Renouveler ses véhicules : quelles énergies en 2020 ?
Pour les entreprises qui devront renouveler des véhicules dans les mois qui viennent, la partie s'annonce délicate. L'arrivée du WLTP et l'obligation de réduire le CO2 chahutent le marché automobile. Le choix des motorisations pourrait avoir des conséquences pratiques et fiscales.
Je m'abonneAu premier semestre 2019, l'essence représentait 34,53 % des parts de marché des VP. Quant au diesel, en recul, il pesait encore encore 57,45 % selon l'Arval Mobility Observatory (ex-Observatoire du véhicule d'entreprise) alors que les motorisations dites alternatives se partagent des miettes. Cet équilibre pourrait se modifier avec l'application du WLTP depuis le 1er janvier 2020. Cette norme de mesure des consommations et des émissions de CO2 se traduit par des valeurs d'émissions en hausse (par rapport au protocole actuel, NEDC corrélé). "Il faut s'attendre à une augmentation importante du TCO en raison de la fiscalité", avertit Caroline Disle, directrice de clientèle chez Fatec Group. Ce fleeter a déjà simulé cet impact sur certains clients. "Dans le cas d'un industriel qui a 230 VP en parc, de type Passat, Touran, 508, 3008, 508 ou Golf, la moyenne de CO2 était de 109 g, or elle va passer à 142 g avec le WLTP, soit 30 % de plus", mesure Caroline Disle. Dans le cadre fiscal actuel, sa TVS sera multipliée par 2,5, soit une charge passant de 97 000 à 245 000 euros.
Un autre changement taraude les constructeurs automobiles : l'entrée en vigueur de la norme CAFE (Corportate average fuel economy) à partir de 2021. Elle leur impose de ne pas dépasser un niveau moyen de CO2 calculé sur les ventes de l'ensemble de leur gamme sous peine de fortes amendes. Dans le cas des constructeurs généralistes, le plafond est fixé à 95 g. Certains, comme Toyota, qui a hybridé ses modèles en premier, restent zen, alors que Fiat ou Ford, par exemple, devront faire de sérieux efforts pour échapper à l'amende. Cette logique pousse les marques à renouveler leurs gammes et à multiplier les motorisations alternatives. Proposer un véhicule électrique dans son catalogue est la nouvelle panacée puisqu'il compte pour zéro gramme de CO2. De quoi rattraper le mauvais score des gros SUV thermiques, déjà pointés du doigt par le WLTP.
Trouver des alternatives
Un dernier changement concerne les entreprises qui comptent plus de cent véhicules en parc. La loi d'orientation des mobilités (LOM) les contraint à introduire des motorisations à faibles émissions lors des renouvellements : 10 % en 2021, jusqu'à 50 % en 2030. Le même sort s'appliquera aux VUL à partir de 2023. "On est arrivé à un creux dans le coût des parcs automobiles car les mesures d'émissions de CO2 inexactes incitaient à rouler en tout diesel. Désormais, le marché se retourne en cherchant également à diminuer les NOx et les particules", analyse Marc Charpentier, directeur commercial de One Lease.
Sans compter une autre mesure annoncée: la création de zones de circulation restreintes et la fermeture de certains centres-villes aux véhicules diesel. "Les clients sont plus sensibles aux restrictions de circulation qui se profilent qu'à la norme WLTP", observe Vincent Hauville, directeur général délégué de Diac Location. Pourtant, les volumes de ventes de modèles thermiques restent stables. "Lorsqu'un client choisit un véhicule essence ou diesel, c'est basiquement en fonction de la loi de roulage, rappelle Vincent Hauville. Elle restera un juge de paix tant que les autres motorisations n'auront pas un avantage probant pour les forts kilométrages." En revanche, pour des usages moins intensifs, l'intérêt porté au gazole s'effrite. Tel est le cas des citadines que les particuliers boudent désormais en occasion. "Des petits véhicules diesel de 90 chevaux voient leur TCO augmenter, car il existe une incertitude sur leur niveau de revente, constate Marc Charpentier. Si l'on excepte les commerciaux qui font 200 kilomètres par jour, l'hybride rechargeable est une véritable alternative au diesel car le conducteur reste libre de décider de rouler avec le moteur électrique".
Des attraits pour l'hybride
L'hybride rechargeable, comme l'électrique deviennent les seules motorisations capables de remplir le quota de 10% des véhicules à faibles émissions en 2021. Certes, ces véhicules coûtent plus cher que les thermiques, mais ils se démocratisent. En témoigne l'arrivée, cet automne, de la Peugeot 208 disponible en version électrique et hybride rechargeable. En outre, le calcul du TCO n'est pas si défavorable que cela en raison de valeurs résiduelles élevées. "Sur les hybrides rechargeables, les valeurs résiduelles sont plus soutenues que sur des motorisations thermiques, car la demande est relativement forte par rapport à une offre encore limitée, analyse Yoann Taitz, directeur des opérations chez le coteur Autovista. Ce constat devrait perdurer pendant les trois ou quatre prochaines années, le temps que se constitue un marché de l'occasion."
En ce qui concerne les modèles électriques, l'équation est plus délicate à résoudre : les particuliers sont peu friands de ces véhicules en occasion, sauf comme deuxième voiture à un prix plafond inférieur à 10?000 euros. Illustration avec les Renault Zoe mises à la route il y a trois ans, qui se revendent facilement, mais au plus juste. "Les constructeurs vont être obligés de sponsoriser les valeurs résiduelles des véhicules électriques car ils ont besoin de les vendre", ajoute l'analyste. Pour les entreprises, c'est le moment de négocier leurs acquisitions. Les constructeurs cherchent en effet à multiplier les ventes de véhicules peu émissifs qui seront prises en compte dans le calcul de leurs objectifs CAFE pour l'année suivante.
Revoir la car policy
Les professionnels dont les lois de roulage imposent du thermique, devront se tourner vers les moins émissifs. "L'entreprise peut baisser le niveau des motorisations quitte à offrir des équipements en compensation", souligne Caroline Disle. Par ailleurs, le calcul du prix de revient kilométrique (PRK) devient plus complexe pour des modèles mis à jour dont les caractéristiques telles que la périodicité d'entretien sont méconnues."Le WLTP a un impact sur notre fonction de conseil. Sauf dans le cas où le choix des véhicules est fait directement par le collaborateur, nous souhaitons faire des préconisations au client en fonction du kilométrage pour déterminer les PRK optimaux", explique Vincent Hauville. Ce dialogue avec le loueur doit également s'engager sur le choix des équipements pour choisir des configurations qui n'aggravent pas le score CO2 . Enfin, si le mix énergétique global de l'entreprise doit se traduire par une dégradation des émissions, son impact financier peut s'atténuer en jouant sur la prolongation des contrats en cours. "Renouveler 20% du parc sur 5 ans permet de lisser l'augmentation de la TVS selon une courbe croissante", précise Caroline Disle. Le temps également de saisir de futures opportunités en fonction des renouvellements d'offre des constructeurs et des évolutions de la fiscalité.
"L'entreprise peut baisser le niveau des motorisations quitte à offrir des équipements en compensation" - Caroline Disle, directrice de clientèle chez Fatec Group
Témoignage - Siemens abaisse son CO2 grâce à l'électrique
En France, le groupe Siemens a introduit dans sa car policy le véhicule électrique combiné à un crédit mobilité. Pour que la transition s'opère en douceur, le choix est laissé aux collaborateurs. Depuis la COP21, le groupe allemand a pris un engagement environnemental : atteindre la neutralité carbone d'ici 2030. Dans le viseur, la flotte automobile constitue la troisième source d'émission de CO2 . En France, ce sont 2 500 véhicules dont 99 % de diesel, surtout des VP. "Notre programme est calé sur celui des constructeurs avec l'objectif de 95g de CO2 en 2020", affirme Patrick Petit, responsable des achats indirects groupe en France. La car policy est déjà orientée en ce sens avec huit catégories définies par leurs limites de CO2 (de 100 g à 130 g pour le top management) et des puissances qui ne doivent pas dépasser 150 chevaux. Dernière évolution en date, l'ouverture aux véhicules électriques à partir du quatrième niveau de véhicules. Plutôt que de rouler en Renault Mégane, Kadjar ou encore en Volkswagen Passat diesel, les collaborateurs peuvent opter pour une BMW i3, une Nissan Leaf, une Renault Zoe ou une Tesla Model 3. Ceux qui ne sont pas prêts à renoncer totalement au thermique (pour leurs trajets privés notamment), ont une autre possibilité: un véhicule électrique au quotidien complété par un crédit mobilité. Siemens a retenu l'offre Flex2Use d'Athlon qui permet de profiter des modèles référencés dans la car policy (à l'exception de la Tesla) et d'un nombre de crédits (variable selon le modèle choisi) utilisables pour louer un véhicule thermique plus grand, pendant les vacances par exemple. Le couple optimal est atteint avec la Zoe qui permet de profiter de 50 jours de location.
Laisser un choix
"Avec la DRH, nous avons laissé aux collaborateurs la possibilité de moduler leur participation pour bénéficier de davantage de jours de location", précise Patrick Petit. Sur l'ensemble du personnel, 20% ont un profil de roulage adapté à une mobilité en véhicule électrique.Pour éviter des choix inadaptés,l'entreprise administre d'abord un questionnaire sur son intranet, qui écarte les conducteurs dont le kilométrage est trop important. "La clé est le kilométrage quotidien car les moyennes mensuelles ne suffisent pas à savoir si un véhicule électrique peut satisfaire le besoin", avertit Patrick Petit. Avant de valider le choix du 100% électrique, un deuxième questionnaire entre dans le détail de l'utilisation quotidienne. Par exemple, comment le collaborateur a-t-il prévu de recharger son véhicule? Les résultats se traduisent par une préconisation : véhicule électrique uniquement ou offre Flex2Use. Un simulateur permet au conducteur d'évaluer l'avantage en nature lié à l'abandon de son véhicule diesel et le nombre de crédits mobilité. Pour l'instant, les candidats à la mobilité électrique sont encore peu nombreux, mais les deux possibilités offertes par Siemens correspondent à une variété des besoins puisqu'elles sont choisies dans des proportions égales. De leur succès dépendra, en partie, l'abaissement de la moyenne des émissions de CO2 de la flotte, de 104 à 95g l'année prochaine.