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Rex CPO: Accélération du rôle des achats dans la défense face aux enjeux de souveraineté

La direction des achats de KNDS, industriel de la défense, pilotée par Ghislain Passebecq, joue un rôle décisif dans la sécurisation des chaînes d'approvisionnement. Traçabilité, double sourcing, accompagnement industriel... les acheteurs sont en première ligne de cette économie de guerre. Partage d'une vision de la stratégie achats à l'occasion de la matinale des Universités des achats 2025, organisées par le CNA.

Publié par Geoffroy Framery le | Mis à jour le
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Rex CPO: Accélération du rôle des achats dans la défense face aux enjeux de souveraineté
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Depuis l'invasion de l'Ukraine, l'industrie européenne de défense a basculé dans une logique de montée en cadence inédite depuis la fin de la guerre froide. KNDS, groupe franco-allemand issu du rapprochement de Nexter (France) et de KMW (Allemagne), est l'un des acteurs centraux dans cette économie de défense. « Depuis 2022, nous vivons une accélération brute et continue de la demande », résume Ghislain Passebecq, directeur des achats de la branche française du groupe.

Rappelons que KNDS produit systèmes d'artillerie, chars de combat (Leclerc, Griffon, Jaguar...), munitions, et emploie 10 000 personnes, dont 5 000 en France. Sur un chiffre d'affaires de 3 milliards d'euros, 70 à 80 % de la valeur des produits est achetée à l'extérieur, conférant à la direction des achats un rôle stratégique de premier plan. « Nos produits sont à plus de 90 % français en termes d'achats. Mais cela ne suffit pas à garantir leur souveraineté. »

Un pilotage achat de crise permanent depuis 2022

L'expérience acquise pendant la pandémie a permis à KNDS d'activer rapidement une cellule de pilotage de crise achat dès le déclenchement du conflit en Ukraine. L'objectif côté achat fut d'évaluer les capacités de montée en cadence, d'identifier les points de blocage et de sécuriser les approvisionnements critiques.

« Nous avons organisé des sessions de co-planification avec nos fournisseurs, pour partager nos prévisions, donner de la visibilité sur plusieurs années, et leur permettre d'investir », détaille Ghislain Passebecq. Là où les goulets d'étranglement persistent, KNDS intervient directement, via du co-investissement, ou en mettant en place du double voire du triple sourcing pour les composants sensibles.

La traçabilité comme exigence de souveraineté

Dans l'industrie de défense, la dépendance achat s'évalue aussi en termes de contrôles à l'exportation. Le cadre est strict. Le commerce d'armes étant encadré par l'État, chaque contrat de vente passe par la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). Si un composant est d'origine américaine (soumis à l'ITAR), allemande (BAFA) ou chinoise, l'exportation finale peut être bloquée.

Cette vigilance s'applique particulièrement aux composants électroniques, domaine dans lequel l'Europe a perdu une large part de ses capacités de production. « L'électronique est notre plus grand point de fragilité. La souveraineté s'arrête là où l'on ne maîtrise plus ses sources critiques », résume Ghislain Passebecq.

Accompagner la montée en cadence, filière par filière

Pour répondre à la pression opérationnelle, KNDS accompagne activement ses fournisseurs dans la montée en puissance de leurs capacités industrielles. Cela passe par des engagements pluriannuels, du soutien à l'investissement, mais aussi des politiques de substitution en cas d'impasse.

« Le rôle d'un acheteur chez KNDS, ce n'est pas seulement de négocier un prix. C'est d'orchestrer une chaîne de valeur fiable, conforme, et capable de livrer en temps et en heure des produits qui relèvent de la sécurité nationale», précise le directeur achats de KNDS. Cette logique s'étend au-delà du seul groupe, dans le cadre d'initiatives de structuration de filières stratégiques, souvent en lien avec la Direction générale de l'armement (DGA).

Un rôle renforcé dans la souveraineté économique européenne

Au-delà des enjeux opérationnels, les achats de KNDS s'inscrivent dans une logique plus large de construction d'une souveraineté européenne de défense. La hausse des budgets militaires en Europe, avec l'objectif en coursde l'OTAN de 2 % du PIB, objectif qui pourrait atteindre jusqu'à 3,5 % voire 5 % du PIB, crée une fenêtre historique de réindustrialisation du secteur.

Pour Ghislain Passebecq, cette dynamique impose aussi une nouvelle culture de la coopération entre industriels, acheteurs et autorités. « Il ne suffit pas de relocaliser. Il faut bâtir des chaînes industrielles robustes, transparentes, et résilientes. Il faut que la fonction achats soit à la hauteur. »

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