Des ESN pris entre le marteau achats et l'enclume des majors ?
Grands comptes qui se désengagent, chaînes de sous-traitance qui s'allongent, petites ESN sous tension. Le recentrage stratégique des grandes sociétés de services numériques oblige les acheteurs à composer avec un nouvel équilibre. Plus exposées, les petites structures sont poussées à jouer un rôle plus visible, mais sans filet. Une réalité débattue lors d'une conférence organisée à l'occasion des Trophées ESN 2025.

Le marché des services numériques se restructure à grande vitesse. Officiellement, les grandes ESN parlent d'ajustement et de recentrage stratégique. Sur le terrain, la redistribution des cartes bouleverse les équilibres de la sous-traitance, et force les directions achats à revoir leurs approches. Au centre de la tension, le paradoxe des petites structures qui gagnent en exposition, mais perdent en stabilité économique.
Les grands acteurs du secteur sont obligés de revoir leurs priorités. " Il faut se recentrer sur la valeur ajoutée ", observe Frédéric Doumenc, président d'Opteamis, en première ligne sur ce changement de cap. Les géants concentrent les projets stratégiques, structurés et rentables. Les petites ESN, elles, héritent du reste. Et surtout sous conditions qui tirent vers le bas.
Sous-traitance : les grands contrats dictent une nouvelle mécanique
L'assistance technique n'a pas disparu mais elle a certainement changé de main. Les grands comptes ne pilotent plus directement certaines missions, préférant les faire remonter par des strates de sous-traitance. " Ce n'est pas une mauvaise nouvelle en soi ", concède Frédéric Doumenc. Mais sur le terrain, la réalité est plus rugueuse. Les tarifs sont tirés vers le bas et les délais sont étirés. " On est maltraités par les achats, avec des business models qui ne permettent pas de tenir les volumes demandés ", regrette-t-il.
Les petites ESN jouent un rôle plus central, mais sur le fil est fragile. Elles absorbent la pression opérationnelle sans disposer de la marge de manoeuvre nécessaire pour structurer ou investir. Dans les faits, le résultat est que les meilleures ressources sont affectées aux projets stratégiques, quand le reste se joue sur le critère unique du TJM. Frédéric Doumenc observe une industrialisation du recours à la sous-traitance, mais sans mécanisme de stabilisation.
Le partenariat, devenu une condition d'accès
Chez Nexus Group, Fabien Bignon confirme la tendance. " Le client qu'on ne pouvait pas capter en direct, aujourd'hui, on est obligés de le passer par des grosses sociétés, résume-t-il. Pour accéder à un donneur d'ordre, même sur un périmètre connu, les structures intermédiaires doivent se placer sous l'égide d'un Big Four ou d'un cabinet référencé. EY, Deloitte, CGI, Wavestone... La logique de partenariat forcé s'est imposée comme passage obligé."
Et ce détour commercial a un coût. Les procédures de référencement se multiplient et les prestations sont parfois arrêtées en cours de route sans visibilité. " Les cabinets prennent des centres de service et nous sortent ensuite ", détaille le fondateur de Nexus Group, réaliste face aux nouvelles mécaniques du marché. En d'autres termes, le jeu devient plus technique, mais aussi plus opaque. Le constat. Les directions achats sont tenues à distance du terrain et pour l'instant peinent à anticiper l'effet domino.
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