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[ITW] Miguel Caulliez, CPO de Nokia: "Je suis fier d'avoir l'opportunité de réinventer cette fonction"

Publié par Marie-Amélie Fenoll le - mis à jour à
[ITW] Miguel Caulliez, CPO de Nokia: 'Je suis fier d'avoir l'opportunité de réinventer cette fonction'

Miguel Caulliez, CPO chez Nokia, a un mandat entièrement centré sur la recherche de l'innovation, laissant les achats opérationnels à une entité dédiée. Ce poste unique en son genre traduit une mutation profonde de la fonction achats comme porteuse légitime d'innovation au sein de l'entreprise.

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>> Vous avez été nommé chief procurement officer (CPO) chez Nokia en janvier 2016, avec un mandat entièrement dédié à l'innovation. En quoi cela consiste-t-il?

La fusion de Nokia et Alcatel-Lucent, le 14 janvier dernier, a entraîné une transformation organisationnelle chez Nokia. Ainsi, une direction de l'innovation et des opérations ou "chief innovation and operating office" (CIOO) a été mise en place. Son rôle est de créer le lien entre l'innovation et les opérations. Au sein de cette direction CIOO, une toute nouvelle organisation appelée "procurement", dont j'ai pris la tête en tant que CPO, a été créée. Celle-ci est centrée exclusivement sur l'innovation des fournisseurs et la gestion de l'écosystème du groupe. Parmi les objectifs qui m'ont été fixés à horizon 2020, il y a celui de revoir la façon dont la R&D pourrait travailler avec nos partenaires mais aussi celle à mettre en place pour renouveler notre écosystème.

Nokia a cassé les codes d'une organisation achats ­traditionnelle en basculant toutes les activités ­opérationnelles liées aux achats directs, indirects et de services vers une entité appelée "global operations".

>> Vous dites: "Notre structure est unique, il n'y a pas d'équivalent dans le monde"...

Nous sommes en effet les pionniers avec ce type ­d'organisation. En quelque sorte, nous sommes en train de réinventer la fonction. Si je me réfère notamment aux benchmarks réalisés auprès de ­cabinets spécialisés dans les achats, ce que Nokia a mis en place n'a pas d'équivalent. Ce que l'on observe plutôt aujourd'hui, ce sont des entreprises qui créent une équipe dédiée à l'innovation au sein même de leur direction achats, mais qui ne font pas le choix de se concentrer uniquement sur ­l'innovation en ­laissant le soin des opérations à d'autres ressources dédiées.

>> Comment ce bouleversement en termes d'organisation a-t-il été perçu?

Je ne vous cache pas que mon nouveau mandat interpelle. Que ce soit en interne ou en externe, les réactions sont immédiates: soit les gens adorent, soit ils n'adhèrent pas... mais ça ne laisse personne indifférent! Il faut du temps et une bonne conduite du changement pour faire comprendre cette nouvelle organisation.

>> Lire la suite en page 2.

>> Quelle place donnez-vous à vos fournisseurs historiques dans ce processus d'innovation? Comment les avez-vous embarqués dans un tel projet?

Notre ambition est d'embarquer notre écosystème dans ce processus ­d'innovation, et nos fournisseurs ­historiques en font partie intégrante. Je ne veux pas tomber dans le piège de "qui dit ­start-up dit plus innovant". Pour moi, un fournisseur avec qui nous réalisons un chiffre d'affaires de plusieurs dizaines voire centaines de millions d'euros peut nous apporter autant en matière d'innovation qu'une start-up, si ce n'est pas plus.

Aujourd'hui, on associe souvent les mots innovation et nouveaux business models aux start-up. Il est ­fondamental pour moi de laisser leur chance aux ­partenaires qui nous accompagnent depuis plusieurs années. Regardons notre écosystème existant, donnons aux grands groupes avec lesquels nous travaillons une chance de proposer des innovations de rupture. Je suis intimement convaincu que des grands groupes peuvent innover.

Sans compter que nos fournisseurs ont la même approche: ils s'intéressent à un écosystème beaucoup plus large. Je suis donc très intéressé de connaître les start-up qui travaillent avec mes fournisseurs.

>> Réduction d'un panel fournisseurs d'un côté pour les achats, élargissement de l'écosystème de l'autre pour apporter de l'innovation. N'est-ce pas schizophrénique?

On peut effectivement voir ça comme deux forces contraires. D'un côté, il y a la réduction des coûts et donc du panel fournisseurs qui est un des fondamentaux des achats, de l'autre côté, il y a une dynamique de globalisation qui permet à n'importe qui basé en États-Unis, en Europe, au Japon, en Chine ou ailleurs d'apporter une idée qui va révolutionner l'industrie. Il est primordial de s'ouvrir et de travailler avec ces gens-là. Gérer ces deux dynamiques contraires, rester maître de ce mouvement tout en évitant de mettre trop de structure, trouver le juste équilibre, c'est là que réside le défi. Mon objectif est d'avoir un portefeuille fournisseurs quasiment illimité!

>> Quelle est, selon vous, la légitimité des achats à porter l'innovation dans l'entreprise?

Personne n'est mieux placé que les achats pour porter l'innovation. Nous avons une place essentielle parce que nous sommes garants de l'écosystème. C'est une opportunité extraordinaire qu'il faut exploiter. J'ai fait une grande partie de ma carrière aux achats. C'est un métier que j'adore et, avec ma nouvelle fonction de CPO et la direction de cette nouvelle entité "procurement" , je suis fier d'avoir l'opportunité de la réinventer et de donner un nouveau sens au mot "procurement" en l'associant au mot innovation.

>> Quel est le profil de votre équipe? Comment fonctionne-t-elle?

"Personne n'est mieux placé que les achats pour porter l'innovation. Nous avons une place essentielle parce que nous sommes garants de l'écosystème."

J'ai structuré mon équipe autour de la chaîne de valeur de l'innovation: de la phase d'exploration des nouvelles technologies et recherche de business models ­innovants jusqu'à la phase d'exécution des programmes d'innovation, en passant par la gestion des initiatives R&D avec nos partenaires. Ces équipes sont supportées par d'autres fonctions appelées "enablers" comme le planning, la gestion des données et la gestion des relations avec notre écosystème.

Tout comme une start-up, j'ai fait le choix de démarrer avec une structure raisonnable, qui grandira au fur et à mesure des projets. La diversité est, pour moi, un ­facteur-clé du succès. C'est pourquoi, j'ai volontairement créé une équipe mixte, avec des profils ayant pour certains des compétences achats mais qui ne représentent pas plus d'un tiers de l'effectif, mais surtout avec des profils venant du monde de l'entrepreneuriat, des incubateurs, de la R&D, des ventes, du marketing...

>> Vous dites justement que "vous n'avez pas le monopole de l'innovation".

Au sein de Nokia, l'innovation est diffuse dans toute l'entreprise et n'est pas la propriété d'un seul groupe. Si vous commencez à border ou à structurer un ­environnement trop fermement, vous risquez de le rendre rigide, et par conséquent de tuer toute forme d'innovation. Nokia encourage chaque individu à apporter sa contribution à l'innovation.

>> Comment allez-vous chercher cette innovation?

Nous recevons des dizaines voire des centaines d'idées tous les jours. Le problème n'est donc pas de chercher l'innovation, mais plutôt de savoir ­l'analyser, ­l'interpréter, la structurer pour pouvoir l'exploiter. J'ai l'habitude de dire: "One solution doesn't fill all" (NDLR: "Il n'y a pas un seul modèle ou une seule solution"). Nous vivons aujourd'hui dans un environnement ­hautement technologique qui nous offre de nombreux moyens pour rechercher et ­trouver les idées ­innovantes, comme l'open source, le crowdsourcing, les incubateurs... Il faut savoir utiliser ces moyens ou leviers à bon escient.

>> Lire la suite en page 3.

 
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