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[Tribune] La commande publique, au défi de la laïcité et de la liberté de culte

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[Tribune] La commande publique, au défi de la laïcité et de la liberté de culte

Les évolutions du droit de la commande publique ne viennent pas toujours de là où on les attend. C'est ainsi que la loi n° 2021-1109 "confortant le respect des principes de la République" dite "loi Séparatisme" du 24 août 2021 vient affecter directement le droit des marchés publics, avec des dispositions qui semblent être de simples redites de la jurisprudence et d'autres qui pourraient ajouter plus de confusion que de précisions.

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La loi confortant le respect des principes de la République du 24 août 2021 prévoit un élargissement du champ d'application des principes bien connu - mais pas toujours bien compris - de laïcité et de neutralité du service public.

Ces principes s'appliquent selon la loi à tout contrat de la commande publique ayant pour objet, en tout ou partie, l'exécution d'un service public(1). La loi précise le contenu de ces obligations. Le titulaire du contrat de la commande publique "veille à ce que ses salariés ou les personnes sur lesquelles il exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction, lorsqu'ils participent à l'exécution du service public, s'abstiennent notamment de manifester leurs opinions politiques ou religieuses, traitent de façon égale toutes les personnes et respectent leur liberté de conscience et leur dignité".

Il s'agit d'une reprise des obligations des fonctionnaires (2), rendues applicables aux salariés des entreprises privés titulaires de marchés publics exécutant un service public. Est-ce vraiment une nouveauté ? La jurisprudence prévoyait en effet déjà que les principes de neutralité et de laïcité s'appliquaient aux salariés des personnes morales de droit privé gérant un service public (Cass., Soc., 19 mars 2013, Caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis, pourvoi n° 12 11690). La seule nouveauté est terminologique et réside dans le choix du mot « exécution » plus large que la "gestion" mentionnée dans la jurisprudence.

En outre, la loi prévoit que "Le titulaire du contrat veille également à ce que toute autre personne à laquelle il confie pour partie l'exécution du service public s'assure du respect de ces obligations." Autrement dit, les salariés du sous-traitant d'un marché public participant à l'exécution d'une mission de service public seront eux aussi soumis aux principes de neutralité et de laïcité.

Les agents de ces entreprises, sous-traitantes, donc sans lien contractuel avec l'Etat ni avec aucune personne publique, se retrouvent soumis aux mêmes obligations de neutralité religieuse que les fonctionnaires. Rappelons que la loi de 1905 prévoit que "La République (...) garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public." L'élargissement des restrictions religieuses, loin de la sphère étatique pourrait poser problème quant à la garantie de la liberté des cultes et donc du respect de la loi de 1905. Ajoutons plus prosaïquement, que ces obligations nouvelles devront être traduites dans les marchés publics, et dans les contrats de sous-traitance. Les cahiers administratifs des clauses générales, pourtant refaits en 2021, étant muets sur la question, il appartiendra aux acheteurs de résoudre ces questions sensibles à travers leurs CCAP.

(1) d'autres contrats administratifs, tels que le bail emphytéotique ou la convention d'occupation du domaine public ne sont pas concernés

(2) en application de l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.

 
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