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Soyez stratèges pour recruter les meilleurs talents achats

Publié par Eve Mennesson le - mis à jour à
Soyez stratèges pour recruter les meilleurs talents achats
© BillionPhotos.com - Fotolia

Les directions achats doivent faire évoluer les profils de leurs équipes afin d'être en adéquation avec leurs nouveaux enjeux, notamment le digital et la RSE. Pour cela, recruter est nécessaire, mais une réelle tension existe concernant les profils les plus talentueux. Une stratégie doit donc être mise en place.

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Cela fait de nombreuses années que la fonction achats évolue. Elle s'est professionnalisée, tout en gagnant en légitimité. Elle a aussi modifié ses pratiques, délaissant les négociations pures et dures pour nouer des liens de partenariat avec les fournisseurs. Elle a également fait face à de nouveaux défis, de la digitalisation à la RSE en passant, avec la crise sanitaire, par les ruptures d'approvisionnement et l'augmentation des prix des matières premières. Pour absorber ces nombreux changements, les équipes achats doivent évoluer : les recrutements deviennent stratégiques. D'autant plus qu'une réelle tension existe aujourd'hui, renforcée par la crise, sur des profils achats de qualité.

Digital, finance, RSE et innovation

De quels talents les directions achats ont-elles besoin aujourd'hui ? Il est tout d'abord impossible de ne pas mentionner la transformation digitale des entreprises, qui a inévitablement touché les achats. Les équipes doivent donc être en mesure de faire face à ce nouveau défi. "Les entreprises se dotent d'outils et ont besoin de gens pour les utiliser, les faire évoluer, voire les concevoir", pointe Claire Etcheverry, associée chez BearingPoint, soulignant qu'il est essentiel que les collaborateurs soient à l'aise pour manipuler la donnée. "L'analyse de la donnée devient un élément essentiel pour construire des scénarios de négociation", poursuit-elle. Cela est d'autant plus important que la crise a rendu nécessaire davantage de rigueur, pour sécuriser les approvisionnements tout en réduisant les dépenses. "En cette période de difficultés économiques, les achats deviennent ultra-stratégiques afin de maîtriser les coûts", observe Franck Cheron, associé conseil capital humain chez Deloitte.

De ce fait, les compétences financières sont de plus en plus recherchées. Thibaut Gollentz, manager chez Hays, en a fait le constat. "L'analyse de solvabilité des fournisseurs est aujourd'hui plus importante que jamais afin de prévoir les défaillances", observe-t-il notamment.

Thibaut Gollentz

Il remarque par ailleurs que les acheteurs performants sur les questions de contractualisation, à même de trouver des clauses créatives qui permettent d'équilibrer la balance des risques entre client et fournisseurs (comme l'achat à terme, les clauses de réparation ou de transfert de risques), sont fortement sollicités. "Auparavant, les ingénieurs étaient recherchés pour leurs compétences techniques ; aujourd'hui, ce sont des expertises financières et juridiques qui sont plébiscitées en complément", résume-t-il.

Des profils 100% RSE

Autre sujet qui devient incontournable au sein des directions achats : la RSE.

Axel Minet

"Nous avons beaucoup de demandes par rapport aux achats liés au développement durable et à l'énergie, dans le cadre de stratégies à horizon 2030 voire 2050", indique Axel Minet, manager chez Robert Walters. Charles Germain, CEO et cofondateur du cabinet Lynkus, spécialisé dans les recrutements de cadres dans les achats et la supply chain, rapporte quant à lui l'exigence d'un de leurs clients, un groupe important du secteur de l'ameublement et du bricolage, pour des cadres avec une sensibilité RSE. "Il nous a précisé qu'il n'était même pas la peine de présenter les profils qui n'avaient pas cette sensibilité, même s'ils cochaient toutes les cases, ajoute-t-il. Une entreprise qui se veut socio- ou éco-responsable doit nécessairement recruter des collaborateurs sensibles à ces problématiques RSE, et d'autant plus au sein des achats qui sont en ligne de front pour mettre en place la dynamique." Pour Franck Cheron, cette tendance va inciter les entreprises à recruter des profils 100% RSE au sein de la direction achats, afin de compléter les compétences d'acheteurs purs.

Chercher des expertises dans d'autres secteurs

Enfin, Thibault Gollentz de chez Hays insiste sur l'aspect fondamental du levier innovation, eu égard à la guerre commerciale qui est en train de se mettre en place avec la reprise de l'activité économique. "Ce sont les achats qui permettront de se démarquer. Les acheteurs doivent pour cela avoir une bonne connaissance du marché fournisseurs et être capables de mettre en place de véritables partenariats", analyse-t-il. Axel Minet (Robert Walters) remarque lui aussi que la connaissance sectorielle reste importante. Pour éviter d'aller débaucher des experts marché chez ses concurrents, Charles Germain (Lynkus) conseille de tabler sur la transférabilité des compétences et d'aller chercher des expertises sur un autre secteur. "Les collaborateurs de l'industrie automobile ou aéronautique peuvent apporter la maturité des achats de leur secteur à une entreprise dans la grande distribution ou la distribution spécialisée. S'ouvrir à d'autres secteurs et investir en formation apporte une vision nouvelle", avance-t-il.

Des qualités relationnelles essentielles

Ces acheteurs issus d'un autre secteur devront faire preuve d'une capacité d'adaptation afin d'apporter pleinement leur expertise à leur nouvelle entreprise. En effet, au-delà des compétences techniques, les collaborateurs de la direction achats doivent présenter certaines qualités de '"savoir-être"', les fameux "soft skills"' (lire l'encadré sur ce sujet en page 2 de cet article).

Louis de Lamaëstre, directeur des marchés du groupement d'achats Le Cèdre, dit accorder aujourd'hui davantage d'importance à la dimension comportementale. Il cite notamment la capacité de conviction et les compétences relationnelles et émotionnelles. "Les acheteurs ont besoin de nouer des relations tout autant en interne qu'en externe", note-t-il. Il est rejoint sur ce point par Franck Chéron (Deloitte) : "Le relationnel est très important afin d'apporter des explications en interne sur les choix et solutions proposés."

Lire la suite en pages 2 et 3 de cet article : Pédagogie et créativité - / - Raconter une histoire - / - Un projet d'entreprise - / - De l'humain.... et du télétravail - / - Accélérer les processus de recrutements - / - Focus - "En recrutant, nous souhaitons accéder à des pratiques plus innovantes"


Pédagogie et créativité

Pour Thibaut Gollentz, il est aujourd'hui essentiel que les acheteurs fassent preuve de pédagogie et de créativité afin de challenger les demandes des clients internes, en étant à même de trouver des solutions nouvelles et de les expliquer. Doriane Listrat, senior manager chez Fed Supply, met quant à elle en avant la communication, notamment à distance, et la conduite du changement.

Une étude publiée par Michael Page et France Supply Chain sur les tendances métiers de la supply chain (juillet 2021) rapporte les compétences les plus demandées par les entreprises. On y retrouve l'adaptabilité, les qualités relationnelles, la capacité à fédérer, la pédagogie, l'organisation et l'anticipation. Les auteurs de l'étude listent également les compétences qui leur semblent essentielles, à savoir la curiosité, la force de proposition, le sens de l'innovation, la capacité à coconstruire des solutions, l'intelligence émotionnelle, la capacité à apprendre et à donner du sens. "Les collaborateurs supply chain qui seront performants demain seront curieux, ouverts au monde pour comprendre les enjeux et favoriser l'innovation", pense Sébastien Perdereau, practice manager chez Michael Page.

Raconter une histoire

Entre les nouvelles compétences, hard et soft, dont doivent faire preuve les équipes achats, et les tensions de recrutement dues au redémarrage de l'économie, les directions achats doivent soigner leurs recrutements afin d'attirer les meilleurs profils. Bien sûr, le salaire n'est pas à négliger. Sébastien Perdereau invite notamment à remettre à niveau les salaires dans la supply chain, qui sont parfois en deçà du niveau de ceux des fonctions financières ou commerciales.

Mais cela ne suffit pas : les candidats recherchent plus qu'un salaire. "Il faut rapidement mettre en avant les perspectives d'évolution, comme la possibilité de diversifier son portefeuille ou d'avoir une carrière internationale, en donnant l'exemple de personnes en interne", conseille Axel Minet. "Aujourd'hui, il n'est plus possible d'uniquement proposer un poste. Il faut raconter l'après, offrir une histoire, un parcours, une trajectoire", abonde Sébastien Perdereau. Pour lui, la richesse du poste est également un facteur d'attractivité. "La logistique et la supply chain peuvent proposer des postes variés, une diversité de problématiques. C'est quelque chose à valoriser", conseille-t-il.

Claire Etcheverry est quant à elle persuadée qu'il est possible de mettre en avant le fait qu'il y a tout à réinventer dans la manière de travailler avec les fournisseurs : un avenir de la fonction achats qu'il s'agit de mettre en avant, notamment auprès de profils qui ne sont pas issus des achats.

Un projet d'entreprise

Pour Thibaut Gollentz, le projet d'entreprise est fondamental pour attirer et fidéliser les talents. "L'acheteur doit sentir que les achats et/ou la supply chain sont au centre de la stratégie d'entreprise", souligne-t-il. Il invite à donner du feedback sur les évolutions possibles de la stratégie d'entreprise et les impacts sur la fonction achats.

Les candidats sont en effet friands de détails sur les projets de l'entreprise. Axel Minet signale par exemple qu'il est de plus en plus questionné sur l'innovation et les projets de croissance de l'entreprise.

Doriane Listrat

"Il faut être le plus transparent possible, donner un maximum d'informations afin que les candidats puissent se projeter dans le poste, savoir si l'activité est saine, etc.", avertit Doriane Listrat.

De l'humain... et du télétravail

Denis Negri, candidat qui vient de terminer son parcours de recrutement, raconte qu'il recherchait une entreprise prête à mettre des moyens pour progresser dans la performance de la supply chain globale. La culture d'entreprise et l'ambiance étaient également importantes pour lui. "Cela était difficile à percevoir puisque j'ai passé de nombreux entretiens à distance. Mais j'ai eu la chance de me rendre dans les bureaux de ma future entreprise pour les derniers entretiens et j'ai senti du respect, de la considération, de l'écoute de la part des personnes qui travailleraient avec moi", rapporte-t-il.

Les candidats rencontrés, qu'ils soient millennials ou plus expérimentés, recherchent avant tout une qualité de relation. "Ils veulent être en relation avec des gens qui mettent l'humain au centre", remarque Sébastien Perdereau. Au-delà d'offrir la possibilité de télétravailler - incontournable aujourd'hui -, il s'agit de mettre en avant une ambiance de travail de qualité faite de management bienveillant et de respect entre collaborateurs.

Louis de Lamaëstre parle de "responsabilité vis-à-vis du collaborateur. "Nous sommes vigilants quant à la place de l'humain et aux particularités de chacun", explique-t-il. Les valeurs sont donc importantes. Ainsi, une entreprise à mission ou qui est impliquée dans la RSE de manière sérieuse, peut se démarquer, tant les candidats sont aujourd'hui à la recherche de sens au travail. Charles Germain incite à communiquer sur ses actions RSE, non seulement auprès des clients mais aussi auprès des candidats. "Cela permet d'attirer des profils qui ne viendraient pas de manière organique vers l'entreprise", souligne-t-il.

Accélérer les processus de recrutement

Autre conseil de la part de Charles Germain : faire preuve de réactivité. "Il ne faut pas que trop de temps s'écoule entre les différents entretiens ; le risque, sinon, est que le candidat reçoive une meilleure proposition ou fasse monter les enchères". "Des process de recrutement très rapides démontrent tout l'intérêt porté au candidat", ajoute Sébastien Perdereau.

Salaire, visibilité, valeurs et rapidité sont donc les clés pour recruter les profils dont les achats ont besoin dès aujourd'hui et à l'avenir.

Lire la suite en page 3 de cet article: Focus - "En recrutant, nous souhaitons accéder à des pratiques plus innovantes"


Focus - "En recrutant, nous souhaitons accéder à des pratiques plus innovantes"

Didier Eltgen

Octapharma, entreprise spécialisée dans la fabrication de médicaments à partir de plasma sanguin, cherche à renforcer ses équipes, et notamment celle des achats, pour accompagner son développement. "Le contexte dans lequel nous évoluons nécessite de sécuriser les approvisionnements et de s'assurer de la qualité des produits. À cela s'ajoutent des sujets comme la loi Sapin 2 et la RSE, mais aussi des éléments plus conjoncturels comme l'augmentation des délais d'approvisionnement et des prix des matières premières", précise Didier Eltgen, responsable achats de la société. "Ce sont donc des profils experts et seniors qui sont recherchés. "En recrutant, nous souhaitons également accéder à des pratiques plus innovantes", précise Didier Eltgen. Au-delà de l'expertise achats, les "soft skills"' des candidats sont également étudiées, notamment la capacité de communication et d'écoute, l'esprit de service mais aussi le leadership. Pour séduire les candidats, la société met en avant son secteur d'activité. "Le secteur pharmaceutique apporte beaucoup de sens, celui d'améliorer la vie de nos patients", avance Didier Eltgen.


De l'importance des soft skills

Fin 2020, CSP Docendi a publié, avec Parlons RH, le premier baromètre des soft skills auprès de professionnels (RH et autres fonctions).

84% des personnes interrogées y voient une tendance de fond et non un simple effet de mode. De quoi se rendre compte de l'importance de ces qualités de "savoir-être"

75% des répondants affirment que les soft skills permettent une meilleure efficacité professionnelle, individuelle et collective. Pour 48%, ils permettent l'accompagnement des transformations de l'entreprise.


A retenir

les équipes achats doivent aujourd'hui maîtriser les outils digitaux mais aussi avoir une sensibilité pour la RSE

les soft skills sont aussi essentielles, notamment les qualités relationnelles

pour recruter ces profils, il est essentiel d'être transparent sur l'avenir du poste et les projets achats de l'entreprise

ne pas oublier de mettre en avant l'ambiance

 
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