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DossierSauter dans le grand bain du public

Publié par Morgane Coquais le

4 - Passés du privé au public, ils témoignent

Ces "transfuges" qui font la bascule privé/public sont souvent en quête de sens professionnel. Ils investissent ainsi un vaste champ de possibles, attirés à la fois par la diversité des missions, le challenge à relever et l'expérience publique à inscrire sur le CV.

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Nicolas Melouki, chargé de mission achats, conseil général du Lot-et-Garonne

"En intégrant le public, j'ai élargi mon périmètre d'achats."

Une formation d'acheteur international en poche, Nicolas Melouki a débuté sa carrière dans le privé au sein de différentes entreprises du secteur agroalimentaire, du négoce de poisson ou encore de l'industrie du bois. En 2008, point d'étape, il s'est posé la question de poursuivre dans le privé, toujours dans les achats, ou bien de se lancer en tant qu'auto-entrepreneur. Il est alors tombé, par hasard, sur une émission de radio, et appris que l'on recherchait des acheteurs issus du privé pour professionnaliser la fonction d'acheteur public. Et pourquoi pas??

Quels ont été vos premiers pas dans le bain public?

J'ai contacté Territoires RH et suivi une formation de dix mois pour m'aider à passer dans le public. En 2009, je suis devenu ainsi directeur du service achats de la communauté d'agglomération de la Plaine Commune (Plaine Saint-Denis). J'arrivais dans un monde complètement nouveau, pour moi: le code des marchés publics, les institutions, un travail avec les collègues très différent... Pendant les six premiers mois, j'ai travaillé à casser cette image de "cost killer" associé aux acheteurs privés. Il a fallu à la fois me faire connaître et appréhender ce nouveau monde, surtout sans a priori et avec beaucoup d'humilité. Après cela, j'ai été énormément sollicité et tout le monde a compris l'apport du privé sur la définition du besoin ou la négociation.?

Et aujourd'hui?

Depuis février 2012, je suis chargé de mission au conseil général du Lot-et-Garonne, à Agen. Marché par marché, on est capable de dire, aujourd'hui, les économies réalisées. Sur le marché du papier, par exemple, on a réalisé 15 % d'économies sur les consommables d'impression, on était à plus de 50 % d'économies. C'est la définition des besoins, étape primordiale, qui permet d'obtenir ces résultats.

Quelles sont les grandes différences entre le secteur public et le secteur privé?

Dans le privé, les résultats sont attendus très rapidement. Dans le public, on a le temps de travailler les dossiers et d'approfondir les demandes pour être efficace. Il n'y a plus ce stress permanent, cette course aux résultats. La grande différence entre les deux secteurs tient également à la diversité des missions qu'offre le secteur public. Il y a beaucoup de choses à acheter. En intégrant le public, j'ai élargi mon périmètre d'achats.

Quid de la rémunération?

J'ai connu une baisse de salaire importante, mais gagné énormément en qualité de vie: davantage de congés, un rythme de travail moins soutenu... De plus, en raison, notamment, des échéances électorales, on est en perpétuel mouvement, contrairement à ce que j'ai pu connaître dans le privé. C'est passionnant!


Philippe Poullain, DSI et directeur du contrôle de gestion de la Ville de Lyon

"J'ai pu insuffler, à mon échelle, de bonnes pratiques issues du privé, en tenant compte du code des marchés publics."

Après sept ans passés chez Trèves, équipementier automobile, en tant que directeur supply chain, puis sept autres années au sein de la direction des achats de Gerflor, entreprise spécialisée dans les revêtements plastique et PVC, Philippe Poullain a souhaité donner un nouveau souffle à sa carrière. "Chez Gerflor, j'ai connu cinq présidents, trois LBO. Ma finalité était orientée en bas à droite, c'est-à-dire que ma mission consistait à dégager le maximum d'argent pour rembourser le prêt contracté par les actionnaires", confie-t-il. Une mission bien peu valorisante, et surtout dépourvue de sens, à ses yeux. "J'avais un savoir-faire, et je me demandais comment et où je pouvais le mettre en pratique." En 2006, il s'est alors tourné vers un secteur public en pleine réorganisation pour professionnaliser les achats, et il est devenu directeur des achats de la Ville de Lyon. "La Ville de Lyon avait décidé de rencontrer les fournisseurs, chose qui ne se faisait pas avant. Quand je suis arrivé, j'ai pu insuffler, à mon échelle, de bonnes pratiques issues du privé, en tenant compte du code des marchés publics. Je me suis intéressé non plus aux marchés à faibles montants, mais à tous les appels d'offres, en menant une démarche achats en amont de ceux-ci. En définitive, en définissant le besoin de la collectivité en interne, on le challengeait, on rencontrait des fournisseurs en amont, des concurrents à l'achat, on bâtissait une stratégie et alors, enfin, on faisait le marché. J'attendais de mes acheteurs qu'ils soient capables de dire ce que j'allais recevoir en termes de propositions."


Éléonore Maginot, responsable achats IT & équipements techniques, Région Centre

"Nous nous battons tous les jours contre l'image de cost killer."

Éléonore Maginot a fait ses armes dans le privé en tant que chef de projet sur l'externalisation des process d'approvisionnement des catégories C, pour des clients grands comptes tels que Veolia et GDF. À tout juste 25 ans, cette jeune acheteuse a rejoint, en septembre 2013, la nouvelle direction achats du conseil régional de la Région Centre, dirigée par Marc Sauvage - également président de la Compagnie des dirigeants et acheteurs de France (CDAF) -, en tant qu'acheteuse IT et équipements techniques.

Pourquoi avez-vous postulé dans le public?

J'avais rencontré Marc Sauvage aux Trophées des achats de la CDAF, quand j'étais étudiante. À l'époque, il travaillait encore pour Bouygues Telecom. Lorsqu'il est passé au conseil régional, j'ai vu qu'il y avait des recrutements en cours et, bien que ne connaissant pas particulièrement les achats publics, l'idée de travailler avec Marc Sauvage, lui-même issu du privé, m'a incitée à postuler.

Achats publics, achats privés, même métier?

Les fondamentaux restent les mêmes: on est là pour maîtriser les coûts, faire coller le besoin avec le tissu des fournisseurs et rechercher l'innovation. Ce qui fait la différence, ce sont les moyens. Dans le privé, lorsque l'on a un petit besoin, il est très facile et rapide d'avoir un devis et de passer une commande. Dans le public, on n'a pas le choix: dès le premier euro, il faut respecter les procédures. Quand je suis arrivée, j'ai donc dû me familiariser avec le code des marchés publics et intégrer le fait que ce n'est pas le besoin qui fait la procédure, mais le montant.

Qu'est-ce qui vous séduit dans le public?

Ce qui me motive, c'est de contribuer, à mon échelle, à la diminution des dépenses publiques. Et quand je paie mes impôts, j'essaie de m'imaginer ce que cela donne au niveau de mes marchés.

Vous voyez-vous comme un "cost killer" public?

Non ! Nous nous battons tous les jours contre cette image. Nous essayons, certes, de faire baisser les prix mais, en fonction de la qualité dont nous avons besoin, et nous tâchons d'intégrer dans nos marchés des données RSE, des données achats responsables, des clauses environnementales, etc. Nous ne braquons pas un projecteur dans les yeux de nos fournisseurs pour leur demander de baisser leurs prix ! Nous ne sommes pas très attractifs, au niveau marchés publics car cela fait peur aux entreprises ; nous devons donc étendre notre communication auprès d'eux afin qu'ils répondent à nos marchés et nous ne pouvons pas faire cela si, derrière, nous les tuons lors de négociations en pratiquant le cost killing.


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