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Multitechnique : un marché sous tension

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Multitechnique : un marché sous tension

Sous l'effet de la crise économique mais aussi de nouvelles demandes de la part des donneurs d'ordres, le marché du multitechnique traverse une période de tension. Entre pression à la baisse sur les prix et exigences de qualité en hausse, les acteurs du marché sont en quête d'un nouvel équilibre.

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C'est une sorte d'effet domino : quand les entreprises toussent, leurs prestataires s'enrhument. Avec le ralentissement économique amorcé en 2008, nombre d'entreprises ont réorganisé leur production, parfois en abandonnant des sites ou en les regroupant. Un mouvement qui n'est pas sans conséquence pour les prestataires multitechniques qui en assuraient l'exploitation. Second effet domino : une recherche d'économies sur tous les postes. Aux discussions engagées lors des renouvellements de contrats s'ajoutent désormais des renégociations de plus en plus fréquentes en cours de contrat.

Or la nature même de ces échanges se modifie. Parmi les directeurs de services généraux ou de l'environnement de travail, disposant d'une expérience de ces marchés, toute une génération est en passe de faire valoir ses droits à la retraite. Parfois, leurs entreprises en profitent pour supprimer cette fonction en interne et pour l'externaliser. Dès lors, le marché des prestations multitechniques est en train de changer de mains au profit de la fonction achat. Mais, comme l'observe Denis Szkobel, président du Sypemi (Syndicat professionnel des entreprises de multiservice immobilier et de facilities management), "Nous contractualisions avec des prescripteurs qui étaient avant tout attentifs aux règles de l'art du métier et à la bonne exécution de la prestation. Désormais, la priorité est la recherche d'économies drastiques, ce qui peut déséquilibrer la relation commerciale en faveur des donneurs d'ordres."

Une relation plus formalisée

Si le Sypemi tire le signal d'alarme c'est d'abord parce que cette pression se traduit par une érosion des marges. En l'espace de quelques années le résultat courant des prestataires mutitechniques, qui était en moyenne de 5 %, a fondu à moins 1 %. Conséquence : là où un prestataire pouvait prendre à sa charge certaines dépenses imprévues, ou les deux parties pouvaient discuter de leur répartition le moment venu, il n'y a plus de possibilité. Avec la tension sur les prix, cette marge de manoeuvre disparaît, remplacée par un plus grand formalisme des contrats. Tout doit être prévu au détriment d'une certaine souplesse dans la gouvernance des contrats qui existait jusqu'alors.

Autre répercussion : une difficulté à atteindre un niveau de qualité exigé qui n'a pas diminué, bien au contraire, dans un contexte de guerre des prix, donc de réduction de moyens. Les demandes des entreprises couvrent désormais des champs plus larges, du pilotage de la performance énergétique à l'intégration d'installations pour les véhicules électriques. "Pour gérer des bâtiments de plus en plus complexes, nous avons besoin d'une main d'oeuvre qualifiée" , souligne Denis Szkobel. "Il faut donc pouvoir former et rémunérer ces techniciens, or, aujourd'hui, il existe un risque de dumping social." Là où un contrat prévoyait dix personnes pour une prestation, sa nouvelle mouture n'en prévoit plus que cinq par exemple.

Dernière conséquence, une dégradation des conditions de travail des équipes de maintenance et parfois des risques pour la sécurité. Absence de douches (pourtant obligatoires pour les personnels permanents), de local pour stocker le matériel et parfois de bureau pour travailler, voire de connexion à Internet (paradoxal à un moment où l'exigence de reporting en temps réel n'a jamais été aussi forte).

Enfin, certaines économies ont été recherchées sur le rythme d'entretien des installations (réduction des cycles de maintenance), ce qui se traduit par une vétusté plus rapide des matériels et leur moindre fiabilité. Quant au respect des normes, il devient parfois un enjeu de sécurité pouvant conduire à l'exercice du droit de retrait du prestataire. Intervenir sur une toiture de nuit, par exemple, nécessite un cheminement éclairé et sécurisé. Une telle dépense, à la charge du donneur d'ordres, n'est pas toujours effectuée.

Lire la suite en page 2 : Les prestataires proposent de nouvelles réponses


De nouvelles réponses

Première réponse des prestataires : l'élaboration en cours, d'une nouvelle génération de contrats qui sera plus précise en ce qui concerne les formules de révision de prix ainsi que les délais de paiement. Ces documents intégreront également des clauses définissant les obligations du donneur d'ordres en termes de sécurité. En attendant, le marché s'adapte par une tendance à la concentration des entreprises pour rester rentable. Les marges unitaires par contrat ayant fondu, il est nécessaire de faire du volume pour maintenir la tête hors de l'eau.

Autre tendance, le regroupement des prestations. "Nous pouvons réaliser des économies d'échelle grâce à des lots regroupés en mutualisant des ressources sur un périmètre plus large", explique Éric Lamendour, directeur marché tertiaire de Cofely services. Par ailleurs, ce prestataire mise sur l'accompagnement de ses clients vers une meilleure efficacité énergétique (par exemple avec "D'Effi", une prestation d'accompagnement des utilisateurs vers les bons comportements) associée à la maintenance multitechnique.

En réponse à la disparition progressive de l'expertise technique du côté des donneurs d'ordres, les entreprises de multitechnique développent une offre de pilotage sous forme de prestation distincte. Plus que sur les prix des prestations de maintenance, déjà tirés au maximum, c'est sur ce type de prestations que se situent aujourd'hui les véritables marges. Certes la prestation a un coût (20 à 25 % du prix de la redevance versée au mainteneur), mais l'équation mérite d'être posée : "Il convient de raisonner en termes de TCO et non en dépense pure", insiste Éric Lamendour. "Les entreprises doivent évaluer ce que représente cette dépense par rapport à une gestion réalisée en interne avec des contrats souscrits auprès de différents fournisseurs."

Réactivité et proximité

D'autres acteurs du marché ont misé sur une maîtrise en interne d'une gamme complète de prestations. Au sein du groupe Atalian, MTO Eurogem mise sur la "variabilisation", comme l'explique son p-dg, Antoine Terzikhan : "Nous pouvons adapter tous nos contrats en cas de variation de la surface, par exemple, tout en répercutant ce changement sur d'autres prestataires multiservices du groupe." Malgré des contrats de plus en plus normés, la société essaie de faire preuve de souplesse: lorsqu'un de ses clients dans l'aéronautique a dû stopper sa production dans une de ses usines, MTO Eurogem a adapté ses moyens sans rien réclamer. Un effort commercial qui a rassuré le client et permis d'obtenir d'autres prestations par la suite. "Nous restons un métier de dépannage et le client apprécie d'avoir un prestataire capable de régler ses problèmes", martèle Antoine Terzikhan.

Enfin, les relations contractuelles évoluent vers l'intégration de prestations à plus forte valeur ajoutée. Au-delà de la maîtrise des consommations énergétiques et du développement durable, les nouvelles technologies ouvrent des perspectives en termes de gestion et de reporting. Un créneau sur lequel Spie s'est positionné en intégrant le pilotage d'un ensemble d'équipements via le réseau IP. "Avec la mutation numérique, que nous appelons "smartification", nous ne nous contentons pas de régler techniquement une installation", explique Alfredo Zarowsky, directeur général adjoint en charge et la stratégie et du développement. "Nous sommes capables de la gérer et de la manager avec un engagement de performance."

Quand la relation entre donneur d'ordre et prestataire multitechnique est profitable aux deux parties

A la communauté d'agglomération de Saint-Étienne le marché passé avec Spie en 2010 pour le musée d'art moderne démontre qu'une utilisation ciblée de l'expertise du donneur d'ordres peut être efficace et surtout rentable. La collectivité a signé un contrat de performance énergétique à l'occasion du remplacement d'un groupe chaud/froid qui était vétuste. Comme elle possède une expertise technique, l'agglomération a conservé la fonction pilotage et elle a également réalisé elle-même l'investissement (514 000 €).
Spie a été chargée des travaux et de la maintenance avec un engagement de performance : diminuer de 46 % les consommations d'électricité et de gaz de cette installation d'ici 2014. En 2013, première année d'exploitation complète, la réduction effectivement réalisée a été de plus de 56 %. "L'économie sur nos dépenses d'énergie a représenté 39 952 € en 2013", se félicite Marc Gallet, chargé du patrimoine à Saint-Étienne Métropole. Une performance qui couvre largement la rémunération accordée au prestataire (15 500 € de redevance annuelle) et contribue à sa motivation grâce à un mécanisme de bonus (7 141 € en 2013). Preuve qu'avec un cahier des charges techniques bien construit (ici avec l'aide d'une assistance à maîtrise d'ouvrage), la relation entre donneur d'ordres et prestataire multitechnique peut être profitable aux deux parties.


Lire la suite en page 3 : De la valeur ajoutée et des volumes pour surmonter la crise




De la valeur ajoutée et des volumes pour surmonter la crise

Tels sont les deux leviers principaux sur lesquels peuvent agir les prestataires de multitechnique, selon le cabinet MSI Reports. Dans l'étude qu'il vient de consacrer à l'évolution des marchés du multiservice et du multitechnique sur les exercices 2009 à 2013, ce cabinet relève les effets de la crise. Après une période de croissance continue jusqu'en 2011, la tendance s'est inversée (-4,1 % de chiffre d'affaires en 2013). Les donneurs d'ordres ont également modifié leurs pratiques : moins d'offres packagées ou globalisées (incluant un panel de prestations) et davantage d'offres multitechniques dissociées.

Sur ce marché qui pèse aujourd'hui 12 303 M€, 68 % des prestations vendues sont liées au fonctionnement du bâtiment, 24 % viennent en support des process métiers des entreprises (par exemple évacuer les déchets liés à la production) et seulement 8 % concernent la gestion de l'énergie et des fluides. En se projetant en 2018, MSI Reports prévoit une croissance du marché multitechnique à 15 245 M€.

Marché des prestations de total FM, multiservices et multitechniques en France 2014, nouvelles tendances et prévisions, mars 2014, 240 p., disponible auprès de MSI Reports (msi-etudes.fr) par courrier électronique (1 995 € HT) sur CD-Rom (2 045 €) et avec une version papier en complément (2 295 € HT).

 
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