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Contrats commerciaux : comment réviser le prix ?

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Contrats commerciaux : comment réviser le prix ?

Les clauses de révision du prix sont souvent négligées en entreprise, malgré leur impact vital sur la rentabilité financière. La pandémie et la guerre en Ukraine mettent en lumière les dangers d'une telle négligence. La révision du prix - préventive ou curative - exige un soin adapté.

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La pandémie et la guerre en Ukraine, ont pu causer un bouleversement des prix de production. Le coût de l'acier a augmenté de plus de 50 % en un an et celui du café de 80 %. En raison de ces déséquilibres économiques et de ces changements de circonstances, l'une des parties à un contrat commercial peut légitimement se poser la question de la révision du prix. Pour les marchés privés, le gouvernement a renvoyé[1] aux prévisions contractuelles des parties et au dispositif légal de règlement des situations dites d'« imprévision »[2].

La situation d'imprévision signifie qu'un changement de circonstances, imprévisible lors de la conclusion du contrat, a rendu le contrat ruineux pour l'une des parties. L'imprévision se distingue de la force majeure, laquelle rend l'exécution du contrat totalement impossible – donc pas juste trop coûteuse. Autrement dit, l'imprévision concerne les situations où l'exécution reste possible, mais excessivement onéreuse pour l'une des parties ; c'est pour cela que ces situations requièrent une révision du prix.

Pour appréhender la révision du prix, deux approches sont envisageables, l'une préventive, l'autre curative. L'approche préventive consiste à aménager en amont le contrat, pour les hypothèses d'imprévision quant aux fluctuations de prix ; l'approche curative traite la situation d'imprévision après sa survenance, en l'absence de stipulations contractuelles adaptées.

Approche préventive

Une clause de révision du prix peut figurer dans un contrat commercial. Celle-ci peut exclure, de manière expresse, toute révision du prix, voire l'application du dispositif légal prévu pour les situations d'imprévision[3]. Cette exclusion doit toutefois désigner toutes les parties ; à défaut, elle pourrait constituer une clause abusive[4], illicite, donnant lieu à des dommages-intérêts. Lorsque les clauses de révision sont licites et précises, elles conduisent à renforcer la prévisibilité contractuelle, à l'adapter aux spécificités économiques de la relation contractuelle en cause et à éviter de donner trop de latitude au juge.

Il est fondamental que ces clauses de révision puissent être effectivement applicables le moment venu. Les différents postes de variations doivent donc être identifiés avec précision. Un seuil de hausse ou de baisse maximal ou minimal, en pourcentage, doit également être fixé. La clause de révision doit détailler la procédure de révision du prix.

Cette révision peut s'appuyer sur un indice[5], si celui-ci a un lien direct avec l'activité de l'une des parties ou l'objet du contrat[6]. En cas de disparition ou de modification de l'indice, et à défaut d'accord des parties, le juge peut appliquer l'indice le plus proche[7]. Néanmoins, la seule fixation d'un indice peut apparaître insuffisante à anticiper tout changement de circonstances imprévisibles, par exemple s'il s'avère inadapté.

Approche curative

En l'absence de clause contractuelle de révision du prix, c'est, en principe, le dispositif légal[8] qui s'applique aux contrats de droit privé conclus postérieurement au 1er octobre 2016[9]. Mais, pour les contrats conclus avant cette date, ce mécanisme est inapplicable, sauf accord mutuel des parties. Bien que ce dispositif légal soit applicable au prix de cession des parts sociales (ex : titres de propriété de SARL), il ne l'est ni à celui des actions de sociétés (ex : titres de SA)[10], ni aux loyers commerciaux[11].

Quelles conditions doivent être réunies pour pouvoir mettre en oeuvre le mécanisme légal de traitement de la situation d'imprévision ? Trois conditions doivent être cumulées :

1°/ Un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat

La partie victime de ce changement de circonstances aurait-pu objectivement le prévoir au moment de la conclusion du contrat ? Prenons l'exemple de la guerre en Ukraine. La campagne militaire a été lancée le 24 février 2022. Or, dès janvier 2022, les médias français[12] et internationaux[13], avaient fait état d'avertissements du président américain sur la forte probabilité d'un tel événement. C'est pourquoi, à partir de ce moment, l'on peut estimer que cette guerre n'était plus imprévisible. Ainsi, pour les contrats conclus à compter de ces avertissements, la partie victime d'imprévision, pourra plus difficilement recourir au dispositif légal en invoquant comme circonstance la guerre en Ukraine.

2°/ Le caractère excessivement onéreux de l'exécution de ce contrat par rapport à son modèle économique

Des données comptables et financières doivent pouvoir le prouver.

3/° L'absence d'acceptation contractuelle de ce risque par la partie qui le subi

Quelle est la procédure du dispositif légal pour traiter la situation d'imprévision ? Le contractant victime de cette situation d'imprévision peut demander à son cocontractant une renégociation du contrat, tout en continuant à exécuter ses obligations. Puis, dans l'hypothèse d'un refus ou d'un échec de cette renégociation, les parties peuvent, d'un commun accord, soit mettre fin au contrat, soit demander au juge de l'adapter. Enfin, si les parties échouent à s'accorder dans un délai raisonnable, alors le juge peut, à la demande d'une seule partie, réviser le contrat ou y mettre fin.

Pour en savoir plus

Antoine Braci, avocat au barreau de Paris, docteur en droit et enseignant (Université de Paris – Panthéon-Assas), aide les entreprises à prévenir et à résoudre leurs litiges commerciaux, contractuels et concurrentiels. Son site: https://www.aba-avocats.com/




[1] https://www.economie.gouv.fr/plan-resilience-economique-sociale-gouvernement

[2] Article 1195 du code civil.

[3] Article 1195 du code civil

[4] Articles 1171 du code civil et L. 442-1 I 2° du code de commerce

[5] https://www.economie.gouv.fr/cedef/indices-et-taux-officiels

[6] L. 112-2 du code monétaire et financier

[7] Article 1167 du code civil

[8] Article 1195 du code civil

[9] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000032004939/

[10] I à III de l'article L. 211-1 du code monétaire et financier

[11] Article 145-38 et suivants du code de commerce

[12] https://www.lemonde.fr/international/article/2022/01/25/ukraine-la-communication-de-crise-americaine-une-arme-a-double-tranchant_6110859_3210.html

[13] https://edition.cnn.com/2022/01/28/europe/ukraine-russia-explainer-war-threat-cmd-intl/index.html







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