Réformes fiscales et avantages en nature : les bonnes pratiques à mettre en place
Nouveau système de Bonus-Malus, avantages en nature rediscutés, TVS changeante, amortissements à anticiper... le terrain est mouvant, les règles changent et la fiscalité ne pardonne pas l'inaction. Comment intègrer la reforme fiscale à sa stratégie d'achats, sans sacrifier la performance ni la mobilité. Avis d'expert avec David Decultot, directeur conseil chez Ayvens France qui voit dans cette instabilité une opportunité pour transformer les pratiques.

Comment les entreprises peuvent-elles anticiper les réformes fiscales sans bouleverser leur stratégie d'achats automobiles ?
David Decutot : L'enjeu principal est celui de naviguer dans un paysage fiscal qui évolue constamment. Cette année, on a vu trois temps forts : d'abord, une première salve d'annonces fiscales en fin décembre ; ensuite, l'adoption définitive de la loi de finances mi-février, enfin, la réforme des avantages en nature, qui a surpris tout le monde.
Face à cette instabilité, les entreprises doivent anticiper. On ne peut plus se contenter d'attendre les décrets. Ce que l'on constate, c'est une montée en puissance des dispositifs d'accompagnement. Pour ce faire, nous organisons régulièrement des webinaires, des ateliers et des rendez-vous clients personnalisés pour décrypter les impacts et ajuster les politiques d'achat automobile. Un exemple ? On a connu une grosse demande des clients pour des éclairages et du conseil après l'annonce de la fin des exonérations de TVS pour les véhicules hybrides et hybrides rechargeables. C'est un changement majeur que peu avaient anticipé.
L'approche consiste à revoir la stratégie de mobilité de manière globale, en intégrant la réglementation fiscale comme un des piliers. Aujourd'hui, un acheteur doit avoir un oeil non seulement sur les émissions de CO2, mais aussi sur le poids des véhicules, car le malus au poids est devenu un facteur clé, notamment pour les véhicules de direction.
Quels indicateurs permettent d'évaluer concrètement l'impact fiscal d'une flotte automobile ?
D. D. : L'outil central aujourd'hui, c'est le TCO élargi (Total Cost of Ownership). Il ne s'agit plus simplement de comparer un loyer mensuel. Si l'on ne considère que le loyer, un véhicule électrique peut paraître plus onéreux. Il faut intégrer trois blocs. En premier temps on parle de coût du véhicule (loyer, maintenance, assurance). Apres, le coût de l'énergie (carburant ou électricité) et enfin c'est la fiscalité, c'est-à-dire les malus CO2, le malus au poids, la TVS, les limites d'amortissement fiscal, et bien sûr, les avantages en nature.
On a développé un outil dédié, le TCO Green Scorecard, qui permet aux entreprises de tester plusieurs hypothèses avec des véhicules de leur car policy. Prenons un cas concret analysé récemment : une Peugeot 3008 hybride face à sa version 100% électrique. Sur le papier, l'électrique coûte 35% de plus en loyer. Mais quand on intègre les coûts d'énergie (quasiment divisés par deux) et surtout la fiscalité bien plus avantageuse, le TCO de l'électrique ressort inférieur de 9%, et ce même en intégrant le coût de la borne de recharge à domicile.
Ce genre d'analyse peut change les biais clients sur l'électrique. Beaucoup pensent encore que le véhicule électrique est trop cher. Mais à TCO égal, il est souvent plus compétitif qu'un thermique ou un hybride, même pour des grands rouleurs.
Est-ce que la réforme des avantages en nature modifie les critères de sélection des véhicules ?
D. D. : La réforme a des effets très concrets. D'abord, elle modifie la valeur déclarée de l'avantage pour le collaborateur, ce qui peut impacter son impôt sur le revenu. En réaction, les entreprises sont nombreuses à réviser leur car policy pour intégrer des véhicules moins fiscalisés, donc plus électriques.
Mais ce n'est pas seulement un arbitrage fiscal. Il y a aussi un volet technique. Le choix d'un véhicule électrique suppose d'intégrer les coûts de recharge et, souvent, le coût d'installation d'une borne au domicile du collaborateur. Ce coût peut sembler dissuasif, mais il est stratégique.
Prenons un exemple concret : la borne au domicile, bien qu'elle représente un coût initial, est souvent l'élément qui va convaincre le collaborateur de franchir le pas de l'électrique. Une fois équipée, la recharge est simplifiée, l'autonomie est optimisée (300 à 400 km selon les modèles), et la recharge publique devient marginale. En retour, l'entreprise gagne en compétitivité sur le TCO, et en satisfaction collaborateur.
Quels sont les avantages et les limites concrètes de l'électrification des flottes en réponse aux réformes ?
D. D. : L'électrification est devenue un passage obligé. D'abord à cause de la LOM qui impose aux flottes de plus de 100 véhicules des objectifs de verdissement. Ensuite, parce qu'on a vu apparaître une nouvelle taxe cette année : la taxe annuelle incitative sur les faibles émissions, qui pénalise les entreprises qui n'atteignent pas les seuils de verdissement.
Mais cette électrification n'est pas sans coût. Il faut adapter les infrastructures, anticiper les usages, former les collaborateurs. Pourtant, le gain est réel. Dans notre analyse TCO citée précédemment, on constate jusqu'à 10 % d'écart en faveur d'un modèle électrique, borne incluse. Autrement dit, même avec l'investissement initial, l'électrique devient plus rentable à moyen terme.
Mais de nombreux freins existent : le prix catalogue, les réticences internes, le maillage de recharge publique. Mais avec une approche structurée (analyse TCO, accompagnement personnalisé, installation de bornes), ces freins sont aujourd'hui largement surmontables.
Quelles recommandations retenir pour accompagner les entreprises dans ces évolutions fiscales ?
D. D. : Se préparer, c'est se faire accompagner et cela passe par exemple par la mise à disposition de benchmarks sectoriels pour situer l'entreprise face à ses pairs, mais aussi par des enquêtes internes pour mieux comprendre les freins des collaborateurs. Des outils de pilotages nous permettent aussi de mesurer la consommation spécifique liée à la recharge du véhicule de fonction, de rembourser le collaborateur, et de refacturer directement à l'entreprise, garantissant une parfaite traçabilité en cas de contrôle. L'adoption passe aussi par le test. Enfin l'agilité doit aller de pair avec les usages. Nous proposons par exemple de substituer temporairement un véhicule électrique par un véhicule thermique pendant un nombre de jours définis dans l'année, facilitant ainsi l'acceptation du changement.
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