Intelligence artificielle: Pourquoi les ETI hésitent-elles encore ?
Si l'intelligence artificielle s'invite aujourd'hui dans toutes les conversations stratégiques, son adoption dans les PME et ETI françaises reste lente et inégale. Une étude menée par Bpifrance auprès de plus de 1 200 dirigeants, interroge les freins persistants, mais aussi les leviers d'action à la portée des équipes dirigeantes. Décryptage.

Alors que les outils d'intelligence artificielle n'ont jamais été aussi accessibles, pourquoi les ETI et les PME françaises hésitent-elles à sauter le pas ? L'intelligence artificielle, qu'elle soit générative ou non, englobe bien plus que les désormais célèbres chatbots. Elle recouvre aussi des systèmes d'aide à la décision, des algorithmes de prévision, des outils d'optimisation logistique ou encore de maintenance prédictive. Des solutions qui, théoriquement, devraient séduire les directions achats en quête de gains de productivité, de maîtrise des coûts et de meilleure visibilité sur les chaînes d'approvisionnement. Mais dans les faits, l'adoption reste limitée.
Sur le terrain, " l'adoption se fait de façon soutenue, raisonnée et raisonnable. " estime Philippe Mutricy, directeur des études de Bpifrance. Clairement, l'intérêt est réel, mais les dirigeants avancent prudemment.
L'IA fait son chemin dans les esprits, pas encore dans les plans d'action
C'est une " révolution tranquille ", affirme le directeur des études de Bpifrance. L'étude récemment présentée par la banque publique d'investissement sur l'adoption de l'IA dans les PME et ETI révèle une prise de conscience massive mais encore timide en matière de mise en oeuvre. Les dirigeants voient bien que l'IA représente un enjeu de pérennité. À court terme, ils sont 40 % à le penser. Et à trois à cinq ans, ce chiffre grimpe à plus de 50 %. Pourtant, seul un tiers des entreprises interrogées ont franchi le cap de l'expérimentation ou de l'usage régulier.
Dans le détail, l'IA générative séduit davantage, avec 26 % d'adoption (dont 8 % d'usages récurrents). " On est sur un quasi-doublement par rapport à il y a un an ", relève Bao-Tran Nguyen, responsable du pôle études. L'accès gratuit à des outils comme ChatGPT et la simplicité d'usage jouent évidemment leur rôle. Mais l'intérêt ne fait pas tout. L'ombre d'une adoption sans stratégie plane. " On voit aussi beaucoup de shadow AI se développer dans les entreprises ", prévient Élise Tissier, directrice de Bpifrance Le Lab. Quel est le constat ? Des expérimentations isolées, souvent par des salariés seuls, sans coordination ni cadre.
Et pour cause, les obstacles sont nombreux. Coûts jugés élevés, incertitude sur le retour sur investissement, technologies perçues comme encore instables... Bao-Tran Nguyen illustre : " Si un dirigeant dit que son POC est fonctionnel, mais pour passer à l'échelle, il doit financer une interface utilisateur qui peut chiffrer jusqu'à plusieurs centaines de milliers d'euros. Il ne les a pas. " À cela s'ajoutent les craintes autour des mauvais usages et de la cybersécurité, évoquées désormais par 30 % des dirigeants, contre seulement 10 % en 2023. La prudence est palpable.
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Faire de l'IA sans le savoir ou monter en savoir-faire sur l'IA ?
L'étude montre qu'un facteur fait toute la différence et c'est la maturité digitale de l'entreprise. Dans les structures ayant déjà commencé leur transformation numérique, l'adoption de l'IA est cinq fois plus élevée. À l'inverse, 43 % des PME et ETI interrogées n'analysent pas leurs propres données. Une lacune de taille, puisque " si tout le monde adopte le chatbot généraliste, tout le monde a accès à la même technologie. Ce qui fera la différence, c'est la personnalisation nourrie par vos propres données ", explique Tatiana Lluent, responsable d'études stratégiques de Bpifrance Le Lab..
C'est ici que les directions achats ont un rôle clé à jouer. Identifier les bons cas d'usage, structurer les données fournisseurs, améliorer les prévisions de besoins ou d'approvisionnement. L'IA a tout pour optimiser la chaîne de valeur... à condition de partir des besoins métiers. Certaines entreprises pionnières l'ont compris et ont mis en place des groupes de travail multi-départements. Réunions toutes les deux semaines, réflexion collaborative sur les cas d'usage pertinents, implication volontaire des salariés. Une approche organique et inclusive qui prépare mieux l'entreprise à l'intégration de l'IA dans ses processus.
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Et parce que la peur de l'IA reste souvent une affaire de méconnaissance, la formation fait figure de passage obligé. Deux tiers des entreprises utilisatrices proposent désormais des modules de formation pour accompagner leurs collaborateurs. Une bonne pratique à suivre de près : " Les points bloquants, les vrais besoins métiers sont à trouver en questionnant les employés ", insiste Tatiana Lluent.
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