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Travel management : se réinventer grâce à de nouvelles valeurs

Publié par Lisa Henry le | Mis à jour le
Travel management : se réinventer grâce à de nouvelles valeurs

Dans le prolongement de l'écoresponsabilité qui modifie à grande vitesse les choix du tourisme d'affaires, l'inclusion et la défense de minorités deviennent des porte-drapeaux créateurs de valeur. Pour de nombreuses organisations, voyager à nouveau signifiera sans doute voyager mieux.

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Le marché du voyage d'affaires semble être entré durablement dans une nouvelle ère. Ainsi, 63% des personnes interrogées pensent que le volume global des déplacements professionnels restera inférieur à celui d'avant la crise du Covid-19, en raison de la complexité accrue des voyages et des préoccupations liées à la durabilité environnementale, révèle une étude menée en 2021 par Amadeus auprès des fournisseurs du secteur. Même si seulement 22% des interlocuteurs voient la vidéoconférence supplanter les échanges avec les clients, 77% d'entre eux pensent qu'elle remplacera les réunions physiques en interne.

Le tourisme d'affaires en quête d'exemplarité

Et si le second souffle du tourisme d'affaires passait par la quête de l'exemplarité ? Alors que les actions RSE concernent progressivement toutes les directions au sein de l'entreprise, les déplacements professionnels se doivent de faire peau neuve, et il ne s'agit pas uniquement de se doter d'une image redorée. "On constate une volonté des clients de disposer d'un outil et des éléments permettant de savoir ce que cela signifie réellement d'être durable. Les entreprises attendent des informations sur ce plan. Nous sommes d'ailleurs de plus en plus souvent amenés à discuter avec des responsables RSE non nécessairement liés au voyage", témoigne Julie Avenel, vice-présidente de la division Consulting d'American Express Global Business Travel (Amex GBT). Parmi les entreprises très demandeuses, on trouve bien sûr de grandes organisations ayant des obligations RSE importantes, mais aussi de plus petits acteurs. "C'est une demande qui, bien souvent, émane directement des voyageurs", ajoute-t-elle.

Amélie Berruex, directrice générale du cabinet de conseil Axys Odyssey, mentionne elle aussi "une modification durable du travel management, sous l'effet de la crise sanitaire. Une partie des voyages d'affaires - de 20 à 30% selon les études - semble s'être évaporée définitivement, même si se déplacer reste central pour conclure des affaires, pour aller à la rencontre du client. Parallèlement, depuis la crise sanitaire, les directives RSE redescendent davantage au niveau du travel management. Les achats de voyage sont désormais concernés par ces notions au même titre que dans d'autres domaines."

L'éthique comme levier de résilience

Les nouvelles valeurs d'inclusion et d'écoresponsabilité se présentent comme un facteur crucial qu'il s'agit désormais de prendre en compte, "particulièrement dans les communications marketing et les annonces. C'est l'un des premiers conseils que nous donnons à nos partenaires. De manière générale, nous avons constaté que les voyageurs, notamment ceux âgés de moins de 40 ans, accordent une grande importance aux expériences de voyage fondées sur certaines valeurs sociales et sociétales", remarque Antoine Walter, directeur Market Management France chez Expedia Group.

La conscience écologique et l'inclusion figurent parmi les notions les plus considérées sur ce plan. Dans leur sphère privée 52% des Français sont prêts à dépenser plus pour rendre leur voyage plus durable. De la même manière, 65% des voyageurs internationaux (67% des voyageurs français) se disent plus enclins à réserver auprès de fournisseurs ayant une politique axée sur l'inclusion, indique "l'Index des priorités voyageurs" publié par Expedia Group en juillet 2021. Cette démarche inclut les logements gérés par des femmes, des personnes appartenant à des minorités discriminées en raison de leur couleur de peau ou encore des prestataires mettant en avant l'accueil de membres de la communauté LGBTQIA+ et de personnes handicapées. "Ces valeurs concernent l'ensemble des voyageurs et les voyageurs d'affaires ne font pas exception", constate Antoine Walter.

La société de réservation hôtelière Orbitz fait partie des acteurs ayant franchi un cap sur ce plan. Elle propose désormais une fonctionnalité qui vise à mettre en avant les partenaires d'hébergement qui ont signé un engagement d'inclusivité contre la discrimination fondée sur le genre et l'identité sexuelle.

Les jeunes générations jouent un rôle de catalyseur du changement dans ce domaine. C'est en tout cas ce que révèlent les enquêtes menées par Expedia Group. "60% des personnes interrogées âgées de plus de 40 ans, c'est-à-dire la génération X et les baby-boomers, affirment qu'elles sont susceptibles de réserver un hébergement inclusif. Ce chiffre passe à 77 % pour les moins de 40 ans, c'est-à-dire les milléniaux et les voyageurs de la génération Z", souligne Antoine Walter.

Ne pas se limiter aux déclarations d'intention

L'enjeu de la prise en compte de ce virage valorisant l'éthique et la responsabilité est de pouvoir quantifier l'atout qu'il peut représenter et de transformer une volonté affiché et actions concrètes. Sur un plan écologique, Amex GBT a récemment lancé Green Compass, dont l'objectif est d'aider les entreprises à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre tout en maintenant leurs voyages professionnels. Le but est d'équiper les travel managers d'informations, de leur soumettre des scénarios quantitatifs sur les gains RSE. La démarche vise à aller plus loin qu'un énième rapport sur les émissions de CO2. Sur la base des priorités, des préférences, des contraintes de déplacement et du degré d'acceptabilité pour les collaborateurs, l'idée est de fournir des données tangibles, concrètes, permettant de faire facilement les meilleurs choix.

Dans la lignée de la préservation environnementale, "les valeurs relatives à la diversité, à l'inclusion deviennent de plus en plus des notions clés dont les organisations doivent tenir compte. Elles ont été mises en exergue par la pandémie qui a probablement eu sa part d'influence sur le sens à donner aux actions. La crise sanitaire a été l'occasion de s'interroger sur ce sujet. Des groupes destinés aux problématiques d'inclusion ont été créés au sein d'Amex GBT. Le but est la sensibilisation aux enjeux des inégalités hommes - femmes, de l'inclusion de salariés souffrant de handicap ou discriminés en raison de leurs origines ethniques", précise Julie Avenel.

Relever des défis complexes

Le rapport aux valeurs est aujourd'hui décrit comme un des drivers de la satisfaction des employés. Il s'agit d'un mouvement fort, porté par ces derniers mais aussi la société en général. "Mais dans certaines régions du monde, ces questions peuvent être très difficiles à soulever, en raison des différences engendrées par le niveau d'éducation, de culture, par les influences religieuses. La valorisation des notions d'inclusion est de ce fait plus compliquée que pour l'écoresponsabilité qui rassemble plus facilement les organisations, quelles que soient leur culture ou leur région du monde", explique Julien Avenel.

D'autres initiatives voient le jour : la plateforme de réservation de voyages en bus et train Trainline a noué un partenariat avec ADA Tech School, une école dont les processus pédagogiques sont pensés pour être inclusifs et combattre la sous-représentation des femmes dans certains secteurs comme le numérique où moins de 20% des personnels sont des salariées.

Pour autant, il importe de prendre les devants pour "éduquer, inciter, inclure des clients, des fournisseurs dans ce type de démarche, afin d'identifier concrètement les bonnes pratiques, les actions intéressantes pour aborder ces questions sans heurter son prochain", poursuit-elle. Un défi d'autant plus ambitieux dans des groupes internationaux où les valeurs peuvent être très variables selon les continents, les pays et les attentes de la société.


Pour aller plus loin : Vers un MICE durable ?

L'impact environnemental s'invite en tant que nouveau critère de choix constituant un critère pour les entreprises et organisateurs. Des normes telles que l'ISO 20121 qui promeuvent le développement durable dans le secteur événementiel, et qui abordent des aspects de responsabilité sociale, économique et environnementale sont désormais suivies par un nombre de collectivités et d'associations qui croit. Entre autres, à Antibes, l'office de tourisme et des congrès travaille à obtenir cette certification en mettant en place des critères de sélection des fournisseurs axés sur la responsabilité sociale et environnementale, en réduisant la pollution numérique grâce à une plateforme de partage de documents, et en visant une économie d'énergie de 5 %, entre autres. Rappelons qu'en février 2023, l'Unimev a signé un accord avec le gouvernement pour promouvoir une croissance verte en ciblant cinq types de déchets : moquette, tissu, bois, alimentaire et signalétique. Lors du dernier congrès des maires, la moquette a été évitée sur une partie des espaces, et des efforts ont été déployés en collaboration avec les traiteurs pour redistribuer les invendus via des associations. En matière de restauration, le palais des congrès de Poitiers a travaillé à la création de menus plus respectueux de l'environnement. Par ailleurs, France Congrès et événements a lancé son propre label, "Destination tourisme durable".


Pour des prestataires responsables

Pas d'exemplarité sans travail d'équipe et sans prestataires responsables. C'est ainsi que l'on pourrait résumer les recommandations de l'AFTM, édité dans un livre blanc sur le voyage d'affaires et la RSE, paru en 2020. Pour l'association, en sélectionnant des prestataires tels que des agences de voyage, des compagnies de taxis ou des chaînes hôtelières sur la base de critères incluant ceux de la RSE, les directions achats ont un rôle essentiel à jouer dans l'orientation et la durabilité des choix futurs des voyageurs d'affaires.

Il s'agit par ailleurs d'impliquer toutes les parties prenantes en interne, par la sensibilisation et la lutte contre les stéréotypes et les discriminations à l'égard de catégories de personnels comme les salariés handicapés. Certaines solutions de l'entreprise, notamment numériques, doivent également être optimisées pour mieux tenir compte de cette population. Enfin, mettre en place concrètement des actions d'inclusion passe par des nécessaires au sein des outils de réservation, par exemple quant à la définition du genre lorsqu'on propose de remplir un formulaire d'identité.

 
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