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Quand les directions achats changent le monde

Publié par Fabien Humbert le | Mis à jour le
Quand les directions achats changent le monde

En mettent le développement durable en avant, les directions achats peuvent faire évoluer les pratiques de filières entières, de la production, à la prise en charge des déchets.

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Les achats peuvent-ils changer le monde ? Cette question est moins folle qu'il n'y paraît. Et il y a au moins quelqu'un qui lui, y croit dur comme fer ! Il s'agit de Didier Livio, associé responsable de Deloitte Développement Durable: "Les directions achats peuvent faire basculer des filières entières vers des pratiques vertes, respectueuses de l'environnement", s'enthousiasme-t-il. Mais n'allons pas trop vite, car avant de changer le monde, le monde des achats doit lui-même évoluer, et aller à l'encontre de pratiques bien établies. "

"Pour aller vers des pratiques achats plus respectueuses du développement durable, le prix ne peut plus être la seule donnée du travail du directeur des achats", assène Didier Livio. Et le consultant va encore plus loin puisqu'il préconise que les directions achats fassent moins d'appels d'offres... Pire ! Qu'elles optent pour une contractualisation sur plusieurs années avec leurs fournisseurs, afin de construire des liens durables. "La fidélité est une idée qui choque beaucoup d'acheteurs, mais qui aujourd'hui dans le développement durable est extrêmement innovante", analyse-t-il.

Didier Livio

Didier Livio est-il un doux rêveur qui court après des chimères ? Que nenni ! Car notamment grâce à ses conseils, des directions achats d'enseignes représentants des milliards d'euros, et très connues du grand public, ont fait évoluer leurs pratiques, et par capillarité, celles de leur fournisseurs.

L'exemple McDonalds

McDonalds a toujours eu une image ambiguë... Et pourtant en France, l'enseigne est à la pointe de l'innovation en matière de développement durable. D'abord parce que sa direction achat ne ressemble à aucune autre.

Rémi Rocca

"Chez nous, les acheteurs sont aussi des ingénieurs qualité, avec des profils d'ingénieurs agronomes ou en agriculture, révèle Rémi Rocca le directeur des achats de McDonald's France. Ils ont entre leur main l'ensemble du cahier des charges, du champ au restaurant. Ils abordent les sujets économiques, de sécurité alimentaire, mais aussi de qualité environnementale et de nutrition."

Ensuite parce que depuis des dizaines d'années, la direction des achats de McDonald's s'est lancée dans une politique de fidélisation de ses fournisseurs provenant de ses cinq filières principales, que sont le boeuf, le poulet, les pommes de terre, le blé et les salades. "Cela a permis de mettre en place des relations de long terme avec des partenaires industriels ou agricoles majeurs, qui eux-mêmes s'appuient sur des fournisseurs en amont (abattoirs, coopératives...)", raconte Rémi Rocca. La suite logique de cette politique a été de mettre en place une politique de contractualisation. En 2007, alors que la volatilité des prix matières premières agricoles, McDonald's décide de proposer des contrats d'approvisionnement sur trois ans pour le blé, garantissant ainsi un prix ferme sur toute la chaîne quel que soit le cours conjoncturel de la céréale.

Lire la suite en page 2: La concertation, en faveur du développement durable et La transformation de la filière achats



La concertation, en faveur du développement durable

Chez McDonalds, fin 1990, début des années 2000, l'accent avait d'abord été mis sur le sujet de la traçabilité alimentaire, que ce soit pour la viande ou le blé. Depuis 2009, le cahier des charges de la marque a pris en compte une stratégie agro écologique. Ainsi "entre 2010 et 2020, nous avons pour objectif de faire baisser le taux d'émissions de gaz à effet de serre global de 20%".

McDonald's a testé cinquante bonnes pratiques environnementales sur trente fermes entre 2010 et 2015. Désormais, elles s'appliquent à l'ensemble de ses fournisseurs. En ce qui concerne le blé, certaines sont obligatoires, alors que pour d'autres, une latitude est laissée aux producteurs, selon qu'ils se trouvent dans la Beauce, dans le Gers, ou de la Vallée du Rhône. "Mais tout ceci repose sur une démarche de concertation, explique Rémi Rocca, nous l'avons construit avec les coopératives, les industriels, les représentants des produits phytosanitaires, l'INRA..."

Ce qui fait dire à Didier Livio "Pour faire évoluer une filière comme McDonalds avec le blé, ou Intermarché avec la pêche par exemple, il faut ouvrir les négociations à d'autres partenaires que les fournisseurs, c'est-à-dire à des ONG, voire des entreprises concurrentes mais intéressées elles aussi par le développement durable."

La transformation de la filière déchets

Cette rencontre entre achats, qualité et innovation peut changer la donne en ce qui concerne la production, mais aussi la gestion des déchets. Par exemple, McDonald's récolte depuis dix ans les 7000 tonnes d'huile usagée que produit ses restaurants, avec comme objectif, à terme "de faire fonctionner nos camions avec cette huile transformée en carburant", rêve Rémi Rocca. McDonald's recycle aussi tous les cartons de ses restaurants. "Ce sont les camions qui nous livrent qui repartent avec les cartons", révèle-t-il.

Mais s'il est une entreprise qui est actuellement en train de faire évoluer la façon dont les déchets sont récoltés et recyclés en France, c'est bien Nespresso. Même si les capsules Nespresso étaient bien récoltées, il était jusqu'à récemment impossible de les recycler et de les valoriser. Tout simplement parce qu'elles sont trop petites et passaient dans les trous des tapis de tri dans les centres de recyclage. Elles étaient donc ramassées et brûlées pour devenir notamment du mâchefer.

L'entreprise, conseillée par Deloitte et Didier Livio, a alors eu l'idée d'équiper des centres de tri de séparateurs Foucault, afin d'aimanter ces capsules insaisissables autrement. Et ça marche, puisqu'en trentaine de centres ont été équipés, surtout dans le Sud de la France. Là encore la concertation a été primordiale, puisque Nespresso s'est entendu avec les acteurs du tri et les collectivités publiques pour financer l'achat des machines. Mieux, le groupe a créé un fonds de dotation. "Nespresso abonde de 300 euros la tonne l'aluminium ainsi récolté, qui est de plus vendu par les centres de tri", explique Didier Livio. Qui a dit que les décideurs achats ne pouvaient pas changer le monde ?


 
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