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Coûts de non-qualité: la partie se joue à trois

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Coûts de non-qualité: la partie se joue à trois

Les coûts liés à la non-qualité ne sont pas négligeables. Et les achats ont sur ce point un grand rôle à jouer. Mais ils ne peuvent pas s'y atteler seuls: ils doivent collaborer avec la direction financière et la qualité.

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Fin mars, un airbag du fabricant japonais Takata a fait un nouveau mort, le onzième au niveau mondial. Le dysfonctionnement de ces airbags a déjà conduit de nombreux constructeurs à rappeler des millions de véhicules, ce qui a évidemment entraîné des coûts faramineux. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres qui montre à quel point la non-qualité d'un fournisseur peut coûter cher car, au-delà du rappel massif de produits, les coûts liés au déficit d'image peuvent conduire à la perte de marchés et à voir son cours dégringoler en bourse.

Puisque les entreprises font de plus en plus appel à des fournisseurs, la qualité dépend aujourd'hui beaucoup de celle des achats. Mais comment évaluer les coûts de non-qualité pour les optimiser ? Comment sélectionner au mieux ses fournisseurs ? En collaborant avec les autres directions, et en premier lieu la qualité et la direction administrative et financière.

Avec le Daf : mesurer la non-qualité pour l'optimiser

Première chose à faire quand on s'attaque à un sujet comme la non-qualité : la mesurer. Cela permet en effet de savoir à quels sujets s'attaquer en premier, quels progrès ont été réalisés, quels efforts il reste à faire, etc.

Alain Girerd

"La mesure n'est pas une fin en soi mais la prise de conscience qu'elle induit permet aux gens de mieux comprendre les coûts générés par la non-qualité et cela permet de faire changer les comportements. Cette évaluation permet aussi de faire apparaître les priorités, de justifier les actions menées puis d'évaluer les progrès réalisés", abonde Alain Girerd, dirigeant fondateur d'Elancio. Il s'agit donc d'estimer les coûts liés à la non-qualité afin de l'optimiser.

Ce sont les coûts directs qui sont les plus faciles à évaluer : une pièce défectueuse envoyée par un fournisseur peut causer du retard ou obliger à refaire un produit, contraindre à rappeler des produits déjà envoyés chez le client ou encore devoir établir une ristourne. Les coûts de non-qualité se calculent donc à partir des pénalités dues à un retard, des heures de travail passées à refaire quelque chose, des matières premières gâchées, des frais d'envoi en express pour combler un retard... Sans parler des coûts administratifs pour le temps passé à régler tous ces problèmes. Sur ce point, le Daf peut apporter sa connaissance des coûts de chaque chose. "La finance permet de chiffrer et de mettre tout le monde d'accord sur le coût d'une heure de production ou encore la rémunération des salariés : c'est le Daf qui apporte les éléments chiffrés qui servent à faire les calculs", avance Alain Girerd.

Les coûts directs demandent du temps et de l'organisation pour être calculés, mais ils peuvent aisément l'être. Ce n'est pas le cas d'autres coûts : combien de ventes perdues à cause de cette non-qualité ? combien d'appels d'offres auxquelles l'entreprise n'a pas été conviée ? "Ces coûts sont difficiles à évaluer car ils ne sont pas payés", avance Nicolas Berland, directeur de Dauphine recherches en management à l'université Paris-Dauphine. Sauf si un client dit clairement qu'il ne fera plus jamais appel aux services de l'entreprise, ces pertes ne peuvent être que des estimations, des probabilités. Un domaine dans lequel le Daf peut, là encore, aider.

S'il est évidemment intéressant d'évaluer les coûts de non-qualité le plus justement possible, il faut cependant faire attention à ce que ces mesures ne soient pas des usines à gaz : elles doivent être au contraire comprises et partagées par tous pour être vraiment utiles. C'est, cette fois encore, au Daf d'aider à faire le tri, de donner des objectifs pour établir quelles mesures sont utiles et lesquelles ne le sont pas. De manière inattendue, le Daf peut apporter une vision opérationnelle à ces coûts de non-qualité : il peut les transformer en pourcentage du chiffre d'affaires - avec l'objectif que ça tende vers zéro -, mesurer les impacts sur l'ensemble de l'organisation... "L'intérêt du contrôle de gestion est de consolider les coûts de non-qualité au niveau de toute l'organisation : les achats n'évaluent pas toujours bien les impacts de la non-qualité. Le Daf peut les aider à apporter une vision globale et faire prendre conscience aux services achats qu'un fournisseur moins cher peut s'avérer plus cher au final à cause d'un problème de non-qualité engendrant, par exemple, retard et déficit d'image", pointe Alexis Hernot, consultant au sein de Synapscore.

Lire la suite en page 2 : La Daf détient également les secrets pour transférer la pression sur le prestataire et Avec la qualité : une juste évaluation des fournisseurs


Le Daf détient également les secrets pour transférer la pression sur le prestataire

Cette mesure des coûts de non-qualité est d'autant plus importante qu'elle permet, au-delà de la mise en place d'actions correctrices, de facturer ces coûts supplémentaires aux fournisseurs qui sont à l'origine de la non-qualité. Le Daf peut être de ce point de vue là de bon conseil : "Si l'idéal est de détecter les problèmes de non-qualité avant le paiement final - il n'y a ainsi pas de problème d'avoir et, surtout, le levier financier permet d'accélérer le processus -, le Daf peut aider les achats à mettre en place les bons mécanismes de facturation afin de réduire les coûts de gestion de la non-qualité en transférant la pression sur le prestataire", pointe Alexis Hernot. Ce qui veut dire échelonnement, paiement différé...

Ce qui veut dire que les contrats avec les fournisseurs doivent être bien définis en termes de moyens de paiement. Mais également être clairs sur la responsabilité dans le risque de non-qualité. "Les fournisseurs doivent savoir dès le contrat que lui seront répercutés l'ensemble des coûts liés à une prestation de mauvaise qualité", ­avertit Alain Girerd. Le Daf, qui chapeaute souvent le risk management et le juridique, peut également aider à définir les contrats sur ce point.

C'est aussi au Daf de faire de la pédagogie auprès des achats afin que ces notions fassent partie de la négociation avec les fournisseurs. "Les achats sont souvent mal à l'aise avec les problématiques d'avoirs et de remboursements. Ils ne doivent pas l'être, mais au contraire en parler d'eux-mêmes avec leurs fournisseurs", pense Nicolas Le Montagner, directeur du pôle industrie et services de Crop and co.

Avec la qualité : une juste évaluation des fournisseurs

Un des principaux intérêts de ces mesures des coûts de non-qualité est d'obliger les différentes directions à se parler. Et notamment la direction des achats et la direction de la qualité, qui ont tout intérêt à collaborer. Notamment sur l'évaluation des fournisseurs : en effet, pour éviter de faire face à de la non qualité, le mieux est de faire appel à des fournisseurs de qualité. "Le filtrage pour contrôler les pièces reçues coûte cher. D'où la méthode développée dans l'industrie automobile qui consiste à manager les fournisseurs : un panel de fournisseurs est validé par la qualité selon un processus de sélection normé faisant intervenir un audit de l'organisation du fournisseur, de ses capacités techniques...", témoigne Philippe Tura, directeur des achats groupe de Radio Frequency System, qui a réalisé une grande partie de sa carrière dans le secteur automobile. La direction qualité, qui sait réaliser et analyser des audits qualité, est donc essentielle pour aider les achats à réaliser cette ­évaluation. Olivier Bruslé, directeur associé chez EY, parle de "valeur à risque" : "Issue du monde financier et étendue petite à petit au monde industriel, cette valeur permet de livrer une estimation du risque."

Achats et qualité doivent donc s'unir pour estimer le risque associé à chaque fournisseur. Une évaluation qui consiste à étudier les risques de faillite (grâce aux ressources en ligne par exemple), la qualité des produits délivrés... L'organisation est également importante, notamment les problèmes liés à la chaîne d'approvisionnement (comment se font les livraisons ?). "Pour cela, on peut se baser sur son expérience quand il s'agit de fournisseurs avec lesquels on a déjà travaillé. Pour un nouveau fournisseur, il faut s'attacher à ses références, à ses certificats...", pointe Olivier Bruslé. "Pour un nouveau fournisseur, la note est forcément inférieure puisqu'il y a une prise de risque. Ensuite, l'estimation peut se faire à travers des indicateurs extérieurs : chiffre d'affaires, localisation, références - on peut appeler d'autres clients -, pratiques... À partir de ces différents éléments, on établit une probabilité de retard possible qu'on chiffre en euros", ajoute Alexis Hernot.

L'objectif de cette évaluation est bien sûr de travailler en toute connaissance des risques de chacun des fournisseurs, afin de réduire au maximum les coûts de non-qualité, mais aussi de s'inscrire dans une démarche d'amélioration avec ses fournisseurs. Pour cela, plusieurs méthodologies peuvent être développées par la qualité. Par exemple, l'APQP (advanced product quality planning), un procédé emprunté au risk management : "Les risques sont classés en fonction de leur importance et de leur probabilité, l'objectif étant de s'attaquer en ­priorité aux risques à la fois les plus importants et les plus probables", décrit Philippe Tura, ajoutant que ce procédé s'applique bien aux achats de production. Autre méthodologie : le diagramme de Paretoqui permet de cibler les actions sur les causes de non-qualité les plus récurrentes : "Si, par exemple, on constate une récurrence sur les emballages défectueux qui font arriver des pièces cassées, il s'agit de mener une action ciblée auprès des fournisseurs afin qu'ils améliorent leurs emballages", explique Alain Girerd. Ce dernier souligne l'importance du suivi du fournisseur, afin de s'assurer qu'il est de son côté bien inscrit dans une démarche d'amélioration. " Il faut lui demander un plan d'action et suivre sa mise en oeuvre", estime-t-il.

Bien sûr, cette évaluation poussée ne peut et ne doit pas se faire sur l'ensemble des fournisseurs. L'objectif est de se concentrer sur ceux liés au core business, ceux dont la non-qualité aurait le plus d'impact sur l'organisation. "Le suivi de non-qualité doit se réaliser en priorité sur les composants critiques au sein des produits vendus qui peuvent, s'ils sont défectueux, entraîner une panne voire des dangers", indique Alain Girerd.

Lire la suite en page 3 : Le COQ, ou savoir perdre de l'argent pour en gagner... sans surinvestir


Le COQ, ou savoir perdre de l'argent pour en gagner... sans surinvestir

La direction des achats doit donc collaborer avec la direction administrative et financière et la direction de la qualité afin d'optimiser les coûts de non-qualité liés à son activité. Cette collaboration est également essentielle pour valoriser les actions de la direction achats en faveur de la qualité. Le Daf joue un rôle-clé pour estimer les coûts de non-qualité évités grâce à l'intervention de la direction de la qualité. C'est le fameux COQ (coût d'obtention de la qualité). Cela permet de définir quel est le bon niveau d'investissement préalable pour économiser de l'argent au final. Ou quels investis­sements aboutissent effectivement à quels résultats. S'il faut accepter de perdre de l'argent pour en gagner, il ne faut pas non plus surinvestir dans la qualité, au risque d'oeuvrer pour peu de résultats.

Philippe Petit, manager des formations achats au sein du groupe Cegos, conseille de jouer sur les deux tableaux en mettant en place des indicateurs de résultats (les coûts de non-qualité visibles) et des indicateurs de moyens (les moyens mis en oeuvre pour éviter la non-qualité). De quoi se rendre compte concrètement des moyens engagés pour quels résultats obtenus au final. "La difficulté pour le Daf est que ces moyens ne sont pas forcément tout de suite valorisables en euros : ils correspondent dans un premier temps à un taux de service. Même si l'objectif est, à terme, de les valoriser en euros, car c'est une valeur compréhensible par tout le monde et qui peut apparaître dans le compte de résultat, cela est prospectif et peut prendre du temps", avertit Philippe Petit.

D'où l'importance d'un dialogue et d'une collaboration entre toutes ces directions : pour comprendre les objectifs et contraintes de chacune, pour partager les visions, pour que chacun apporte ses compétences. "Les coûts de non-qualité peuvent peser 20 % du chiffre d'affaires, ce qui est énorme. Avec un bon processus, on peut les diviser par deux la première année et encore par deux la deuxième année", rapporte Alain Girerd. Une collaboration qui n'a jamais autant rapporté !

Philippe Petit


La qualité via la RSE - "Et si la RSE était la nouvelle façon de s'intéresser aux coûts de non-qualité?", questionne Philippe Petit, manager des formations achats Cegos. "Car les notions de people profit and planet incluent une dimension des coûts." En effet, se poser la question de la dimension RSE de ses fournisseurs permet de gagner en qualité: des entreprises qui prennent soin de l'environnement,d e leurs salariés et de leurs profits, ont de grandes chances de proposer des produits et des services de meilleure qualité que les autres. Une dimension à suivre de près lors du choix de nouveaux fournisseurs.

Lire la suite en page 4: Business case - Technip se concentre sur la qualité et l'amélioration continue

Technip se concentre sur la qualité et l'amélioration continue

Groupe spécialiste de l'ingénierie, des technologies et de la gestion de projet, Technip a lancé il y a quelques années un programme interne appelé Quartz qui vise à renforcer la culture de la qualité et à se concentrer sur l'amélioration continue. Dans le cadre de ce programme, l'objectif est de réduire les coûts de non-qualité, en les identifiant et en les analysant.

Marc Duval


"Les coûts de non-qualité ne sont pas négligeables dans la recherche de l'efficacité. C'est pourquoi nous les mesurons et les analysons tout en essayant de les réduire, afin de maintenir notre compétitivité", déclare Marc Duval, Group SVP Special Projects chez Technip - anciennement Group SVP Global Procurement & Construction.

Les coûts de non-qualité peuvent être mesurés dans les domaines d'activité types du groupe, lorsque les activités prévues ne respectent pas le planning et le budget. "En engineering, la non-qualité c'est typiquement refaire des documents ; en procure­ment / achats, c'est devoir se réapprovisionner ou ne pas être en mesure de livrer les équipements à temps, ce qui entraîne des coûts supplémentaires ; en construction / installation, par exemple, c'est modifier quelque chose de déjà construit pour le refaire au besoin", décrit Marc Duval.

Autre point de ce programme Quartz : le sourcing. "Nous avons déterminé une liste de fournisseurs approuvés. Une liste bien évidemment évolutive", rapporte Marc Duval. Face à de nouveaux fournisseurs importants, Technip emploie la méthode FMECA (Failure Modes Effects and Criticality Analysis), soit analyse des modes, des effets et de la criticité des défaillances). "Cette méthodologie va plus loin qu'un audit : nous recherchons les défauts et la criticité des défauts afin d'inciter les fournisseurs à mettre en place des améliorations", explique Marc Duval.

Surtout, le programme Quartz repose sur la collaboration pour l'amélioration continue. Par exemple, les problèmes constatés sont remontés pour être analysés, et les bonnes pratiques sont partagées. "Chaque collaborateur se sent concerné par la qualité du produit", souligne Marc Duval. Ce qui passe par beaucoup de communication interne, de la formation... et une omniprésence du service qualité auprès des opérationnels.

 
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