Recherche
Mag Décision Achats
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine
En ce moment En ce moment

"La croissance des salaires commence à devenir un accélérateur d'inflation"

Publié par Geoffroy Framery le - mis à jour à
'La croissance des salaires commence à devenir un accélérateur d'inflation'

Une inflation qui dure, le cours du maïs et du carbone qui explosent... sous fond de tendance haussière pour le gaz et l'électricité. Un point sur les achats de matières premières et l'énergie avec une interview exclusive d'Olivier Lechevalier, cofondateur de DeftHedge.

Je m'abonne
  • Imprimer

Qu'observe-t-on sur les marchés ?

Les marchés actuels ont deux caractéristiques principales. La première, c'est la faiblesse de la volatilité. On l'observe sur tous les compartiments de marché, y compris sur les actions avec un niveau du VIX (l'indice de la peur pour le marché américain) qui renoue avec ses niveaux d'avant la guerre en Ukraine. C'est surprenant car les facteurs de risque sont très nombreux (récession, relance chinoise qui déçoit, marchés déséquilibrés qui sont portés uniquement par quelques valeurs phares etc.). Il est difficile de savoir si cette complaisance des investisseurs peut durer longtemps. Ce qui est certain, c'est que les opérateurs de marché ne semblent pas croire à une deuxième partie d'année maussade. Le deuxième, c'est que nous sommes face à des marchés fondamentalement techniques. En l'absence de statistiques importantes et de grande réunion des banques centrales, ce sont les niveaux techniques (en particulier les niveaux de support et de résistance) qui exercent une influence importante sur les cours. On l'a vu par exemple pour l'or cette semaine. Les fondamentaux sont toujours à la hausse, avec notamment une demande en or physique de la part des BRICs qui s'accentuent. Mais à court terme, les vendeurs semblent avoir la main. C'est à peu près la même chose qui se passe sur l'énergie, notamment sur le pétrole.

Quid de l'inflation ?

La bataille contre l'inflation n'est pas terminée et les taux doivent continuer d'augmenter. Aux États-Unis, la banque centrale a opéré une pause éphémère mais deux hausses de taux supplémentaires sont prévues cette année (+ 50pdb). En zone euro, la BCE a augmenté comme prévu ses taux de 25pbd (taux de refinancement principal à 4 % - plus haut depuis 2001 - et taux de dépôt à 3,50 % - plus haut niveau depuis 2008). Deux hausses de taux supplémentaires (+ 50pdb) sont également prévues en juillet et en septembre prochains. Pour la première fois, la BCE a souligné que la croissance des salaires commence à devenir un accélérateur d'inflation (ce qui n'était pas le cas il y a encore quelques mois). S'ajoute à cela le retour de l'inflation par l'énergie (voir slide suivant). Les opérateurs de marché ne semblent pas totalement convaincus par le discours des banquiers centraux (taux plus élevés, plus longtemps). Le décalage entre les prévisions des banques centrales et les attentes des marchés risque d'entraîner un regain de volatilité. Ce qui est certain, c'est que l'un des deux a tout faux.

Et un cours du sucre qui s'enflamme ? Idem pour le maïs ?

C'est la matière première agricole qui affiche la plus forte hausse depuis le début de l'année : +32 %. En cause : une baisse généralisée de la production dans les principaux pays exportateurs, systématiquement en raison de conditions climatiques défavorables. En Inde, la production est en baisse de 11 % par exemple. Au pays du mais, la mauvaise récolte pointe en perspective pour en Chine (deuxième producteur mondial juste derrière les États-Unis). Le changement climatique frappe encore. Une vague de chaleur avec des températures supérieures à 40 degrés touche le nord-est du pays depuis la semaine dernière (région de Pékin en particulier).

Vous nous parlez du carbone également, pourquoi ?

C'est inhabituel de le placer dans les matières premières mais on ne pouvait pas faire l'impasse au regard des derniers mouvements de marché. Le prix du carbone vient de gagner +20 % en l'espace de 10 jours de trading pour atteindre 90€ la tonne. La hausse continue. Polluer coûte cher... très cher même.

Et côté énergies ?

Le point bas du pétrole de 52 semaines a été atteint le 12 juin dernier Mais la baisse est peut-être de courte durée au regard de plusieurs facteurs. Primo, la Chine a baissé ses taux la semaine passée pour stimuler la demande. Souglinons également que la dernière baisse de la production de pétrole de l'Arabie saoudite entrera en vigueur le mois prochain. Enfin, l'association internationale du transport aérien a annoncé il y a quinze jours que la dynamique dans le transport aérien est tellement positive qu'ils ont doublé leur prévision de profit net pour les compagnies aériennes cette année.

Le gaz connaît un doublement du prix depuis le début du mois La hausse s'explique en partie par la décision des Pays Bas de fermer à partir du 1er octobre le principal champ gazier européen, Groningen. Depuis 1985, il a fourni en moyenne 7 à 10 % du gaz consommé en Europe. Mauvais timing pour une fermeture. À noter que le gaz représente 1,9 % de la pondération de l'indice des prix à la consommation harmonisé dans la zone euro. Ce n'est pas négligeable. L'électricité enfin connaît une hausse de 50 % depuis le début du mois L'électricité représente 3,1 % de la pondération de l'indice des prix à la consommation harmonisé dans la zone euro. C'est énorme. Cela peut représenter un casse-tête considérable pour la BCE si la hausse perdure.

Quelles conséquences pour les entreprises ?

On peut légitimement s'interroger pour savoir si la complaisance qu'on observe sur les marchés financiers est aussi présente au sein des entreprises. Ce n'est probablement pas le cas. Dans beaucoup d'entreprises, il y a une forme de crainte concernant les mois à venir sans qu'on parvienne pour autant à identifier précisément les risques. Mais comme nous sommes en pleine période de discussion des budgets pour le deuxième semestre, il est probable que beaucoup d'entreprises vont couper dans les coûts là où c'est possible (par exemple : postes qui disparaissent après un départ, baisse des dépenses marketing etc.). C'est une période économique assez particulière. Mais nous devrions y voir plus clair à la rentrée de septembre.

Quels sont selon vous les points de vigilance à surveiller ?

À court terme, l'actualité économique est réduite. La semaine prochaine il n'y a pour ainsi dire aucun market mover sur les marchés financiers et encore moins sur les matières premières. La faiblesse de la volatilité qu'on observe aussi sur les matières premières est un point d'attention important. C'est anormal. Il faudra donc être vigilant et aussi penser à envisager des scénarios catastrophe dans le cas où la volatilité venait à rebondir brusquement (concrètement, comment se protéger contre l'émergence d'un risque de marché non pricé).

 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

La rédaction vous recommande

Retour haut de page