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L'impact écologique des motorisations fait débat

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Le Grenelle de l'environnement a mis en avant la lutte contre le réchauffement climatique et les émissions de CO2. Pourtant, le gaz carbonique n'est pas l'élément le plus toxique. A la différence de beaucoup d'autres polluants, comme les particules ou les dioxydes d'azote directement nocifs voire mortels pour l'être humain.

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@ FOTOLIA / MATTEO NATALE /LD

Chez ISS France, filiale du leader mondial du facility service, la réduction des émissions de CO2 dans les motorisations est devenue une priorité. Sur les 6 000 immatriculations que compte le groupe France, les deux tiers concernent des voitures et des utilitaires légers. «Alors la mise en place de la taxe sur les véhicules de sociétés (TVS) basée sur les niveaux de CO2, puis du bonus malus, nous a très fortement incités à revoir la composition de notre parc, témoigne Philippe Rybicki, le responsable des achats. Nous avons défini une nouvelle «car policy» en intégrant des véhicules moins puissants, donc moins gourmands en carburant et moins émetteurs de CO2

Le groupe se veut donc propre et a même profité de cette recomposition pour homogénéiser sa flotte, en partie constituée de véhicules issus des parcs de sociétés acquises par ISS. «Cette rationalisation nous a permis de générer des gains tangibles au niveau de notre consommation de carburant et de rejets de CO2» , indique le responsable des achats. Un avantage pour négocier au mieux les contrats mais également pour appréhender l'avenir: «Nous participons à des réflexions en partenariat avec notre fournisseur de véhicules. Même si, pour le moment, notre parc roule entièrement au diesel - à l'exception de certains véhicules de ramassage des ordures, nous étudions dès aujourd'hui les solutions propres de demain», prévoit déjà Philippe Rybicki.

Si de telles actions sont possibles dans les entreprises, c'est que depuis plus d'une dizaine d'années, les progrès effectués par les constructeurs automobiles mais aussi par les compagnies pétrolières pour réduire les émissions polluantes des véhicules ont été considérables.

La qualité de l'air n'a cessé de s'améliorer, comme le prouvent les données relativement positives de l'indice «ATMO», créé par le ministère de l'Ecologie et du Développement durable. Cet indice mesure les quatre polluants les plus dommageables pour l'atmosphère et pour la santé: le dioxyde de soufre (SO2), les oxydes d'azote (NOx), les particules de tailles inférieures à 10 microns (PM10) et l'ozone (O3). A très fortes doses, les trois premiers sont responsables d'insuffisances respiratoires et le dernier d'irritation des yeux. En Ile-de-France, depuis 1998, l'indice de qualité de l'air est dans le vert en moyenne de 310 jours par an, soit un taux de 85%. De 1992 à 2006, le SO2 et les NOx ont même diminué de plus de la moitié. De son côté, le monoxyde de carbone (CO) a baissé de 65% en 12 ans. Pourtant, la santé est plus que jamais en jeu. L'Organisation mondiale de la santé estime que «trois millions de personnes meurent, chaque année, sous l'effet de la pollution atmosphérique, soit 5% des 55 millions de décès annuels dans le monde. Vu la marge d'incertitude des estimations, le nombre réel des décès annuels pourrait se situer entre 1,4 et 6 millions». Même si le risque individuel reste faible, la grande quantité de personnes exposées et l'absence de seuil d'innocuité font de la pollution atmosphérique un problème majeur de santé publique. Les moyens à mettre en oeuvre pour continuer à réduire les émissions polluantes sont encore nombreux: renouvellement du parc automobile, moteurs plus propres, carburants de meilleure qualité notamment.

Des moteurs diesel aussi polluants

Face à ces chiffres impressionnants, il ne faut pas se tromper de cible. La lutte contre le réchauffement climatique a entraîné une mise en avant du niveau de rejets de CO2 des automobiles, via la désormais fameuse éco-pastille. Indirectement, cette lutte contre le dioxyde de carbone a favorisé les motorisations diesel qui disposent d'un meilleur rendement, ce qui se traduit par une moindre consommation de carburant et des niveaux de rejets inférieurs.

Pourtant, les moteurs diesel ne sont pas plus propres que les moteurs essence. Tous deux émettent de nombreux polluants nocifs pour la santé. Les plus impliqués sont le monoxyde de carbone, les hydrocarbures imbrûlés (HC), les oxydes d'azote et les particules (fumées noires émises par les moteurs diesel). L'adoption croissante du diesel par le parc automobile français, largement incitée par la fiscalité depuis plus de 20 ans, a entraîné une augmentation du volume de particules émises. Et ce même si, depuis quelques années, l'arrivée de moteurs à injection par rampe commune sous haute pression («common rail») permet de réduire drastiquement ces particules, à des seuils proches de zéro.

Ces moteurs diesel n'en sont pas plus propres pour autant puisqu'ils émettent toujours des oxydes d'azote. Et sur ce point, les niveaux atteints par les moteurs diesel modernes sont sans commune mesure avec ceux des moteurs essence. De plus, les particules émises sont de plus en plus fines et pénètrent profondément dans les voies respiratoires. Ces deux éléments sont source d'irritations respiratoires. Dans les années à venir, pour parvenir à éradiquer totalement les particules, les voitures devront être équipées d'un filtre spécifique. Pour être efficace, celui-ci devra fonctionner à des niveaux de température élevés, ce qui nécessitera des pots d'oxydation toujours plus performants et toujours plus générateurs de NO2 (dioxyde d'azote), lui aussi néfaste.

La revanche de l'essence

Longtemps montré du doigt, le moteur à essence va-t-il alors devenir l'avenir de l'automobile du point de vue de l'environnement? A l'heure actuelle, rien n'est moins sûr. Avant toute chose, il sera difficile de faire changer les mentalités en France. Depuis plus de vingt ans, le moteur diesel a été présenté comme étant moins polluant que l'essence. Ensuite, la lutte contre le réchauffement climatique et la mise en avant des seules émissions de CO2 est défavorable aux moteurs essence. Enfin, les motorisations essence doivent, elles aussi, évoluer pour baisser leurs niveaux de rejets de polluants, à commencer par les hydrocarbures imbrûlés. Pour cela, l'injection directe essence, à l'image de ce qui existe pour les diesel, semble être une piste intéressante mais pas sans revers puisque ce système entraîne une hausse du niveau de NOx émis.

Alors que choisir? Les moteurs fonctionnant au gaz (GPL ou GNV) sont mieux placés. Mais les réseaux de distribution restent encore à déployer. Quant au biocarburant E85, il doit faire face à une évolution inconstante de sa fiscalité mais également à un défaut chronique de réseau de distribution. De plus, ce carburant pourrait ne pas être aussi vert que cela. Selon une étude parue en avril 2007, aux Etats-Unis, les véhicules roulant à l'éthanol seraient plus polluants que les véhicules n'utilisant que de l'essence, provoquant davantage de maladies et de décès. Si l'ensemble du parc automobile actuel était converti pour utiliser de l'éthanol, le nombre de décès liés à la pollution augmenterait de 4% environ aux Etats-Unis, selon les résultats de cette recherche publiés dans la revue Environmental Science & Technology. Son auteur, Mark Jacobson, a utilisé plusieurs simulations des conditions atmosphériques aux Etats-Unis en 2020 quand les voitures roulant à l'éthanol seront probablement nombreuses sur les routes. Le premier scénario hypothétique est celui d'un parc automobile roulant entièrement à l'essence en 2020. Le second voit l'utilisation généralisée du carburant E85, constitué à 85% d'éthanol et 15% d'essence. Selon cette projection, «le mélange E85 entraînerait une forte augmentation de l'ozone dans certaines parties du pays», indique le scientifique.

En attendant l'électrique

Si les motorisations actuelles ne sont pas encore optimales du point de vue de l'environnement, l'avenir pourrait être tout à fait différent. La plupart des constructeurs travaillent sur des véhicules qui n'émettent aucune émission. Ils devraient, pour la plupart, faire appel à la traction électrique pure, une fois les problèmes de poids d'autonomie, de performances et de recyclage des batteries résolus. Une autre piste sérieuse est certainement celle de l'hydrogène, soit comme carburant, soit comme source d'énergie pour les piles à combustibles générant leur propre électricité et ne rejetant que de la vapeur d'eau. Malheureusement, ces véhicules ne devraient pas apparaître sur le marché avant une dizaine d'années. En attendant, la piste des voitures hybrides devrait représenter une alternative intéressante. Cette solution technique est plus facile à mettre en oeuvre que les deux précédentes et permet d'optimiser la consommation de carburant fossile, avec, à la clé, une autonomie largement supérieure aux véhicules électriques purs. Mais les hybrides non plus ne sont pas entièrement propres. Ils font appel à des moteurs thermiques, eux aussi source de pollution...

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Les effets des polluants sur la santé

Ozone. C'est un gaz qui agresse les muqueuses oculaires et respiratoires. Il peut ainsi entraîner des irritations du nez, des yeux et de la gorge, des altérations de la fonction pulmonaire, des essoufflements et une toux. Il exacerbe les crises d'asthme. A long terme, il peut entraîner une augmentation de la morbidité respiratoire et de la mortalité.
Oxydes d'azote. Parmi eux, le dioxyde est un gaz irritant, pouvant pénétrer profondément dans les poumons. Il altère l'activité respiratoire et augmente les crises d'asthme. Chez les plus jeunes, il favorise des infections microbiennes des bronches. A long terme, il peut entraîner une augmentation de la morbidité respiratoire et des irritations des yeux.
Particules. Les particules les plus grosses sont retenues par les voies aériennes supérieures. Les plus fines peuvent pénétrer profondément dans les poumons et transporter des composés toxiques. Elles augmentent le risque d'infections respiratoires aiguës chez l'enfant et renforcent des sensibilités allergiques ou des pathologies préexistantes. A long terme, elles peuvent entraîner une hausse de la morbidité respiratoire et cardiovasculaire, des cancers ainsi que de la mortalité.
Sulfates. Ce gaz irritant peut entraîner des crises chez les asthmatiques, augmenter les symptômes respiratoires aigus: gène respiratoire, accès de toux ou crises d'asthme. A long terme, les sulfates peuvent entraîner une hausse de la morbidité respiratoire et cardiovasculaire, et de la mortalité.
Monoxyde de carbone. A fortes doses, le monoxyde de carbone est un toxique cardio-respiratoire souvent mortel. A faibles doses, il diminue la capacité d'oxygénation du cerveau, du coeur et des muscles. Sa nocivité est particulièrement importante chez les insuffisants coronariens et les foetus. A long terme, c'est un facteur de morbidité cardiovasculaire et de mortalité.

Michel Gardel, président de Toyota France

Michel Gardel, président de Toyota France

Témoignage
«Nous allons encore réduire les niveaux d'émissions d'oxydes d'azote»

Le constructeur Toyota est régulièrement cité en exemple pour sa commercialisation de modèles peu polluants. «Nous jouons un rôle de précurseur avec nos modèles Toyota et Lexus hybrides, se félicite Michel Gardel, président de Toyota France. «L'hybridation» nous paraît être une solution particulièrement viable puisqu'elle permet, dès aujourd'hui, de diminuer de façon significative les émissions de CO2 et de rejets polluants - NOx et particules entre autres -, mais aussi de lutter contre notre dépendance vis-à-vis des carburants fossiles.» «L'hybridation» est une solution transverse. Si, actuellement, elle consiste chez Toyota à associer un moteur essence à un moteur électrique, sa force est de pouvoir se marier avec n'importe quelle forme de motorisation actuelle ou future: diesel, biocarburants, GNV ou même pile à combustible hydrogène.
Dans un futur proche, il sera possible de recharger les batteries de la voiture en se branchant sur le secteur: le plug-in. «Cela permettra de renforcer la capacité de la batterie et l'autonomie en tout électrique sans toutefois remettre en cause les comportements des automobilistes, comme avec d'autres solutions envisagées», explique Michel Gardel. La prise de conscience vis-à-vis du CO2, engendrée par le système de bonus/malus, entraîne aussi un éveil des mentalités face aux autres polluants. «A l'avenir, nous devrons encore diminuer les niveaux d'émissions, comme les NOx et les particules», indique Michel Gardel. D'ailleurs, dans certains pays comme le Japon ou les Etats-Unis, la lutte porte principalement sur ces polluants. Quant à savoir quelles solutions futures Toyota adoptera, Michel Gardel avoue que «le groupe travaille sur de nombreuses pistes, même si notre expérience en matière de véhicules hybrides reste unique au monde».

 
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Guillaume Geneste

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