné son nom à la société est originaire de Lille mais un ancêtre a fondé l'entreprise au Canada. Et le siège social du groupe est aujourd'hui basé à Montréal. "Il ne faut pas confondre l'origine de la marque et le lieu de fabrication. Ainsi, certaines personnes pensent à tort que nos trains sont fabriqués au Canada". Or, voilà près de 30 ans que l'industriel regroupe sur le site de Crespin dans les Hauts-de-France près de 1600 personnes pour concevoir, produire et assembler les trains de demain. C'est d'ailleurs à ce titre que le groupe a reçu le label "Origine France Garantie" début janvier 2019 pour ses trains Francilien et OMNEO/Regio 2N, conc?us et fabrique?s sur ce site de Crespin. Un label qui certifie que "ces deux se?ries de trains prennent leurs caracte?ristiques essentielles sur le territoire franc?ais, et qu'au moins 50% leur prix de revient unitaire soit d'origine française". Une première dans l'industrie ferroviaire.

Réactivité des fournisseurs et baisse des coûts logistiques

Ce site de Crespin est emblématique pour le groupe : "Comme dans beaucoup d'industries qui ont dû se défaire de certaines activités ou ont modernisé leurs process de production, nous nous sommes retrouvés avec de nombreux bâtiments vides dans les années 2000, explique Samuel Lepoutre, directeur achats et logistique chez Bombardier Transport nous avons alors cédé un espace à un promoteur qui loue à 6 à 7 de nos fournisseurs de rang 1, des PME (comme Barat, Hiolle, Sirail, ...) qui étaient présentes sur le territoire du Hainaut ou ailleurs en France". Une stratégie qui semble s'avérer gagnante avec de nombreux avantages à en croire le directeur achats : "Nous y gagnons sur du juste-à-temps. Cela nous permet de diminuer nos stocks, d'avoir des meilleurs coûts de logistique et d'avoir une filière plus réactive".

Mais si la réactivité des fournisseurs ou encore le coût logistique plaident en faveur d'une politique d'achats territoriale, la vraie question est : acheter français coûte-t-il plus cher ? "Si on s'attarde sur le coût d'achat, il est souvent plus élevé en France mais il faut regarder le coût global (ou TCO). Et nous travaillons sur les autres coûts comme celui du développement, les coûts de logistique ou de non qualité, ... , conclut le directeur achats et logistique chez Bombardier Transports, tout en soulignant que cependant "ces choix à faire ne doivent pas gréver la compétitivité".

Une politique achats volontariste qui demande une fine analyse des besoins. "Si on sait quoi acheter en France, au final on s'y retrouve si on fait le cumul des droits de douanes, des coûts de transports (et donc les émissions de CO2), de gestion des stocks... Au final, cet argument marketing (du Made in France) demande de bien rationaliser ce qu'on fait et d'avoir une approche très précise du sourcing", explique de son côté Frédéric Thielen, Chief Purchasing Officer du groupe français Brandt spécialisé dans l'équipement de la maison.

Lire la suite en page 3 : une question d'image pour Brandt / un small business act pour la région Ile-de-France


Un argument pour le client final : l'exemple de Brandt

Le groupe Brandt bénéficie du label origine France Garantie depuis 2011 pour ses produits fabriqués sur les sites d'Orléans et de Vendôme. "Nous espérons que le client final y est sensible". Car pour le directeur achats, cette labellisation s'inscrit dans le fait de "penser la vraie valeur client". Ce label garantit que 50% minimum de la valeur financière du produit est réalisée en France (main d'oeuvre (20%) et achats (80%)). Une démarche volontariste qui implique des efforts : "nous sommes sur un marché ultra compétitif et nous avons un plan de réduction des coûts plutôt plus drastique que dans le reste de l'industrie, étant le dernier fabricant généraliste de gros électroménager en France". Dans le cadre de cette stratégie achats, le groupe tisse des liens étroits avec l'écosystème des PME et "évite ainsi les pertes de compétences", justifie le directeur achats. Le groupe s'investit dans un véritable de plan de développement de ces PME, soit en mutualisant les compétences des dites PME en France, soit en emmenant des PME française à la conquête du marché algérien. Une démarche due au fait que le groupe Cevital, premier groupe industriel privé algérien, soit actionnaire du groupe Brandt. "Nous avons accompagné récemment une PME grenobloise spécialisée dans l'industrie complexe sur le marché algérien", précise le directeur achats.

Un small business act pour la région Ile-de-France

Du côté des acteurs publics, si le Code de la commande publique interdit toute mention de préférence nationale, des leviers peuvent être mis en place avec des résultats concrets à l'exemple de la région Ile-de-France.

"Les achats font partie du levier de politique économique de la région Ile-de-France. Notre portefeuille achats est donc par essence en lien avec l'écosystème francilien", explique Charles-Edouard Escurat, directeur des achats au Pôle Achats, Performance, Commande Publique et Juridique à la région Ile-de-France. Ainsi, la région affiche un budget achats d'un milliard d'euros par an dont 50% en travaux. "Ce qui est, par définition, un marché proche de l'écosystème territorial. Tout comme la formation qui représente 250 millions d'euros d'achats par an", précise le directeur achats de la région IDF ou la mise en place de circuits courts dans l'alimentation.

Ainsi, la région ambitionne d'avoir 100% de circuits courts pour ses denrées alimentaires destinées aux lycées d'ici 2024. "Nous avons 80 à 85% de PME/TPE dans notre portefeuille achat au niveau global. Et 77% des entreprises (toutes catégories confondues) sont franciliennes", souligne Charles-Edouard Escurat. Un chiffre élevé qui s'explique notamment par la plus forte concentration de sièges sociaux d'entreprises dans la région. Ainsi, selon les chiffres de la Région, l'Île-de-France compte près de 835.000 très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME). Pour concrétiser sa politique achats territoriale, la région a signé un Small Business Act en mars 2017 avec pour objectif de "faciliter l'accès des TPE et PME franciliennes à la commande publique régionale", qui s'élève à plus de 600 millions d'euros chaque année. "Si le localisme est interdit par la réglementation, nous souhaitons rétablir l'égalité des chances des TPE/PME dans l'accès à la commande publique, explique Charles-Edouard Escurat. Et cela passe par la stratégie achats, le reverse marketing, le fait de payer ses fournisseurs à temps...".

 
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