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Réforme de la commande publique : une (r)évolution ?

Publié par Marie-Amélie Fenoll le - mis à jour à
Réforme de la commande publique : une (r)évolution ?

Le projet de refonte du droit de la commande publique engagé par le gouvernement prend forme petit à petit. Après l'ordonnance du 23 juillet 2015, les décrets d'application devraient voir le jour. Ce qu'il faut en retenir.

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Chiffre étonnant : seules 26 % des entreprises privées connaissent les récents textes relatifs à l'évolution des achats publics, selon une étude PwC. Or, le gouvernement s'est mis en ordre de marche pour proposer une refonte du droit de la commande publique à l'horizon 2016. " La réforme de la commande publique n'engendre pas de grand bouleversement. Il existe déjà en France une réglementation très aboutie avec un Code des marchés publics de 2006 qui va déjà très loin. Pour preuve : les directives européennes ont repris des éléments du droit français comme l'allotissement, les variantes ou la transparence sur l'explication du choix du prestataire. C'est un modèle dans le monde entier ! " , explique Jean-Marc Peyrical, président de l'Association pour l'achat dans les services publics (APASP), maître de conférences et avocat, qui ajoute : " Aujourd'hui, dans la commande publique c'est davantage une question de pratiques et de comportements, mais aussi de compétences et de formation des acheteurs publics " .

" La réforme de la commande publique n'engendre pas de bouleversement. Il existe déjà en France une réglementation très aboutie avec un Code des marchés publics de 2006 qui va déjà très loin "

Début 2016, à la faveur de la transposition de trois directives européennes du 26 février 2014, le droit de la commande publique sera réorganisé autour d'une ordonnance relative aux marchés publics et d'une autre relative aux contrats de concessions, chacune rendue applicable par un décret. Une première ordonnance du 23 juillet 2015 a précisé onze mesures autour de cette réforme. Cette grande refonte de la commande publique s'articule autour de trois axes : le soutien aux petites entreprises, la simplicité et la modernisation.

A... comme ALLOTISSEMENT

L'allotissement devient la règle : il n'y aura plus de marché trop gros pour les petites entreprises. Cette règle ne valait jusque-là que pour les marchés relevant du Code des marchés publics. Comme le Premier ministre l'a indiqué dans le cadre de l'annonce du plan "Tout pour l'emploi dans les TPE et les PME" au début du mois de juin, cette mesure se justifie au regard de la nécessité pour l'économie française de renforcer son tissu de petites et moyennes entreprises et de très petites entreprises (PME-TPE). Avec cette mesure, le volume possible de marchés susceptibles d'être ouverts aux PME est évalué à 1,5 milliard d'euros. D'ici le début 2016 pourra également être instituée une part minimale réservée aux PME dans l'exécution des marchés de partenariat, structurellement défavorables aux PME.

C... comme CONFIANCE

Pour le directeur des affaires juridiques, Jean Maïa, " l'esprit de la directive marchés publics est de faire confiance aux acheteurs publics " , rapporte Lemoniteur.fr lors d'une conférence sur le sujet. Même son de cloche du côté des sénateurs Philippe Bonnecarrère (sénateur du Tarn, groupe UDI-UC) et Martial Bourquin (sénateur du Doubs, groupe socialiste et républicain), auteurs d'un rapport intitulé "Passer de la défiance à la confiance : pour une commande publique plus favorable aux PME " dévoilé le 15 octobre dans le cadre de la mission commune d'information sur la commande publique. " À tous ceux qui souhaitent un "Small Business Act" à la française ou une dérogation de l'OMC, nous leur rétorquons qu'aujourd'hui les acheteurs publics ont les moyens de leurs actions si la société leur fait confiance ! " , s'enthousiasme Philippe Bonnecarrère. " Nous appelons à un changement culturel des achats publics " , souligne-t-il. " Il faut sortir des trente dernières années, où l'acheteur public a peur de sortir du cadre " . Rassurer l'acheteur public et lui redonner confiance passe aussi par la volonté des auteurs du rapport de conserver le délit de favoritisme mais de " le recentrer sur l'intention dolosive " . " Attention, cela ne signifie pas que nous souhaitons rendre l'élu irresponsable pénalement " , tient à préciser le sénateur du Tarn, en expliquant que les marchés publics suspects peuvent faire l'objet d'une plainte devant le tribunal administratif. " Il s'agit de redonner confiance à l'acheteur tétanisé par l'épée de Damoclès du délai de favoritisme " .

D... comme DÉMATÉRIALISATION

La directive impose la dématérialisation totale des procédures en marchés publics à l'horizon 2018. Or, en 2013, selon l'Observatoire économique de l'achat public, seulement 10 % des marchés ont été dématérialisés. Bercy a lancé un Plan national de dématérialisation des marchés publics pour impulser ces changements. Sa concertation s'est achevée le 30 septembre. Rappelons qu'en 2004, l'impulsion des directives "marchés publics" avait permis le démarrage en France de la dématérialisation des marchés publics, en rendant obligatoires pour les marchés supérieurs aux seuils européens la transmission et la publication des avis de publicité ainsi que la mise à disposition des documents de consultation par voie électronique. La dématérialisation de ses procédures demeure l'un des leviers majeurs de la modernisation de l'action de l'État.

Lire la suite en page 2 : N.. comme NEGOCIATION, O...comme OPEN DATA, etc

Calendrier de la réforme

Publiées au Journal officiel de l'Union européenne (JOUE) le 28 mars 2014, les directives "marchés publics" et "concessions" entrent
en vigueur le 17 avril 2016. Les États membres ont jusqu'au 18 avril prochain pour les transposer, et disposent d'un délai supplémentaire concernant les dispositions en matière de dématérialisation des marchés publics. Dans ce contexte, le gouvernement français a engagé une refonte qui aboutira d'ici le début de 2016 à la réécriture complète du droit de la commande publique. Une première ordonnance a été publiée le 23 juillet dernier. Dès le mois d'octobre s'ouvrira une large consultation publique concernant les décrets d'application.

Selon Lemoniteur.fr, après son passage devant le Conseil d'État et le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) pour avis d'ici à la fin de l'année, le projet de décret "marchés publics" (marchés de partenariat compris) devrait être publié au premier trimestre 2016. Avant une entrée en vigueur le 1er avril 2016. Un autre décret d'application, consacré aux marchés de défense ou de sécurité, suivra le même calendrier. Par ailleurs, un projet de loi de ratification sera déposé au Parlement avant le 24 décembre de cette année pour que l'ordonnance "marchés publics" du 23 juillet dernier ne devienne pas caduque (article 59 de la loi relative à la simplification de la vie des entreprises du 20 décembre 2014).



S... comme SIMPLIFICATION

" La première grande vertu de cette réforme est d'arrêter la multiplication des textes et de recentrer la commande publique sur trois textes " , explique l'avocat. Désormais, la réglementation est simplifiée : le volume des règles de niveau législatif qui s'appliquait aux marchés publics est réduit de 40 %. Toutes les règles relatives aux marchés publics sont réunies dans un seul et même texte qui " préfigure la constitution d'un véritable code dédié à la commande publique " . De dix-sept textes, on passerait à trois textes et à la suppression de 196 pages de réglementation.

... et SEUIL

Après le relèvement du seuil pour les marchés sans formalités porté à 25 000 euros depuis le 1er octobre, le rapport de la mission commune d'information sur la commande publique préconise de rehausser encore ce chiffre pour atteindre les 40 000 euros. " Une façon de faire confiance à l'acheteur public, analyse le directeur des affaires juridiques de Bercy. Sans compter qu'avec ce relèvement du seuil, la France est entrée dans le droit commun européen " , au sein duquel les seuils des autres États membres sont nettement plus élevés.

Halte aux idées fausses !

"Il n'existe pas d'estimation fiable de la commande publique. Ce qui est assez révélateur du fait qu'en France il n'existe pas de politique de commande publique" . Réunie sous la présidence de Philippe Bonnecarrère (sénateur du Tarn - UDI-UC), la mission commune d'information sur la commande publique a adopté à l'unanimité le rapport de Martial Bourquin (Sénateur du Doubs - Socialiste et républicain). Un rapport intitulé : "Passer de la défiance à la confiance - pour une commande publique plus favorable aux PME" dévoilé le jeudi 15 octobre. Première idée fausse battue en brèche : le montant de la commande publique. Si celui-ci est estimé à 71,5 milliards selon les données recensées par l'observatoire économique de l'achat public (OEAP) en 2013, il est de 390 milliards d'euros, soit 20 % du PIB rapporte Martial Bourquin, auteur du rapport. Autre idée reçue : le nombre de contentieux estimé dans les marchés publics. Des contentieux "largement surestimés" selon l'auteur du rapport. Ainsi, le rapport, estime à "moins de 30 le nombre de condamnations par an pour prise illégale d'intérêt ou délit de favoritisme dans les marchés publics". Soit un acheteur sur 4000 sur les 130 000 acheteurs publics recensés. "Un sujet qui au final est presque à la marge" , relate Philippe Bonnecarrère, sénateur du Tarn.

Lire la suite en page 4 : Le calendrier de la réforme

N... comme NÉGOCIATION

Autre grande nouveauté avec cette réforme, la négociation dans les procédures formalisées, appelée aussi " procédure concurrentielle avec négociation ". Cette procédure a déjà été instaurée dans une directive communautaire en 2014 mais avec des seuils (207 000 euros pour les collectivités en fournitures et services et 134 000 euros pour l'État). " Dorénavant, on va pouvoir négocier au-delà des seuils " , souligne Raphaël Apelbaum, avocat spécialisé dans les contrats et les marchés publics, associé chez LexCase. Aujourd'hui, une grande majorité des acteurs publics ou privés souhaitent avoir de la négociation dans les marchés publics. " Cela met de la sécurité juridique, car beaucoup d'acheteurs publics qui avaient besoin de négocier le faisaient en discutant mais sans forcément respecter les règles. Espérons que cette nouvelle procédure concurrentielle avec négociation va remettre à sa juste place la discussion, le dialogue et la négociation dans l'achat public " . De leur côté, Arnaud Salomon, directeur de CKS Public, et Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l'Institut Thomas More, auteurs de dix propositions pour une meilleure efficience de la commande publique, plaident pour la négociation " qui doit passer de l'exception à la norme dans les marchés publics " . La négociation, envisagée comme véritable levier " pour stimuler l'innovation et, accessoirement, garantir l'optimisation économique des contrats publics " . Pour Claude Richard, avocat au barreau de Nancy, spécialisé en droit public : " Les acheteurs publics se forment à la négociation afin de parer deux écueils : vider le marché de sa substance en menant une négociation trop âpre, notamment sur le prix, et fausser le jeu de la concurrence en ne plaçant pas les candidats sur un pied d'égalité " .

O... comme OPENDATA

Les acheteurs publics devront ainsi rendre accessibles les données des marchés sous format ouvert et librement réutilisable. L'État montre l'exemple avec son portail Data.gouv.fr qui héberge ses propres fichiers ainsi que ceux d'autres organismes, y compris des collectivités.

P... comme PME

La commande publique profite peu aujourd'hui aux petites entreprises. En 2013, les PME représentaient plus de 99 % des entreprises, soit 58 % du total des marchés, mais seulement 30 % des contrats publics en valeur. Selon le rapport de la mission de la commande publique, les PME n'arriveraient plus à répondre aux marchés publics d'un montant supérieur à un million d'euros. Or, augmenter d'un point la part des PME dans les achats publics reviendrait à augmenter de deux milliards leurs chiffres d'affaires. Parmi les pistes envisagées, citons un meilleur accompagnement des PME par les chambres consulaires et les syndicats professionnels ou l'encouragement à réaliser des groupements d'entreprises. Mais le rapport préconise également d'indiquer le taux d'accès aux PME dans les comptes administratifs. Une meilleure visibilité des PME dans la commande publique également relayée par CKS Public et l'Institut Thomas More, qui plaide pour un indicateur de mesure des achats publics confiés aux PME.

... et PPP

Les partenariats public-privé sont rangés dans la catégorie marchés publics et deviennent des "marchés de partenariat". Un meilleur encadrement

de ces derniers est prévu avec notamment une démarche d'évaluation comparative préalable, une étude de soutenabilité budgétaire et un ou des seuils (non encore précisés) au-delà desquels ces marchés pourront être réalisés. " L'évaluation rajoute de l'insécurité juridique opérationnelle sur ces missions et ces dossiers car ce n'est pas une science exacte. La logique et le bon sens parlent d'eux-mêmes : comment comparer à l'avance un montage qui va durer trente ans, c'est impossible ! " , s'interroge Raphaël Apelbaum [photo ci-contre]. Pour améliorer le cadre juridique de ces partenariats, qualifiés de "bombes à retardement budgétaires" par le Sénat, treize propositions avaient déjà été émises en juillet dernier par Hugues Portelli, sénateur Les Républicains du Val-d'Oise et Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste du Loiret et vice-président de la commission des lois constitutionnelles.


Lire la suite en page 3 : S...comme SIMPLIFICATION et SEUIL


 
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